l’artisanat et la promotion de la Tunisie. C’est une femme remarquablement intelligente et visionnaire. Ce n’est donc pas par hasard que Nazli Hafzia est présidente de l’association AAFCAR (Association pour l’Accès au Financement et à la Compétitivité de l’Artisanat Rural).

Cette association créée au lendemain de la Révolution se fixe comme objectif de pérenniser les techniques artisanales ancestrales, de plaider en faveur de l’émergence d’un tissu micro entrepreneurial responsable et équitable, de faire revivre des métiers, de consolider le patrimoine culturel tunisien, d’ancrer chez les artisanes et artisans les valeurs d’estime de soin, et de viser leur autonomie financière.

Depuis janvier 2012, la petite équipe d’AAFCAR sillonne donc la Tunisie du Kef à Kasserine en passant par Beni Khalled, Moknine ou encore Sejnane, et travaille avec des artisanes et des artisans autour des savoir-faire liés au tissage, à la poterie ou encore la broderie. L’objectif est de proposer une ligne moderne d’objets destinés à la maison à partir de techniques et de savoir-faire ancestraux. L’idée n’est pas nouvelle, des expériences comme « Dar » en 2008, « La liste tunisienne » de Laurence Touitou en 2010, « La Collection » en 2010 en témoignent. Cependant l’approche intellectuelle et technique d’AAFCAR consiste à faire converger à la fois l’histoire, l’anthropologie, le design et l’artisanat.

Cette démarche et le fruit de ce travail seront exposés du 8 juin au 13 juin 2012 au sein de deux lieux culturels de la banlieue nord de Tunis : la librairie Fahrenheit 451 et l’Acropolium de Carthage. Cette exposition vente permettra de découvrir ou de redécouvrir la richesse de notre patrimoine artisanal. Des collections d’objets : plaids en laine, nattes d’alfa, sets et chemins de table de table brodés, coussins de sol, luminaires, etc. mais aussi des portraits d’artisan(e)s, des photographies et un carnet de route de cette expérience qui devrait se renouveler chaque année à travers deux collections, une automne-hiver et une printemps-été.

Les matières naturelles et les modèles traditionnels sont retravaillés afin de s’adapter au goût moderne et aux exigences de la clientèle, que celle-ci soit locale ou étrangère. En effet, comme le souligne justement Nazli Hafsia, il est fondamental d’accompagner les artisan(e)s tunisien(ne)s dans l’évolution de leurs modèles par une information sur les besoins de la clientèle et le mode de vie de celle-ci. La vie en ville par exemple, le plus souvent en appartement, a pour conséquence une évolution des modes d’habitation et de consommation. Dans ce contexte produire des tapis de 4m sur 3m, comme cela se fait pour habiller le sol des maisons traditionnelles, n’a plus de sens. Il s’agit pour l’équipe d’AAFCAR de conseiller et d’orienter les artisan(e)s à propos des modèles produits mais aussi de proposer une aide concernant les questions d’estimation du temps de travail et de prix de vente du produit.

Nazli Hafsia explique que certains créateurs comme Semia Ben Khelifa (Fella), Leila Menchari, Sadika Keskes et plus récemment Mohamed Messaoudi (Atelier Driba 93), Salah Sfar (Tinja), Hela Chadi (SOCADECO), Khadija Kilani (Kahenart), etc. ont également mené un tel travail et ont su restituer ses lettres de noblesse à notre artisanat.

Malheureusement il s’agit d’initiatives éparses et dont les prix de vente ne sont pas accessibles à tous. Le lien promoteur/secteur d’activité ne se fait pas et ce ne sont pas les villages de l’artisanat mis en place par l’ONA et relativement bien répartis sur le territoire qui vont modifier cela. Ils constituent uniquement des lieux de production et de vente, souvent poussiéreux, alors qu’ils pourraient être aussi pour les artisans des lieux d’information, de réflexion sur les modes, les tendances, les façons de vivre ici et ailleurs. L’artisanat, outre le fait de faire partie de notre héritage culturel, constitue dans notre pays le premier employeur, il serait donc temps de le penser en terme de compétitivité, d’innovation et de richesse économique.

En attendant, vous l’aurez compris, nous vous invitons vivement à découvrir du 8 juin au 13 juin 2012, l’exposition « Tunisie : un artisanat, des savoir-faire, une solidarité ».

AM

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