Des incidents éparses qui viennent s’ajouter à un flot d’images de fanatiques religieux durant plusieurs agressions et manifestations et qui ont fait la une des journaux du monde entier. Faut-il cacher ces images qui portent un tors considérable à l’industrie touristique ?
C’est ce que sont tenté de penser une certaine partie de la population, de professionnels ainsi que la gouvernance actuelle qui gère le pays.Selon eux, la Tunisie fait peur à cause de ses journalistes qui soit « amplifient » soit « inventent » une violence qui est loin de s’être installé. Leur revendications : cacher, maquiller ou taire. Est-ce possible ? Avec les réseaux sociaux, les images circulent et il vaut mieux informer que chercher à camoufler comme cela a été le cas pendant les années Ben Ali.
Sur le terrain, c’est une toute autre histoire. La réalité des touristes est de souffrir d’une qualité de services qui continue de chuter, d’un environnent qui se délabre un peu plus tous les jours et de la morosité de stations balnéaires abandonnées où le gazon des jardins publics ressemble à du blé et l’éclairage publique est entièrement en panne. Des stations comme Yesmine Hammamet qui font fuir de tristesse. Un comble pour une des destinations phares du pays!
A la faveur d’une enquête, il ressort que les touristes sortent peu. Des consignes leur sont données en amont des pays émetteurs en desk d’agence de voyage. Se cantonnant dans les hôtels, ils laissent les commençants, les restaurateurs et les chauffeurs de taxi sur leur faim. Un manque à gagner considérable. “L’hiver sera long et les réserves ont totalement fondus avec la crise que connait le pays » confirme Amor taxiste, 32 ans.
Durant ramadhan, Hammamet Yesmine grouillait de monde jusqu’à l’aube et depuis quelques semaines, les hôtels sont submergés par le flux de touristes.« Les hôtels ne s’attendaient pas à ce flux. Ils n’ont pas pris leur dispositions et cela s’est fait sentir sur la qualité de services qui a encore plus chuté dans plusieurs structures.Cela a provoqué la colère des touristes » explique un agent de voyages.
Avouant que rien ne change au niveau du secteur, il sourit en répondant : « La religiosité est une affaire personnelle et une question de foi. C’est faire l’amalgame et ne plus servir d’alcool sur Tunis Air qui envoie des signes alarmants aux touristes et aux décideurs en amont qui fait peur. Il faut faire attention, nous sommes sur la corde raide. Sans tourisme, la Tunisie ne tiendra pas. «
La religiosité n’est pas fanatisme
La religiosité n’est pas fanatisme et les tunisiens sont de musulmans, ils n’ont jamais été islamiste ou fou de dieu! Carole et Franck vivent à Hammamet depuis quelques années et n’ont aucun souci sur ce point là. Ce qu’ils déplorent, “c’est le manque de propreté, les poubelles qui débordent, la sécurité qui est quasi absente. Pour eux “Rien n’a changé si ce n’est l’esprit de revendications quasi permanent et la liberté d’expression” qu’il apprécient du reste.
Pour Aline, résidente en Tunisie, cela se complique un peu. C’est la troisième fois qu’on lui vole son sac. Une boule au ventre, elle déclare: »Dommage, on aimait bien vivre ici. On y des amis, mais là on se pose des questions. La Tunisie ne semble pas gouverné. C’est ce qui nous alarme. Nous allons attendre la constitution si les choses ne s’arrangent pas, nous allons partir ailleurs ». Il va de soit que c’est nullement la religiosité des gens qui l’importune. Loin de là! ” les tunisiens sont pieux et modérés.Hammamet, Sousse ou Djerba sont bien entendu des endroits préservés.Ces images de fous ne nous effraient pas. C’est la délinquance et le banditisme qui nous effraie ».
Alain.T est un passionné de Tunisie. Il dit : « Il m’a été donné d’assister à une “démonstration” de prières dans le hall d’un grand hôtel, consacré prioritairement aux touristes.Désormais, la prière s’étend sur les plages. Comment nommer cela autrement que par le terme d’invasion (et le mot est pesé). Comme si certains transformaient la Tunisie en une immense mosquée qui ne sera bientôt plus qu’un désert où l’on prie, où l’on ne vit plus… Et qu’on ne visite sûrement plus. Laisser faire cela à ce pays ! Non, vraiment, je ne comprends pas l’attitude des élus, de celles et ceux qui sont élus et payés pour gérer le pays au quotidien, en fonction des désirs de la majorité ».
Un journal Algérien a même évoqué dans un récent article que « les plages de Hammamet étaient fermées aux non musulmans ». Faux et archifaux ! La prière de l’aïd s’est tenu à 6h00 du matin et n’exclut personne. La plage en question est publique bien loin des hôtels qui ont majoritairement des plages aménagées.
Alain n’en démord pas.» Si tout est redevenu normal, c’est sans doute que cette situation de prier, d’imposer la prière dans les lieux publics était “anormale”. Est-ce cela de l’intox ? Est-ce de l’intox de dénoncer des situations qui, il y a quelques mois encore, étaient absentes d’un pays qui donne tous les signes d’une religiosité galopante et imposée par une minorité à une majorité ? » Cette religiosité galopante s’exprime t-elle le jour de l’aïd seulement ?
Les prières en dehors des lieux de prière ont été condamnés par les autorités religieuses et les tunisiens sont surpris de voir le chef d’un parti politique conduire une prière dans une place publique. Pour Akrma T, opérateur dans le tourisme, « Ce qui inquiète, c’est le non respect de la loi. Il y’a une loi ou nous la respectons pour vivre ensemble et en paix ou c’est l’anarchie ».
Se poser les bonnes questions
De son coté Alain Delvert, Consultant en Tourisme et ayant travaillé pendant de longues années sur la destination Maroc expose son opinion : « C’est triste souvent de lire la Tunisie “virtuelle” à travers les réseaux sociaux tel Facebook. Mais la réalité du terrain, où se situe-t-elle? La Tunisie profonde n’est ni l’un, ni l’autre…Le Tourisme en Tunisie n’est pas ni angélique, ni infernal. Mais, il faut contraster » les jolis commentaires « avec l’agression de touristes français, il y a quelques jours, à l’aéroport. Il faut contraster avec le « tabassage » de Jamel Gharbi, 62 ans, conseiller régional PS de la Sarthe depuis 2010 et chargé de mission insertion à la Ville du Mans qui a été roué de coups à Bizerte, alors qu’il était en visite en Tunisie avec sa femme et sa fille, en parallèle avec une manifestation ».
Une affaire qui prend de l’écho et dont nous avons peu d’informations si ce n’est le manque de réaction d’un gouvernement qui pèche par son incompétence autant que par son incommunication. Quels que soient les dessous de cette affaire, la violence est condamnable et répressive par la loi.
L’affaire est aussi tellement médiatisé qu’elle ne peut qu’être mue que par une volonté de nuisance à un pays qui se cherche, se découvre et vit une transition démocratique difficile eu égard aux failles qui se révèlent au sein d’un pays qui a été bouffé par la corruption et la pauvreté durant des années.
La Tunisie se targue de n’avoir enregistré aucune agression envers des touriste depuis la révolution. Cela reflète l’ importance du secteur pour les populations. Une marche réclamant la sécurité a même été organisé par l’ensemble des professionnels du tourisme en début de réclamer au gouvernement de la sécurité.
Pour en revenir au séjour des touristes, Alain Delvert précise : « La réalité va bien sûr dans le sens, globalement, de séjours très satisfaisants pour les Touristes. Très satisfaisants, si le regard des touristes va vers la recherche de profiter des atouts touristiques du pays et de l’extrême gentillesse des Tunisiens ».
En poussant la réflexion plus loin, il rajoute : « Mais pour ceux qui identifient le tourisme avec aussi un regard pour comprendre le pays et sa situation, il n’en faut pas pour longtemps pour y voir des difficultés qui créent un certain malaise. Je veux dire qu’on peut se sentir mal à vivre des moments de vacances, quand on commence à voir ce qu’il semble se passer dans un pays. J’oublie la Tunisie et je prends 2 exemples, heureusement éloignés de ce pays. Quand on va en vacances dans certains pays d’Afrique, on peut en revenir enthousiaste. Certains reviennent choqués. Quand on va en vacances à Cuba, on découvre un paysage paradisiaque. Si on a la possibilité (pas évidente) de parler «réel» avec les Cubains, on revient souvent bien malheureux. »
Réagsiaant à un récent article sur notre site, un message retient particulièrement l’attention, celui de Christine Estirac : « Ne faudrait-il pas mieux d’abord que les tunisiens se mettent à nettoyer leurs villes, places publiques et plages, remettent sur leurs visages le sourire qui faisaient d’eux les plus agréables maghrébins des années 80, honorent leurs ancêtres, leur artisanat, leur histoire, leur langue? Pourquoi inviter des gens qui, pour beaucoup, ne pensent qu’au fric et n’ont aucun respect de la culture et de l’histoire? Pourquoi ne pas dépenser ce budget à devenir de meilleurs tunisiens fiers de leur héritage? Cela donnera naissance à une nouvelle génération fière de son patrimoine . Je visite votre beau pays depuis 1975 et vois sa dégradation, sa saleté et la grande majorité de ses habitants de plus en plus désabusés et paresseux. Sauvons la Tunisie par ses habitants! »
Et si le premier danger qui menaçait sur la Tunisie touristique était la paresse et la démission avant la religiosité même galopante !
Amel Djait
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