L’annonce de l’inscription de Djerba au Patrimoine Mondial de l’UNESCO a fait l’effet d’une bombe sur Tunis et ailleurs! Car Djerba, n’est pas que jerbienne ou tunisienne! L’île est cher à bien du monde; les autochtones, les juifs, les non- tunisiens qui y vivent, ceux qui y ont travaillé, ceux qu’elle a inspiré et continue,…
Djerba a ce pouvoir de rendre sensible à elle une grande majorité de ceux qui s’y rendent ou s’y sont rendus un jour ou l’autre! La lumière, les étoiles, la douceur, l’énergie de la terre, le sourire des gens dépassent encore – allez savoir pour combien de temps!-tous les traumatismes qu’elle subit comme la pollution, la dégradation de l’environnement, la construction anarchique, le manque d’entretien, la mauvaise gouvernance,… Par Amel DJAIT
Le 18 septembre, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a inscrit non pas toute l’Ile de Djerba mais une liste de 24 monuments implantés partout sur l’île. Il s’agit des monuments suivants, ”Les mosquées : Sidi Salem, Sidi Smain, Tajdit, Abou Messouer (Al Jamaa El Kebir), Cheikh, Sidi Jmour, Moghzel, Imghar, Guellala, Sidi Yeti, Louta, Essalaouti, El Fguira, Tlakine, Medrajen, El Bessi, Fadhloun, Berdaoui, Welhi, Sidi Zikri, Mthaniya, Synagogue La Ghriba et l’Eglise Saint Nicolas.”. Le dossier a été déposé selon l’intitulé suivant : «Djerba, Témoignage d’une île-jardin au système urbain éclaté et refuge de minorités».
24 monuments et pas tout l’île!
C’est au terme d’un travail acharné qui dure depuis 1976 que le projet de cette inscription a finalement abouti. C’est sans compter les tentatives diverses d’inscriptions, les lourdeurs administratives, les exigences et disponibilités des compétences nécessaires, l’engagement indélébile à cette cause, les ressources financières,…
Inscrire un site n’est jamais aisé! L’inscrire dans l’adversité ou dans l’immobilisme qui caractérise la Tunisie actuellement, ou pour être moins radicale, le pessimisme ambiant est une véritable gageure. Bravo à l’ASSIDJE (Association de Sauvegarde de l’île de Djerba https://www.assidje.tn/djerba-patrimoine-mondial), à tous les acteurs et aux diverses générations qui se sont déployés sans cesse pour rendre cela possible! Commence maintenant le plus difficile; sensibiliser, communiquer, expliquer, mettre en place le plan d’action et de gestion présenté pour mettre à profit ce label de prestige.
Jusqu’à maintenant inscrire des sites tunisiens au patrimoine de l’UNESCO n’a pas été une garantie de développement, de préservation, de mise en valeur et encore moins de mise en tourisme de sites comme ceux de la médina de Tunis ou de Kairouan ! Si l’on considère que les sites archéologiques tunisiens inscrits à l’UNESCO ont été préservés, l’administration avec à sa tête le ministère de la culture tunisien confondent protection avec immobilisme et momification des sites! Les dommages sont énormes! Cette attitude castratrice sème l’austérité et la stérilité au lieu de créer de la valeur dans et autour des sites en question.
Protection mais pas immobilisme !
Aujourd’hui, si l’on veut renverser la vapeur, il faut soutenir l’ASSIDJE (Association de Sauvegarde de l’île de Djerba) dans le déploiement de leur vision sur les sites inscrits mais aussi sur l’ensemble de l’ile; Djerba peut se se doit de devenir un modèle de gouvernance, de rentabilité, de créations d’emplois, de développement,…Tout le monde sait ce qu’il reste à faire mais jusque là, chacun fait seul, dans son coin ou empêche de faire! C’est probablement ce qui a changé maintenant ! Comment implémenter les dizaines de stratégies qui croupissent dans les tiroirs pour rassembler les acteurs, harmoniser les visions de tous les acteurs et concilier une exploitation judicieuse au niveau des attentes et des grandes tendances culturelles et touristiques mondiales ?
Si l’inscription de Djerba a finalement aboutie, c’est que forcément les mentalités et les savoir-faire ont changé ! C’est la persévérance qui mènera sans doute vers de jours meilleurs pour un des plus beaux joyaux du pays !
Reste à espérer que ce label ne subira pas celui de l’ile voisine; Kerkennah. L’inscription de la pêche traditionnelle a été inscrite au Patrimoine immatérielle de l’Unesco il y a deux ans. A ce jour, les autorisations accordées aux pêcheurs pour partager leurs savoirs faire avec des éventuels non pécheurs n’ont pas été changés! L’immobilisme a la peau dure! Cet exemple résume à lui seul une partie du paradoxe de la mise en exploitation du label Unesco en Tunisie!
Que de perte de temps, d’argent, d’intérêt, de crédibilité… !
Crédit photo: Pierre Gassin