Mille et une Tunisie : Pouvez-vous nous en dire plus sur ce réaménagement?

Le musée national du Bardo fondé en 1885  est de notoriété internationale. Dans les années 1990 puis 2000, le flux touristique des visiteurs a beaucoup augmenté. Nous sommes passés d’une moyenne annuelle de 200 000 visiteurs à 650 000 en 2005.

Le musée devenait donc trop petit et la muséographie datait. De plus, à mon sens, ce musée national n’avait pas tenu son rôle,  à savoir permettre aux Tunisiens d’acquérir une bonne connaissance de leur propre histoire. Nous avons donc commencé une réflexion sur le devenir de ce musée. A cette même époque, la banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) s’est intéressée au développement du tourisme culturel en Tunisie. Celle-ci a alors accordé un prêt de 30 millions de dinars pour 3 projets pilotes : réaménagement du musée du Bardo, de celui de Sousse et de celui des arts et traditions populaires de Djerba.

Le projet architectural du Bardo conçu par les architectes muséographes,  Pierre-François Codou et Franck Hindley associés à l’agence Amira Nouira architecte,  a permis de doubler la surface muséale (23 000 m2). Nous avons dù  faire appel à des architectes étrangers car, malheureusement, la spécialité architecture-muséologie est un corps de métier qui n’existe pas encore dans notre pays. Une nouvelle aile très contemporaine et sur 4 niveaux a été ajoutée à l’arrière du musée historique en gagnant sur l’espace du jardin. Cela afin d’y installer l’administration muséale et des espaces d’expositions temporaires.

Mille et une Tunisie : Parlez-nous du projet muséologique?
Nous avons mis en place un ambitieux projet muséologique. Ici,  il est sans doute bon de préciser que le réaménagement du musée de Sousse et l’ouverture du musée des arts et traditions populaires de Djerba s’inscrivent dans la même dynamique.

Mais pour revenir au musée du Bardo, côté expositions permanentes, les circuits de visite, indiqués par des signalétiques appropriées, obéiront à des critères chronologiques et thématiques, régis par une scénographie moderne. La nouvelle présentation se veut un témoignage des civilisations réhabilitées et présentées au public à travers des départements dédiés à la préhistoire, à la civilisation phénico-punique, au monde numide, à la période romano-africaine, à la collection sous-marine de Mahdia, à l’Antiquité tardive et chrétienne, au judaïsme africain et à l’Islam.

Il s’agit de parler de l’identité culturelle de la Tunisie dans sa pluralité. Nous allons développer les expositions temporaires car un musée vivant doit proposer au moins deux fois par an des expositions à thème. Un espace du nouveau bâtiment a été spécialement pensé à cet effet.

Le futur musée national du Bardo disposera également d’une cafétéria, d’une boutique, d’un centre de restauration des mosaïques et des sculptures, d’espaces polyvalents et d’un service  des  publics. Pour tout cela, nous travaillons en étroite collaboration avec des experts internationaux du Louvre, de la Réunion des Musées nationaux, de l’UNESCO, etc.

Mille et une Tunisie : Vous parlez de service des publics. Quelles actions de médiation culturelle y seront mises en place et pour qui ?
Notre priorité est avant tout de rendre à ce musée sa vocation nationale, comme le voulait son fondateur Kheireddine Pacha, en amenant les Tunisiens à le fréquenter. Pour cela, nous aurons un service des publics qui pensera des actions de médiation culturelle appropriées à chaque public : habitants du Bardo, jeunes, touristes étrangers, scolaires… Pour cela, une attention particulière a été accordée à l’aspect pédagogique de la muséologie.

Côté formation, l’UNESCO finance depuis juin dernier une formation dont bénéficient nos guides sur le “Front office” du musée (accueil, service audio guide…) et la médiation culturelle.

Côté jeunesse, depuis 3 ans, le musée national du Bardo accueille déjà une classe patrimoine. Une fois par mois, les élèves  accompagnés de leurs professeurs  d’histoire, de français et d’arts plastiques viennent faire classe au Bardo. A la rentrée 2011-2012, nous allons également travailler avec une classe d’une école publique UNESCO. Nous souhaitons démultiplier ce type de collaboration à l’échelle du Bardo mais aussi de tout le territoire.

Mille et une Tunisie : Le discours international actuel est à la rentabilisation financière  des institutions muséales. Quand est-il du musée du Bardo ?
Nous travaillons juridiquement à l’autonomie financière de ce musée qui dépend actuellement de l’INP. Il nous paraît fondamental de faire de ce lieu un projet pilote à l’échelle nationale afin de susciter le développement d’autres projets de développement du tourisme culturel. La culture peut être un produit touristique très rentable, nous l’avons trop longtemps ignoré.

Notre objectif est de passer à plus d’1 million de visiteurs par an. Nous allons développer une boutique de produits dérivés basés sur l’artisanat tunisien d’excellence. Un visiteur du Bardo pourra ainsi acheter en fonction de ses moyens aussi bien une reproduction en micro mosaïque d’une pièce du musée qu’un porte-clés. Le seul critère sera l’exigence de qualité. Le musée disposera également d’espaces polyvalents qui pourront être loués pour des évènements.

Notre seule exigence est celle de la qualité et de l’excellence. Nous avons une responsabilité car les collections du musée national du Bardo représentent bien plus que le patrimoine tunisien, il s’agit d’un patrimoine méditerranéen et mondial.

Propos recueillis par Aurélie Machghoul

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