Mille et une Tunisie : Pensez-vous que la reprise du tourisme tunisien se fera en 2012 ?
Tahar Khadraoui : La révolution a libéré le tourisme tunisien d’une image négative et honteuse. Le pays vit une nouvelle mouvance irréversible vers la liberté et la démocratie, des atouts qu’elle saura sûrement capitaliser dés 2012. Les efforts actuels déployés pour restaurer la confiance et l’avenir de la destination finiront bien par payer. La Tunisie saura surmonter les écueils, valoriser ses atouts et tirer vers le haut son image de destination pas chère.

Mille et une Tunisie : Quel avis portez-vous sur les professionnels tunisiens: luttes, manque de solidarité, passivité.
Le constat est lamentable dans le secteur touristique. Il y a « les uns » et il y a « les autres ». Deux catégories d’opérateurs bien distinctes séparées par une béance énorme.

La première est constituée de mercantilistes soucieux de compter sur le devant de la scène mais ne font en réalité que maintenir l’état d’immobilisme et de panne dans lequel se trouve l’appareil touristique. La deuxième catégorie est constituée de professionnels authentiques, d’inconnus honnêtes qui chaque jour, se battent pour créer, innover… Ils observent, l’air sourcilleux, l’éphémère parade des grandes gueules vantards.

Ceux-là, à l’opposé des autres, sont autrement plus intéressants à connaître, suscitent l’intérêt et méritent d’être cités comme exemple pour leur travail mené sans tapage. Discrets et plus modestes aussi, ils sont dans des actions plus précises et œuvrent inlassablement pour le développement du secteur. Pourtant, on leur prête moins d’attention. On ne les écoute même pas !

Mille et une Tunisie : Pensez- vous que le mal premier du tourisme tunisien soit son image ou son produit?
L’image de la Tunisie, combien même plombée par la révolution et les résultats des dernières élections, est excellente.. Le balnéaire en tient la place la plus importante suivi du Bien-être. Si le balnéaire qui a toujours fait la réputation de la Tunisie a tendance à s’enliser, certaines niches peuvent être développées. Elles sont très porteuses.

Le devoir de la Tunisie est de valoriser sa richesse et de développer ses différents atouts. Le balnéaire a atteint ses limites et la crise du tourisme tunisien n’est pas conjoncturelle. Elle couve déjà depuis des années et bien avant la révolution !

Mille et une Tunisie : Qu’est ce qui bloque ?
La Tunisie semble ne pas trop croire en ses autres innombrables potentialités. Elle dispose d’autant de moyens pour mettre la crise en crise. Elle doit seulement rompre avec les approches antérieures et viser une amélioration de façon durable et ciblée de son image tout en rénovant son approche par rapport à l’offre et la demande en allant encore plus loin dans les stratégies et les moyens de marketing et de promotion.

L’image de la Tunisie est bonne mais demande à être encore meilleure. Dans l’avenir, tout est possible. L’heure est à la reconquête et la relance de l’activité. Les bouleversements qui ont marqué le tourisme ont donné lieu à des changements profonds. La Tunisie doit développer la stratégie du produit fini en faisant prévaloir d’autres éléments qu’un bradage des prix.

Mille et une Tunisie : Comment réinstaurer un nouveau rapport avec les tours opérateurs surtout après les concessions accordées cette année pour dit-on “sauver les meubles”?
Le prix devrait être le résultat entre le prix de revient, variable selon la qualité et le produit, et le prix de marché. La relance par les prix particulièrement pratiquée pour « sauver les meubles » et « les soldes lancées pour limiter la casse » cet été n’a pas enclenché de dynamique de redressement pérenne. Les T.O ont fait une partie du volume avec des marges plus faibles et donc les prix ne peuvent durer qu’un temps. A long terme cela risque de devenir suicidaire. Si le bradage n’est qu’un contretemps, il reste toujours un indice de désengagement professionnel.

Au lieu du « sauve qui peut» et face à cette déferlante, l’attitude la plus honorable consiste à continuer de faire de la résistance en attendant l’éclaircie. Il s’agit de restaurer la rentabilité des établissements hôteliers en améliorant leur compétitivité. Une manière de jeter les bases d’une révision du rôle des différents acteurs ainsi que le renforcement du Co-marketing avec les Tours opérateurs. A nos TO, nos agents de voyages et le réseau de distribution de comprendre et faire comprendre à leur clientèle tout l’intérêt de l’adéquation entre le prix et la qualité des prestations à fournir.

Mille et une Tunisie : Que pensez-vous des dernières déclarations du Ministère actuel du tourisme tunisien qui se félicite des résultats et met un objectif de 10 millions de touristes en espérant rattraper le retard sur le Maroc?
La Tunisie nouvelle devait normalement rompre avec plusieurs décennies d’improvisation. La stratégie de promotion et les campagnes publicitaires qualifiées de « familières et peu originales » et les actions sporadiques et incertaines dans une approche dispersée et inadaptée, il y en a assez !

Ces déclarations sont encore de la langue de bois. L’objectif annoncé des 10 millions pour 2016 était déjà à l’actualité depuis 2010 et prévu par le plan quinquennal de l’ancien régime. Une simple opération de Com et une forme de dépoussiérage ne traduisent pas une mise en œuvre d’une stratégie de développement.

Mille et une Tunisie : Pensez vous que le report de l’Open Sky pénalise la destination?
Entre craintes et incertitudes, l’Open Sky devient de plus en plus une réalité. Les compagnies à bas prix constituent désormais l’avenir, au risque de menacer la compagnie aérienne nationale. Est-ce la fin des haricots, pas si sûr !

La Tunisie connaît des problèmes structurels et une libération sauvage du ciel tunisien pourrait avoir des retours de flammes imprévus. Un nouvel environnement concurrentiel féroce caractérisé par l’arrivée de compagnies aériennes à bas coût et appuyé sur de nouveaux canaux tel Internet ouvrirait les possibilités de la destination.
La libération du ciel permet la libération des initiatives en matière de tourisme et la mise en valeur d’atouts impressionnants du pays. Entretemps Tunis Air « n’a plus d’obligations de service public » et pourrait opérer un nouveau positionnement

Marketing à travers un recentrage fort sur le client, une nouvelle stratégie produits et services et une politique tarifaire plus agressive. Tunis Air pourrait par la même occasion se concentrer à loisir sur sa restructuration et le délestage de son personnel excédentaire sans que personne n’en dise mot. L’aéroport Tunis Carthage est considéré comme le joyau de la couronne et la Tunisie ne doit pas le céder aux compagnies « low-cost ». L’Open sky devrait contribuer à l’ouverture des régions en privilégiant l’aéroport d’Enfidha mais aussi Monastir, Sfax et Djerba . Tozeur et Tabarka peinent par contre depuis des années, des faiblesses et limites de ce même phénomène qu’est  le low cost.

Mille et une Tunisie : A quelques jours du nouveau gouvernement, quelles mesures urgentes souhaiteriez-vous voir être prise?

Pour impulser le tourisme et diversifier ses produits, le tourisme devrait travailler efficacement avec le ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine et se focaliser avec l’Union Européenne sur l’ouverture du ciel tunisien. Une manière de soustraire le secteur de la quasi exclusivité du balnéaire en cherchant à améliorer la qualité des prestations à les diversifier.

Il s’agit aussi de prendre des mesures de nature à hisser le secteur au niveau d’une industrie pérenne et compétitive à même de contenir les mutations de la scène touristique internationale. La promotion du secteur passe par la mise à profit des technologies de l’information et de la communication, condition essentielle pour consolider l’image de marque de la destination et la préservation de sa position sur le marché méditerranéen et international.

Propos recueillis par Amel Djait

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