Dans la continuité de ce questionnement artistique, social et politique, Sofiane et Selma mènent actuellement une action collective dans le Nord-Ouest de la Tunisie, à Sejnane. Alors que la question du développement des régions est au cœur des débats de la Tunisie post révolutionnaire, Mille et une Tunisie a souhaité en savoir plus sur cette action intitulée “Laaroussa”.
Mille et une Tunisie : Comment est né le projet Laaroussa ?
Sofiane Ouissi : Le projet Laaroussa a germé en nous au cours de la dernière édition de Dream City, en octobre dernier. Quand je dis “nous” il s’agit de Selma et de moi mais aussi des personnes qui travaillent et gravitent autour de la société l’Art Rue et de Dream City c’est-à-dire Béatrice Dunoyer, Saloua Ben Salah, Yacine Blaiech. Bref, nous avons eu un coup de cœur pour les personnages modelés par les femmes de Sejnane. Nous nous sommes alors plongés dans un travail de recherche pour en savoir plus sur ces femmes, leur savoir-faire, leur région afin de mettre en place un projet artistique mais aussi social et économique porteur de sens sur ce territoire. Notre objectif était alors de redynamiser cette région qui est en grande difficulté. L’actualité de la Révolution n’a fait que démontrer l’importance d’entreprendre des actions artistiques citoyennes en région.
Mille et une Tunisie : En quoi consiste cette action “Laaroussa” qui se déroule actuellement à Sejnane?
Le projet Laaroussa consiste à faire se rencontrer et travailler ensemble autour des savoir-faire des femmes de Sejnane (modelage de la terre) un groupe d’une cinquantaine de femmes de cette région, un collectif d’artistes tunisiens (Sonia Kallel, Sana Tamzini , Selma et Sofiane Ouissi), un collectif d’artistes français (La Luna) qui mène depuis 20 ans des actions artistiques avec des habitants de quartiers populaires, une association française de femmes “Les couturières d’Arlen” et un collectif de femmes d’Afrique sub-sahariennes. Le projet Laaroussa se déroule sur 4 mois à raison de 4 ateliers d’une semaine chacun. Les ateliers ont été pensés de manière très conviviale : certaines femmes préparent la terre, d’autres la modèlent, certaines cuisinent pour la collectivité et d’autres gardent les enfants du groupe. Des ateliers de musique, des cours de français sont aussi mis en place pour les enfants. Nous menons également tout un travail de collecte de la mémoire collective de cette région autour des traditions du mariage et de la mariée.
De mars à juin, chaque mois, Sejnane accueille donc tout ce petit monde pour travailler et construire ensemble en faisant converger les complémentarités de chacun. Au mois de juin, au cours d’une grande journée festive, le fruit de ce travail collectif autour du thème « Laaroussa » sera exposé au public. L’œuvre finale sera le métissage de savoir-faire et d’approches artistiques différentes et s’imposera, nous l’espérons, comme témoignage du vécu de ces femmes. Nous souhaitons enfin que cette œuvre circule dans les 24 gouvernorats afin de montrer à voir cette action et donner envie à d’autres aussi de créer leur propre projet.
Mille et une Tunisie : Quels sont la philosophie et l’objectif d’une telle action à Sejnane ?
Avant toute chose, nous avons rencontré les femmes des différents villages qui entourent Sejnane pour les écouter et collecter leurs envies, leurs besoins et leurs attentes. Il s’agissait pour nous d’adapter notre projet artistique à la réalité du terrain et non pas de l’imposer. La notion d’engagement et le fait de mettre en place une action qui ait du sens sur un territoire donné et auprès d’une population donnée était la condition sine qua non.
Nous avons également voulu que ce projet valorise l’humain et insiste sur l’importance d’un travail collectif. Le terrain n’est pas facile car il existe une grande misère à Sejnane mais nous voulons que notre action s’inscrive comme l’initiation d’un devenir. Nous voulons travailler sur la durée. A termes, si nous parvenons à réunir les fonds nécessaires, notre objectif est, en 2012-2013, de permettre la création d’une coopérative de femmes. Elles travailleraient ensemble pour acquérir la matière première, pour garder leurs enfants, pour commercialiser leur production, pour accueillir, pourquoi pas, des artistes en résidence. Tout ceci afin de palier aux difficultés financières de leur foyer.
Vous l’aurez compris, la poupée/mariée du projet Laaroussa n’est finalement qu’un prétexte pour développer un concept artistique de vivre ensemble…
Propos recueillis par Aurélie Machghoul
Mille et une Tunisie soutient l’action “Laaroussa” et devient partenaire média. Retrouvez régulièrement nos articles et les photos du projet dans notre galerie photos.
A voir :
Le blog du projet Laaroussa avec des vidéos de l’action
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