Un métier qui demande finesse, précision et beaucoup de technicité. Sa nouvelle ligne de bijoux est de toute beauté. Une collection faite de pièces uniques. Des bijoux inspirés des temps anciens mais résolument modernes. Entretien. Par Amel Djait
Mille et une Tunisie : D’où vous vient cette passion pour les bijoux ?
Sarah Jomaa: Je suis originaire de « Ksour Essaf », un village près de Mahdia. Depuis ma tendre enfance, je vois les femmes de la famille porter au quotidien, et surtout pendant les grandes fêtes, des parures anciennes raffinées et très riches. Dans ma région, l’art du bijou est très répandu et valorisant. La richesse des femmes de Mahdia est souvent “évaluée” à la taille de leur coffret à bijoux. Enfant, je fréquentais avec ma mère les bijoutiers et joailliers des souks avec assiduité. Aujourd’hui, la région est aussi l’une des rares de Tunisie où les techniques de bijouterie sont encore les mieux conservées et les plus pratiquées.
Le filigrane est une technique très difficile, souvent réalisée par les hommes. Comment vous y êtes vous venue ?
De façon générale et traditionnelle, la bijouterie est une pratique masculine. Les femmes, elles, se limitent souvent à des créations d’assemblages qu’elles réalisent chez elles. Le filigrane est en effet une technique de bijouterie qui demande beaucoup de délicatesse, de précision et de patience. C’est de la véritable dentellerie. Selon moi, elle est parfaitement adaptée à au doigté féminin. D’ailleurs, actuellement, dans les centres de formation artisanale en bijouterie, on constate une arrivée importante de jeunes filles. C’est, en fait, un bouleversement dans ce monde très masculin.
Vous êtes enseignante en bijouterie et constituez un bel exemple pour elle n’est-ce pas ?
J’ai fait des études à l’École des Beaux Arts de Tunis. Grâce à de belles rencontres et de nombreux voyages, j’ai pu découvrir les richesses artisanales de mon pays. J’ai apprécié les bijoux de l’époque punique à ceux d’aujourd’hui. Je me suis, spontanément et naturellement, passionnée pour la bijouterie. Depuis plus de dix ans, date de mon entrée à l’ATFP, j’ai été formé dans des domaines différents, comme la sculpture sur bois ou sur os. Aujourd’hui, je suis formatrice en bijouterie. J’ai plaisir à transmettre, aux nouvelles générations, les techniques de la bijouterie, et, plus précisément, celle du filigrane au centre de formation de la « Médina » de Tunis.
Cette période de ma vie m’a permis de me perfectionner en profitant du soutien des grands maîtres filigranistes actuels de la « Médina » de Tunis. Pendant mon temps libre, ils m’ont accepté dans leurs ateliers et transmis leurs secrets. Aujourd’hui, je me consacre entièrement à la réalisation de mes bijoux.
Vos bijoux sont-ils des reproductions anciennes ou des créations modernes ?
Mes créations s’appuient sur la technique traditionnelle du filigrane pour aboutir à des pièces contemporaines. Je m’inspire à la fois des formes et motifs traditionnels tunisiens, mais aussi africains ou asiatiques, pour concevoir mes bijoux. Le filigrane est le point de départ de mes créations. Je ne me donne aucune limite. Tous mes bijoux sont entièrement façonnés en argent massif (titre 925), dans mon atelier, d’après des créations dessinées par moi-même.
Souvent, j’associe l’argent à des pierres et matériaux précieux pour imaginer colliers, bagues, boucles d’oreilles et bracelets.
Que représente pour vous le bijou ?
Le bijou est, pour moi, à la fois un objet quotidien et un chef d’œuvre. Un objet quotidien, parce que, depuis mon plus jeune âge, je manipule les bijoux de ma mère. Ce souvenir d’enfant reste très vif. J’admirais ces femmes quotidiennement parées de bijoux en or et en argent, de ces imposantes fibules et bracelets de pieds… C’est également un chef d’œuvre, car la conception d’un bijou est comme la réalisation d’un tableau. C’est un investissement créatif et physique important.
Avez-vous commencé à vendre vos bijoux en Tunisie et à l’étranger ?
Après deux années pour mettre en place mon atelier, développer mes créations et réaliser ma première collection de bijoux, je commence, aujourd’hui, à diffuser et commercialiser mes produits dans les boutiques et galeries, en Tunisie et à l’étranger.
Chaque bijou réalisé est pour moi un défi. Cela demande beaucoup de travail et de recherches : de la maquette du modèle en dessin, de l’adaptation des techniques à mon projet, de la préparation de l’argent à l’assemblage et à la finition. Quelques uns de mes colliers m’ont pris plus d’un mois. La valeur de mes créations est autant dans la richesse du ou des matériaux, que dans leur conception et développement.
A ce jour, il est vrai que la grande majorité de mes clients se trouvent à l’étranger. Ils découvrent et apprécient, à travers mes bijoux, une technique très fine et rare. Le filigrane, peu utilisé dans la bijouterie classique en Europe, demande beaucoup de temps, de travail et coûte très cher.
Actuellement, nous sommes plus dans l’industrialisation de la bijouterie fantaisie, ou dans l’artisanat très haut de gamme. Seuls quelques jeunes créateurs européens développent, avec leurs petites structures, des collections de bijoux « design ». C’est ce que je souhaite faire avec ma marque et le filigrane. En cela, mes créations ont un coût et un prix élevés. Le marché tunisien ne semble pas encore estimer mon travail à sa juste valeur, surtout pour des bijoux en argent. Pourtant, les bijoux filigranés anciens en Tunisie coûtent très chers.
Détails:
Sarah Jomma
Points de vente : atelier sur Mégrine, internet et bientôt sur Tunis (informations à venir)
Tél: 98 272 967
Fax: 00216 71 725 352
E-mail: sara@bijouxdetunisie.com
Site: www.bijouxdetunisie.com
Plan de situation:
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