Le bâtiment du Hana Beach Hôtel est imposant. Sur la corniche de Boujaafar, on ne voit que lui. Que l’on soit adepte ou pas de l’architecture de Clément Cacoub, cet hôtel, était pour son époque, contemporain. Aujourd’hui, l’hôtel s’offre un grand lifting. Rebaptisé Radisson Pearl Resort & Spa, il a été mis au goût du jour par Sahby Gorgi, un architecte tunisien qui a fait de la rénovation des hôtels une de ses spécialités. Entretien
1001tunisie : Comment passer sur les pas d’un grand architecte comme Cacoub ?
Sahby Gorgi : Cacoub est un très grand ami à mon père. Ils ont commencé à travailler ensemble sur un même palier, l’un architecte et l’autre artiste décorateur. Petit, j’ai côtoyé les amis de mon père et sa galerie. La présence de personnages aussi marquants que Cacoub a sûrement façonné ma vocation et l’architecte que je suis maintenant. Le destin a aussi fait qu’il soit le Président de jury du premier concours d’architecture auquel j’ai participé et remporté à l’anonyme. J’ai aussi côtoyé l’équipe de Cacoub, principalement Michel Bocara qui est devenu mon mentor.
Le poids n’en est que plus grand pour devenir l’architecte qui rénove ou reconçoit le «Chams El Hana»
Je suis fier d’avoir travaillé sur Chams El Hana. Cet hôtel est très contemporain. D’ailleurs, il est très difficile d’être plus contemporain que Cacoub. Pour appréhender un projet derrière Cacoub, il faut du respect et de l’humilité. Ceci dit, transformer un hôtel est aussi passionnant que de commencer sur une page blanche.
Construire avec la géographie n’est déjà pas aisé mais en respectant l’histoire, cela doit être encore plus délicat. Racontez nous la démarche.
Le site de Boujaafar est très particulier. C’est le seul endroit dans la zone touristique de Sousse où les hôtels donnent sur la grande corniche dont la plage est populaire. C’est une zone qui connaît depuis quelques années un déclin certain et nous devions réfléchir à une nouvelle vision pour faire revivre les lieux.
L’hôtel Chams El Hana a une très belle architecture qui a subi les affres du temps avec toutes ses cicatrices. Cet hôtel est un bâtiment fort qui a vécu et dans toute sa modernité, il était une résultante de plusieurs problématiques et complexités d’une autre époque. Il était marqué par la lourdeur des matériaux et un manque de transparence. Le béton caractérisait presque tous les hôtels dans les années 70 et 80. Une chose m’a toujours marqué: l’absence de la mer malgré sa proximité.
Recréer des liens avec la nature s’imposait quasiment
Oui. Il a fallu analyser l’architecture, entrer dans la logique conceptuelle de Cacoub puis trouver des solutions à toutes les problématiques de l’état du bâtiment, de sa fonctionnalité, de sa structure, de sa volumétrie et surtout son rapport avec l’environnement immédiat.
Pour redonner vie à une architecture, il faut savoir la réinventer, la redynamiser. Notre première réflexion à été de dégager totalement le RDC et nous avons choisi la démolition de toutes les cloisons qui privaient les espaces communs de la vue sur la mer. Nous avons créé une réception et un lobby totalement ouverts et mis en place un jeu de transparence avec l’extérieur à travers des baies vitrées. La mer a repris ses droits et fait totalement partie de la perspective. Nous avons appliqué la même démarche aux chambres.
En fait, pour rapprocher les composantes majeures de l’hôtel, jardin et lobby, nous avons totalement repris l’espace extérieur résiduel situé entre les deux en y créant une nouvelle piscine. Celle-ci surplombe la mer et se déverse en cascade sur la plus ancienne. Cet espace, nouvellement créé, constitue la charnière principale de l’hôtel et la plus animée avec sa piscine à deux niveaux: la première en terrasse est animée, jeune et dynamique en totale perspective sur la mer. La deuxième est plus calme, reposante et plutôt familiale.
Dans cet esprit de polyvalence, nous avons réaménagé le 1er étage en business centre en y implantant une salle de conférence de 400 places en extension au dessus du porche d’entrée. Nous avons exploité la terrasse donnant sur l’étage, autrefois inaccessible, pour y ouvrir un lounge bar ainsi que le salon exécutif avec vue imprenable panoramique sur la mer. Nous avons réaménagé le sous-sol attenant à la piscine couverte et au hammam existant, un SPA thématique offrant tous les services de balnéothérapie et de remise en forme. Nous avons aussi prévu un food court avec 3 restaurants à thèmes et créé un tunnel pour un accès direct et sécurisé de l’hôtel vers la plage.
Le désir de mettre en valeur cette nouvelle étape de l’hôtel nous a conduits à reprendre totalement l’esplanade principale et son jardin avec l’implantation d’une fontaine musicale. Outre toutes les difficultés inhérentes à un projet aussi complexe, nous avons coordonné avec les services techniques de la chaîne Radisson en respectant toutes les normes imposées en matière de confort, de fonctionnalité et de sécurité. J’ai aussi beaucoup appris de leur expérience en matière d’hôtellerie dans le monde.
Aujourd’hui, avec votre équipe, vous êtes en passe de devenir un insufflateur de seconde, voire troisième vie, dans de nombreuses structures hôtelières. Allez-vous en faire une spécialité? Êtes-vous un architecte arrangeur ?
J’aime bien le terme. Mais en ce qui concerne l’agence ZINarchitecture, je pense que ça va plus loin que ça. Disons que mon équipe a acquis sur plusieurs années d’expérience, une certaine expertise surtout sur des projets complexes.
Nous avons, par exemple, eu le privilège de concevoir plusieurs cliniques et hôpitaux en Tunisie et à l’international (sous la casquette T2A-Architects).
Dans l’hôtellerie, outre d’autres projets de rénovation, nous avons en charge des projets situés dans des sites très particuliers et délicats comme par exemple l’hôtel de charme Tej El Médina dans le quartier Sidi Boumakhlouf au Kef ou l’hôtel The Résidence Médina à Tunis dans la Rue Sidi Ben Arous en collaboration avec mon ami et professeur Denis Lesage. Que de défis en perspective !