Quand j’arrive à Tbainia, un village qui se trouve à quelques 25 kms d’Ain Drahem dans le Gouvernerat de Jendouba et dont toute la dynamique s’articule autour d’un café, d’une école primaire, d’une mosquée et d’un marché, je suis loin de me douter que je vais rencontrer une belle jeune femme avec des hauts talons, des ongles vernies d’un rouge magnifique et toute en sourires. Rabab Daboussi est ingénieur agronome. Elle a 29 ans et produit des pleurotes et du Shiitake, deux variétés de champignons, sous serre dans un substrat de blé. Rencontre. Par Amel DJAIT
1001Tunisie : Depuis quand êtes vous en production ? Comment avez-vous financé votre projet ?
Rabaab Daboussi : il y’a un peu plus d’un an j’ai répondu à l’appel à projets de Fikra. J’ai été soutenue, formé, aidé et cela a changé ma vie. J’ai appris à étudier mes couts, j’ai reçu des formations en communication et marketing…Etant ingénieur agronome, je savais parfaitement ce que je devais faire et ou je voulais aller.
Pourquoi le champignon ?
Et pourquoi pas ? Vous savez, le champignon faisait partie de la nourriture des populations des forêts de Ain Drahem. A cause du réchauffement climatique, du manque d’eau et de la désaffection des gens, il est en train de disparaître et je m’évertue à la réintroduire. Même si actuellement j’importe les graines, je vous promets que je vais rapidement produire mes propres semences. Il faut juste que j’investisse dans un petit laboratoire et quelques instruments.
Donc, pour vous c’est un produit du terroir ?
Absolument.
Combien produisez vous de champignons? Quelle en sont les variétés ? Quel est le coût de production?
Je produis autour de 100Kg par cycle de production. Les champignons cultivés en substrat ont un cycle long. Chaque graine peut donner entre 4 et 5 cycles de production. La récolte est prête en 3 à 4 semaines. Ensuite, sachez ici tout se récupère ! Le substrat en question est bio, riche en éléments et sert de fertilisant.En termes de variétés, nous produisons des pleurotes (blancs et jaunes) et des Shiitaki, la variété la plus répandue dans le monde.
Où peut-on acheter vos produits ? Qui sont vos clients ?
Ici, à Tabinia ! Du moins pour le moment. J’ai de plus en plus de restaurateurs qui viennent découvrir les produits et qui sont toute de suite satisfaits. J’ai aussi des clients qui dès que les Shiitaki sont prêts viennent tout prendre.Ceci dit, je suis en train de préparer ma deuxième serre pour augmenter ma production.
Quand vous n’avez pas de champignons frais, que proposez-vous ?
Je suis en train de préparer des champignons séchés, en poudre,….Ma gamme est en train de se développer.
Quel impact sur l’emploi a ce projet ? Comment le village réagit-il à ce que vous entreprenez ?
Très bien. Ma mère est mon premier soutien. Mon père m’a donné la terre ou j’ai mis les serres et aujourd’hui j’y ai installé un potager collectif. De façon direct, le projet a développé 7 emplois et 3 indirects. De façon générale, les gens de la région sont fiers de mon projet et de mon travail. Il a créé une vraie dynamique et quand des bus d’étudiants des écoles d’agronomie viennent à Tbainia, ils sont très contents.
En plus de ce projet êtes vous engagés localement ?
Complètement ! Je suis dans l’association «Atlas » à Ain Drahem (Association Tunisienne pour le leadership, l’auto-développement et la solidarité). Je suis coordinatrice régionale de l’association «Rayhana» pour le développement et la citoyenneté et Vice présidente du groupement féminin de développement agricole de Tbainia-Aindrahem (GFDA Tbainia).
Que dire à ceux qui n’osent pas se lancer dans entrepreneuriat? Que dire aux jeunes qui pensent qu’ils n’ont aucun avenir dans leurs régions ?
Travaillez ! Les opportunités sont nombreuses. Proposez, agissez, entreprenez. Je suis en train de réussir, pourquoi pas vous ?
Quel a été l’élément déclencheur ?
Franchement le programme Fikra http://fikra-tounisiya.org Je ne pensais même pas réussir à être dans la sélection. Il y’avait tant de monde et tellement de projets intéressants ! J’ai obtenu un don de 27 mille dinars qui a permis d’acheter les serres, les semences, le matériel….J’ai reçu plusieurs formations et vous savez quoi, je suis en train de concourir pour un prix international dans l’innovation chez les jeunes ! Je ne vais pas m’arrêter là !