Si on lui dit qu’il est amoureux de la Tunisie, il se fâche. Il s’estime Tunisien. Sa marque, Rock The Kasbah, est née avec la révolution lui porte chance. Il évolue vite, travaille beaucoup, investit et parvient à créer un style reconnaissable entre tous, surtout à Tunis. Philippe Xerri vient d’achever la décoration d’une nouvelle maison d’hôtes à Sousse, Dar Antonia, l’occasion pour 1001tunisie de le rencontrer et de voir où il en est par rapport à son pari; adapter l’artisanat tunisien à des intérieurs actuels.

Entretien conduit par Amel DJAIT

1001Tunisie: Et si vous commenciez par nous présenter Rock The Kasbah

Philippe Xerri : Rock The Kasbah est né le 3 janvier 2011. C’est en quelques sorte un bébé de la révolution ! L’idée est d’avoir une énergie très forte, d’où le mot « Rock », et être moderne, mixé à un côté traditionnel, qui est « El Kasbah ». C’est donc un pari et un engagement de modernité avec le respect des valeurs, des artisans, des matières,…

Aujourd’hui le brand est un succès qui s’internationalise. Est-ce une marque tunisienne à l’internationale ou est-ce une marque française installée en Tunisie ?

J’ai eu la chance d’être adopté et accepté par les Tunisiens. Je suis Tunisien. La marque est tunisienne. Elle apporte une touche européenne en générale et française en particulier dans la tradition tunisienne.

Rock The Kasbah a commencé avec l’accessoire et le petit objet de décoration. Aujourd’hui, la marque évolue, ouvre une boutique et attaque l’aménagement, la décoration, la mise en scène….Comment s’est faite cette évolution dans votre champ d’intervention et dans le métier ?

Rock The Kasbah a muri. C’est aujourd’hui une expression adulte. Vous savez, en étant créée en pleine révolution, avec une obligation de survie, cela nous a amené à faire dans le plus accessible au début avec des produits faciles à gérer, à transporter, à détourer, à produire, à mettre en place,… Ensuite, nous avons créé une ligne de mobilier plus lourd. Nous sommes passés au vrai décor. Instinctivement, les hôteliers et les restaurateurs se sont emparés du produit et très vite nous avons été amenés à créer des esprits complets, du « life style ».

Avec nos ouvertures de boutiques à Sidi Bou Said, l’Ile Sur la Sorgue et bientôt à Marseille, il nous fallait créer un concept global.

Rock The Kasbah vient de décorer une maison d’hôtes à Sousse; Dar Antonia. Quel apriori esthétique Rock The Kasbah a pris pour cet établissement ?

La maison de Sousse est une jolie petite demeure, pas régulière et qui a un volume humain. Il était intéressant pour Rock The Kasbah de travailler sur le savoir-vivre dans une maison. Nous n’avions pas a travailler sur un hôtel, mais sur une maison d’hôtes. Donc nous avons respecté le cadre, le lieu, le cahier des charges….

L’idée était de créer une maison où l’on reçoit avec de beaux espaces de vie et des minis suites apportant le confort total tout en permettant une immersion dans un lieu qui est à la fois extrêmement moderne et profondément Tunisien. Il fallait que dans les chambres alternent des esprits différents comme le féminin, le masculin, le sport, le chic, le finesse, l’élégance,…

Concrètement comment cela se passe t-il ? Comment s’appréhende une maison ? Comment lui insuffler une âme ? Comment poser les jalons d’une manière de vivre voulue et à exploiter par un tiers, c’est-à-dire le client ?

La rencontre avec le propriétaire de Dar Antonia, Sami Methlouthi, a été un jolie rencontre. Il a découvert notre boutique de Sidi Bou Said et nous a demandé de travailler pour lui. Il nous a fait intégralement confiance. Son projet était en cours de réalisation mais il s’est dit « je veux ca » !

A partir de la, il a accepté de défaire des choses au niveau maçonnerie pour suivre nos conseils. Nous avons pris 4 mois et avons réétudiés certains volumes. Nous avons travaillé sur les couleurs. Le mobilier a été créé pour cette maison. Il a fallu épurer et jongler entre les volumes et certaines idées très marquées du propriétaire. Nous avons travaillé sur les tailles, les dimensions, les matières du mobilier,…Le résultat prouve que nous pouvons faire du moderne dans la tradition. Et j’avoue que particulièrement devant pareilles ouvrages, je suis ravi que ma marque s’appelle Rock The Kasbah!

Mais tout ceci a un coût certain. Faire du sur-mesure doit être hors de prix. Peut-on se permettre un cabinet comme le votre, non pas pour une maison mais pour un projet commercial ?

C’est le but quand on fait appel à un bureau comme le notre. Nous réfléchissons avec le budget du client. Nous pensons au budget final de la vente du produit et nous interrogeons sur où placer la nuitée sur le marché. La nuitée, si elle est à 80 euros, nous ne pouvons nous permettre des prestations luxueuses. Par contre, et c’est là ou Rock The Kasbah est aussi très fort, nous pouvons lui amener une proposition différente en rapport avec la mise financière qu’il met. Nous l’aidons à optimiser le budget.

Pour Dar Antonia, nous avons chiné et fabriqué. Nous avons écrasé nos marges pour avoir certaines pièces. Nous y avons tous mis du notre pour faire aboutir le projet. Le résultat est là et il fait plaisir à voir !

Donc, vous vous engagez totalement sur le projet

Dar Antonia et Rock The Kasbah a été un coup de foudre. Nous avons dit fonçons et faisons un petit miracle avec un budget classique. Nous avons présenté au client des fournisseurs, nous avons planté ensemble, coloré ensemble,…Nous nous sommes inscrits en véritables accompagnateurs du projet !

Dar Antonia n’est pas la seule maison d’hôtes en Tunisie sur laquelle vous travaillez.

Absolument, nous travaillons sur une très belle demeure à Nabeul; Dar El Gaied. Nous en sommes aux dernières retouches.

En France, nous avons participé à énormément de maisons d’hôtes. Nous avons réalisé 100% d’un hôtel à St Barth qui s’appelle le Tropical hôtel et qui est le second plus vieil hôtel de l’ile (https://www.facebook.com/pg/tropicalhotelstbarths/photos/?ref=page_internal)

Nous avons aussi beaucoup travaillé sur des restaurants comme Le Perchoir, qui est le premier “rooftop” de Paris( http://leperchoir.fr ) A l’époque, tout est parti de Tunisie. Les objets, les artisans et artistes, l’architecte…C’est un petit bout de Tunis qui s’est posé là. Aujourd’hui, cet endroit parait tellement Parisien! Il en a fait du chemin et a ouvert 4 points  depuis.

La Tunisie a beaucoup donné à Rock The Kasbah. Rock The Kasbah porte loin et haut les couleurs de la Tunisie. Ce « Tunisian Spirit » est bon pour le business et l’image du pays. Mais quelle est la relation de l’entreprise avec les artisans  locaux ? Leur travail est-il reconnu ? Sont-ils impliqués dans les projets ? La presse parle t-elle d’eux ?  

C’est très difficile de parler de cela sans prêcher pour sa paroisse. Je vais vous répondre avec des faits. Quand nous avons commencé, Rock The Kasbah travaillait avec 3 à 4 artisans en région. Aujourd’hui, nous en avons plus de 40 et nous avons intégré dans nos ateliers à La Soukra 3 autres. L’entreprise évoluait dans un atelier de 80m2. Nous en sommes à 3000 m2 et nous avons des ateliers par spécialités.

Dans les régions, nous avons notre noyau dur et développons plus que jamais notre réseau avec des coups de cœur. D’ailleurs, nous ne cessons de prospecter. Vous savez ce que permet un artisan généraliste comme nous, c’est de pousser les artisans à la progression dans le travail. Par la stabilité qu’il procure, nos partenaires et artisans deviennent plus performants, ils créent eux même des emplois, sont innovants et engagés…

Un exemple ? 

Jenette, notre fée de la poterie à Sejnane. Elle a 4 femmes qui travaillent à l’année avec elle. Si Mohamed, notre mr Tissage à Kairouan, il fait travailler du monde, s’agrandit et évolue. Les artisans sont valorisés et s’engagent avec nous. Ils sont très heureux quand ils sont cités dans un magazine international.

Philippe Xerri, comment voyez vous Rock The Kasbah en 2020 ?

2020, c’est déjà demain et nous avons des projets pour 2019 ! Ce que j’espère, c’est encore plus de sérieux, une bonne vitesse de croisière pour aller plus haut à l’international.

Vous savez pour nous, ce qui est important c’est d’anticiper les livraisons, étayer les lignes de produits, développer notre réseau de boutiques et continuer à “Rocker” la “Kasbah”  pour les années à venir.

Pour en savoir plus sur Rock The Kasbah: http://www.rockthekasbah.net/fr/