30 ans de travail dans l’hôtellerie et de nombreux voyages mènent Patrick Bourseaux à Tamezret où il s’installe avec sa compagne il y’a quelques années. Dans sa maison d’hôtes, “L’Auberge de Tamezret”, il reçoit des gens épris de découvertes et de rencontres vraies. Pour 1001Tunisie, il revient sur son projet, explique les enjeux et les défis liés au lancement d’un hébergement dans le sud Tunisien. Entretien conduit par Amel Djait
1001Tunisie : Comment se porte le sud tunisien en cette saison et en ces temps de crise ?
Patrick Bourseaux : Commençons d’abord par différencier les “crises”.
La crise touristique nous affecte peu. Nous avons, dès le début, misé sur un tourisme local et individuel. Nos clients se composent en fait de Tunisiens, de Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) et de résidents étrangers en Tunisie, qui eux voyagent comme d’habitude. Ils voyagent souvent en voiture privée et sont encore assez nombreux. En ce qui concerne la crise liée à l’organisation gouvernementale et à la phase de transition que vit la Tunisie, le point qui nous affecte le plus est sans conteste la propreté.
Après plusieurs années passées dans le secteur du tourisme et vécu dans plusieurs villes tunisiennes, comment avez-vous atterri à Tamezret ?
Vivant et travaillant entre Djerba et Ksar Ghilane pour la gestion de deux unités d’hébergements, nous avions un pied-à-terre à Matmata depuis 2010. Après la révolution, nous avons décidé d’anticiper la diminution de l’activité touristique et hôtelière et avons pris la décision de nous lancer dans une autre alternative; la maison d’hôte. Comme la région nous plaisait et que nous voulions y vivre, nous avons cherché une maison et c’est à Tamezret que nous avons trouvé notre bonheur.
Quel bilan faites-vous de votre exercice dans l’activité des hébergements alternatifs après avoir ouvert l’Auberge de Tamezret ?
Un bilan très positif! En plus de nos 3 chambres, nous proposons une table d’hôtes pour les résidents des environs (de Gabès á Djerba) et cela marche bien. Vu que nous gérons le service, le nettoyage, le commercial, l’administration en couple, il nous est impossible, pour l’instant, d’accepter plus d’une réservation en repas ou en logement par jour. Nous avons la possibilité d’accueillir maximum 5 à 6 réservations par semaine. Basé sur ce chiffre, nous tournons à plus de 50%. Ce qui bien supérieur à ce que nous avions prévu.
Quelle est la particularité de Tamezret ?
Le calme. Ici, il n’y a pas de voitures, pas de trafic et très peu de réseau pour les GSM. A partir du village, nos clients et visiteurs ont le choix entre faire des randonnées en montagne ou dans le désert si proche. A proximité de Tamezret, se trouvent de nombreux très jolis petits villages comme Zraoua ancienne, Matmata, Toujène. Il y’a aussi la possibilité de faire des visites d’une journée à Gabés, Douz ou encore Kssar Ghuilane.
Tamezret, c’est aussi et surtout une immersion dans la culture Amazighe. Ici, deux musées sont dédiés à cette culture; le « Diar Amor » et le fameux Musée de Mongi Bouras, l’incontournable spécialiste de la culture Amazighe de la région.
Que propose l’Auberge de Tamezret pour ceux qui veulent découvrir la région par vos soins?
Pour les dynamiques, nous proposons des randonnées de plusieurs Kms vers les villages de Zraoua, Beni Aissa, etc.
Pour ceux qui ont envie de calme et de repos, nous proposons des séjours gastronomiques et des cours de cuisines.
Pour ceux qui ont un peu plus de moyens, nous concoctons une excursion vers Gabès, Toujène, Ksar Ghilane avec leur propre véhicule ou en agence de voyages.
Qui sont vos clients et que veulent-ils?
Une clientèle individuelle et mixte. Celle-ci est internationale à 25% (dont 60% de Tunisiens résidents à l’étranger) et 75% locale (à 80% Tunisienne et 20% de résidents étrangers).
Leurs attentes sont simples: Une propreté sans compromis, un accueil et un encadrement chaleureux, une bonne prestation pour les repas et le service et surtout un produit qui correspond à 100% au produit annoncé et proposé.
Est- ce difficile pour un étranger de s’installer dans un village berbère ? Quels rapports avez-vous avec le village et la population ?
Pas du tout. C’est comme dans chaque “quartier” dans lequel on s’installe. Il suffit de s’intégrer et de respecter la population locale. D’ailleurs, nous avons de très bons rapports avec les villageois ainsi qu’avec les autres prestataires et opérateurs de la région.
Quel regard porte la population sur les touristes qui séjournent et évoluent dans le village ?
Les villageois sont très accueillants. Chaque fois que nos clients reviennent d’un petit tour du village, ils nous racontent que ceux qui les rencontrent saluent et leur souhaitent la bienvenue.
Quels sont les canaux de promotion que vous utilisez pour promouvoir “L’Auberge de Tamezret”?
Pour le local, ce sont les réseaux sociaux. Pour la promotion à l’internationale, nous comptons sur les sites de réservations professionnels, à défaut d’une plateforme commune des prestataires au niveau national et local.
Pensez-vous que les hébergements comme les maisons d’hôtes et les gîtes ruraux vont se multiplier en Tunisie?
Bien sur ! Ils se multiplient déjà. Chaque semaine de nouvelles maisons ouvrent. Mais il faut bien différencier les “vraies” maisons d’hôtes de celles qui utilisent seulement le “naming” pour attirer la clientèle. Ceci dit, le tourisme alternatif est un fait. Il fait désormais partie du paysage et de l’avenir tunisien.
Que faut-il développer pour soutenir la promotion des maisons d’hôtes ?
Une coopération entre les acteurs au niveau régional et national. Il n’y a aucune information pour le visiteur intéressé en termes de prestataires (hébergements, restaurations, etc.) et d’activités. Tout au long de l’année, il y’a de multiples festivals qui sont organisés un peu partout en Tunisie. Ceux-ci pourraient attirer du monde sauf que personne n’en parle.
Quels conseils donneriez vous à ceux qui se lancent dans l’aventure et sont en train de décider de lancer leur propre maison d’hôtes?
Ce n’est pas évident de tenir une maison d’hôtes. Il ne suffit pas seulement d’avoir une jolie maison avec quelques belles chambres dans un endroit touristique. Si vous voulez vous lancer, posez-vous quelques questions:
Où vais je m’établir? Y-a-t’il déjà un marché existant? Est- il saturé? Comment je peux me différencier des autres?
Est-ce un endroit qui peut attirer des visiteurs ? Quelle formule vais-je adopter? Est ce que j’opte pour une simple maison d’hôtes ou j’opte pour un endroit à thème?
Est-ce que je propose le logement petit-déjeuner ou je propose de la restauration en plus? (Parfois c’est une nécessité. Pour nous, le restaurant le plus proche se trouve à 20kms et nous n’avions pas beaucoup d’options)
Suis-je d’accord de partager ma vie quotidienne avec des étrangers? (C’est très important! Même si vous avez vos quartiers privés, sachez que vous passerez la majorité de votre temps avec vos clients)
Pourrai-je assumer les responsabilités? (Vous pouvez engager un cuisiner, des femmes de ménage ou même un gérant. Mais bon, à quoi bon ouvrir une maison d’hôtes si vous ne proposez pas les services vous-même ?)
Avec du recul, tenir une maison d’hôte est-ce facile et rentable ?
Rentable? Oui
Lucratif: Pas vraiment…
Facile? Non
Le mot de la fin ?
Avec une bonne formule, prestation et gestion, vous pouvez bien en vivre. Même en période de “crise” !
Mais, et c’est là où cela devient moins facile, il faut s’avoir s’adapter. S’adapter à ses clients qui ne sont pas toujours compatibles. S’adapter aux marchés et surtout aux horaires. Fini le 8h-16h!
Vos clients arrivent plutôt que prévu ou après minuit. Ils prennent le petit déjeuner à 5h du matin ou aimeraient le prendre sur leur terrasse á 10h, ils vont déjeuner à des horaires diverses, ….Après 30 ans d’hôtellerie, plus grand chose ne peut me surprendre mais que celui qui se lance dans cette activité sache que cela n’est pas évident de s’adapter au 24h/24 h et 7/7.
Pour en savoir plus:
Auberge de Tamezret: Chemin de l’Auberge. 6054 Tamezret – Tunisie
Tel: (+216) 75 244 026
Site web: http://www.tamezret.com
E-mail: info@tamezret.com