5 femmes, 5 artistes, 5 talents…A travers elles, nous découvrons une génération, des parcours et divers rapports à l’art. La toile est commune mais chaque artiste propose une invitation personnelle et intimiste.
Une rencontre que l’on commence avec Olfa Ben Mansour.
Après une maîtrise en sciences économique à Tunis, un DEA à la Sorbonne en marketing, Olfa Ben Mansour entame une formation en décoration d’intérieur à l’école Boulle à Paris pour suivre sa passion. Elle passe quelques années à Paris en tant que décoratrice d’intérieur et artiste peintre avec quelques expositions de peinture et de photos puis rentre en Tunisie, où elle travaille avec feu Slim Ennaceur qui l’initie aux tons chauds et au raffinement oriental. Au cabinet Hart, elle acquiert la rigueur des plans et l’appréciation des volumes. Un passage chez Fausto Mobili lui permet de se familiariser avec les techniques de menuiserie, la marqueterie et les différentes finitions de bois. En 2013, Olfa lance sa propre agence de décoration d’intérieur Nomade et réalise des projets d’aménagement de villas privées, bureaux, hôtels et restaurants en Tunisie et à l’étranger. Interview par Amel Djait
1001Tunisie : Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Olfa Ben Mansour : Je suis toujours en quête d’associations de couleurs intéressantes que je puise dans les paysages et les tableaux, des épices ou des voyages. Dans les mouvements architecturaux comme l’art décoratif que j’affectionne particulièrement, je retiens le côté massif de certains meubles associé à l’élégance des détails.
Il m’arrive également de mettre sur pause pendant que je regarde un film pour voir le détail d’une console, tapisserie ou luminaire. Le décor de la villa d’ « Un homme idéal » par exemple me fait rêver avec un pêle-mêle de beaux objets et de mobilier en rotin le tout dans une superbe villa en bord de mer. Un mobilier que j’ai eu la chance de retrouver par hasard chez un exposant aux puces de St Ouen à Paris. J’aime déambuler dans les brocantes en Tunisie, les puces à Paris ou à l’Isle sur la Sorgue à la découverte d’une ligne de fauteuil année 50, d’un piétement de table, d’un luminaire de Capron ou d’une céramique de Pol Chambost.
Pensez-vous avoir développé votre style ? Comment le définiriez-vous ?
Au delà d’une recherche purement esthétique, je travaille sur le ressenti, sur le développement d’une sensation de bien-être grâce à l’alchimie des éléments décoratifs et l’éclectisme de certains objets. Je n’aime pas les univers figés, Je me bats contre les espaces froids et impersonnels et essaye de redonner une âme aux intérieurs que je travaille en puisant dans l’histoire et le vécu de mes clients tout en leur apportant un nouveau regard. Le dialogue avec ces derniers est déterminant, il me permet de les accompagner ou des les surprendre dans leur futur cadre de vie
J’utilise la superposition des graphismes et des textures dans mes choix de tissus pour réchauffer les ambiances. Un large choix de papier peint me permet de créer des univers uniques. Pour le personnaliser, je choisis des œuvres d’artistes et des objets chinés. Quelques fois je vais jusqu’à peindre des tableaux ou fresques pour coller au style souhaité.
Mes choix s’orientent vers des essences nobles comme le noyer d’Amérique ou l’eucalyptus pour des réalisations sur mesure ou pour un rendu plus brut vers le fraké et le chêne brossé blanchi. J’ai la chance de m’appuyer sur des artisans qui me suivent depuis mes débuts et qui accomplissent des prouesses car chaque projet est unique et donc une nouvelle aventure.
J’aime déambuler dans les brocantes en Tunisie, les puces à Paris ou à l’Isle sur la Sorgue à la découverte d’une ligne de fauteuil année 50, d’un piétement de table, d’un luminaire de Capron ou d’une céramique de Pol Chambost.
Artiste, est-ce pour vous un besoin, une mission, une vocation, un travail ?
Plutôt qu’artiste, je parlerais de sensibilité artistique. C’est pour moi vital, j’ai besoin d’essayer des combinaisons d’objets, de faire répondre des couleurs et de vivre entourée d’œuvres qui me touchent. C’est dans cet esprit que j’ai monté mon bureau en galerie, mettant en scène des objets chinés, une sélection très personnelle qui change au gré des trouvailles, du mobilier créé et des œuvres d’art. J’y accueille le travail de certains artistes, connus ou non, le temps d’une exposition une à deux fois par an pour partager mes coups de cœur. Une occasion pour moi de retravailler les scénographies autour des tableaux et de les faire dialoguer avec un univers plus déco.
A une période de ma vie, j’ai dû prendre des risques et sortir de ma zone de confort. J’ai créé mon entreprise, et renoncé à la sécurité d’un salaire,je travaillais à partir de chez moi. Très vite le besoin d’exposer mon univers pour inciter mes clients à sortir des sentiers battus s’est fait ressentir.
Qu’aimez-vous dans l’art ?
Pour moi le maître mot de l’art est l’émotion. L’art est fait pour être aimé et non pour être compris.
A qui et quels sont les messages principaux que vous souhaitez passer à travers votre travail ?
Proposer des associations différentes pour surprendre le regard et le flatter, ne pas se complaire dans l’attendu et le commun. Créer une harmonie à travers des éléments éclectiques, travailler les mélanges des genres pour donner des univers à fort caractère. Mettre en avant le métissage des cultures en créant une œuvre à part, distincte avec sa propre histoire… Pour cela je puise dans mon patrimoine culturel, un joyeux mélange entre les tons sourds de l’Europe du Nord et l’exotisme de la Tunisie.
C’est pour moi vital, j’ai besoin d’essayer des combinaisons d’objets, de faire répondre des couleurs et de vivre entourée d’œuvres qui me touchent. C’est dans cet esprit que j’ai monté mon bureau en galerie, mettant en scène des objets chinés, une sélection très personnelle qui change au gré des trouvailles, du mobilier créé et des œuvres d’art.
Qu’est-ce qui, dans votre parcours, vous a rendue plus forte, créative ou libérée ?
A une période de ma vie, j’ai dû prendre des risques et sortir de ma zone de confort. J’ai créé mon entreprise, et renoncé à la sécurité d’un salaire,je travaillais à partir de chez moi. Très vite le besoin d’exposer mon univers pour inciter mes clients à sortir des sentiers battus s’est fait ressentir.
J’étais à la recherche d’un lieu singulier que je pourrais modeler. J’ai eu la chance de trouver cet endroit à Sidi Bou Saïd, village d’artistes par excellence. Je l’ai transformé en le décloisonnant et en agrandissant les ouvertures. Ma démarche était de le moderniser tout en gardant son âme. Ce lieu a été la scène qui m’a permis d’affirmer ma personnalité et mes choix esthétiques, de m’accomplir et de créer un espace d’échange et de partage.
Contact :
N°1, Impasse Ben Mrad – Sidi Bou Said – Tunis
olfasiad@gmail.com