La nécessité d’une réforme profonde du statut de guide culturel s’impose et c’est ce à quoi le Syndicat de base des guides du Tourisme travaille. Rencontre avec une passionnée.

Mille et une Tunisie : Qu’est-ce que  signifie être guide culturel en Tunisie en 2011 ?

Nesrine Nasr: Il faut tout d’abord distinguer en Tunisie, les guides nationaux professionnels qui obtiennent ce statut après avoir suivi des études universitaires de 3 ans à l’école de Sidi-Dhrif ou suite à leur admission au concours national, des guides locaux comme moi qui sont des jeunes diplômés des métiers du patrimoine ou d’histoire et qui ont suivi une formation complémentaire de 9 mois à Sidi Dhrif. La profession de guide local n’existe que depuis 2007 et nous sommes attachés à un site en particulier (Bardo, Dougga, El jem, Sbeïtla, Bulla Regia, musée de Carthage et Kerkouane). Les guides nationaux dépendent majoritairement des agences de voyages et travaillent pour celles-ci en tant que salarié ou en extra.

Etre guide culturel en Tunisie signifie être passionné,  mais aussi vivre dans une grande précarité. Pour la grande majorité, nous travaillons en free-lance et n’avons un statut que depuis cette année. Avant la Révolution ce n’était pas le cas ce qui signifie que nous n’avions pas droit à la CNSS par exemple. Depuis, avec la création du Syndicat de base des guides de Tourisme à Djerba en premier (décembre 2010) puis ceux du Centre, du Cap Bon et du Grand Tunis, nous essayons de faire évoluer positivement les choses.

Mille et une Tunisie : De qui dépendent les guides culturels et que fait le syndicat pour améliorer le statut de guide ?

Nous dépendons tous de l’ONTT qui fournit les cartes professionnelles de guides que nous devons renouveler chaque année. Il faut savoir que cette profession concerne environ 1200 personnes à l’échelle nationale.

Comme je vous le disais, le syndicat travaille en collaboration avec l’ONTT, l’AMVPPC et la FTAV au nouveau statut de guide. Nous avons obtenu dernièrement une carte professionnelle qui nous permet d’avoir un statut et donc accès à la CNSS. Nous travaillons à un projet de revalorisation de nos revenus. Nous souhaitons également que la loi de 1973 dont nous dépendons,  soit appliquée de manière efficiente. Il est inadmissible que certaines agences de voyages qui accueillent des groupes de russes, de polonais ou des populations s’exprimant dans des langues rares fassent appel à des guides touristiques étrangers pour accompagner ces mêmes groupes alors que cela est interdit par la loi. Au musée du Bardo par exemple, nous n’avons aucun contrôle  sur le contenu des informations que ces guides étrangers communiquent aux visiteurs.

Au niveau du syndicat, nous avons également conscience, du fait qu’en tant que guide culturel tunisien, nous devons renouveler et enrichir régulièrement nos connaissances via des formations, des lectures spécialisées, des séminaires animés par des archéologues, des chercheurs… Nous souhaitons mettre en place des formations en langue rare. En mai dernier, spontanément, le syndicat organisait une visite du Kef et de sa région. En décembre, c’est une visite approfondie du musée du Bardo par son conservateur en chef Taher Ghalia qui est prévue.

Enfin, nous souhaitons que l’ONTT prévoie systématiquement sur les Foires et Salons internationaux du tourisme la présence d’un guide culturel afin que celui-ci puisse présenter le tourisme culturel tunisien.

Mille et une Tunisie : Que fait le Syndicat pour lutter contre les guides clandestins des médinas du pays qui,  sans s’en rendre compte,  n’œuvre pas du tout en faveur de l’épanouissement du tourisme culturel tunisien en harcelant les touristes et bien souvent en les arnaquant ?

Pour l’instant pas grand-chose… malheureusement. Nous avons bien à présent notre carte de guide que le touriste devrait penser systématiquement à demander à voir,  mais j’ai parfaitement conscience que personne ne le fait. Nous procédons par étape. Il s’agit déjà de régler les questions relatives au statut de la profession, puis de travailler d’arrache pied à l’amélioration des circuits touristiques. Nous sommes, bien évidement, très intéressés par le développement du tourisme culturel dans notre pays. Nous pensons même avoir des choses à apporter en revalorisant  certains sites exclus des circuits habituels. Je pense, par exemple, à Kairouan ou à El Jem. La majorité des circuits prévoit la visite de la mosquée El Okba et de l’amphithéâtre mais peu le musée de Raqqada ou le musée d’El Jem.

Mille et une Tunisie : Avec 15 parcs nationaux dont Ichkeul,  classé au patrimoine mondial de l’Humanité, existe-t-il une spécialisation de guide culturel en patrimoine naturel ?

Malheureusement,  actuellement non,  par manque de demande. Certains guides se sont spécialisés en valorisation du patrimoine naturel par intérêt personnel. Des agences comme des amateurs proposent également des excursions à la journée,  mais ils n’ont pas le statut de guide culturel. Il faudrait que le ministère de la Culture, du Tourisme et celui de l’Agriculture travaillent ensemble sur cette question, ce qui n’est pas actuellement le cas à ma connaissance.

Mille et une Tunisie : Enfin, que fait le Syndicat pour faire connaitre le patrimoine culturel aux Tunisiens ?

Nous sommes en train de mettre en place sur différents sites (Bardo, Sousse, Carthage…) des projets pilotes de collaboration et de visites adaptées aux scolaires. Nous pensons également à une double tarification sur les sites : touristes étrangers/Locaux. Il faut savoir que d’après une étude datant de 2008 portant sur le public du musée du Bardo, seul 6% de Tunisiens fréquentent ce lieu chaque année. Nous devons tout faire pour sensibiliser notre peuple à l’incroyable richesse de son patrimoine.

Propos recueillis par Aurélie Machghoul

En savoir plus:

Page Facebook du Syndicat de base des guides de Tourisme (Grand Tunis)

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