Nombreux sont ceux qui connaissent les luminaires de Né à Tunis sans connaitre le designer qui se cache derrière; Chems Eddine Mechri. Ses luminaires en tôle d’aluminium ajourés à la main de motifs calligraphiques ou de dessins sont sa marque de fabrique. Ses produits: lustres, lampes, appliques murales et meubles se vendent dans plusieurs concept store de la capitale et dans sa propre boutique.
Designer produit, Chems Eddine est à la tête d’une entreprise qui exporte à l’étranger et emploie plusieurs dizaines personnes. Issu d’une formation en design-produit à l’Institut des beaux-Arts à Tunis, il s’attaque aujourd’hui à la mode, avec une démarche responsable qu’il raconte avec simplicité. Interview par Amel DJAIT
Comment vont les lustres de Né à Tunis? Est-ce que l’heure est au désamour?
Du tout ! Tout va très bien avec Né à Tunis. La lumière est et reste mon domaine de prédilection. J’adore jouer avec et continue de trouver cela magique! La marque, créé en 2005, est aujourd’hui bien établie. Elle est reconnue et ses produits largement identifiées. Notre montée en gamme s’est faite avec le travail et le sérieux. Aujourd’hui nous affinons l’ajourage de la tôle, de l’aluminium, le cuivre,…
“Notre panoplie de produits s’est étendue au niveau des matières et des couleurs. L’effet étincelant, avec la lumière de nos luminaires se produisent quand celles-ci sont éteintes!”
Nous avons fait évoluer nos techniques et nos modèles se sont multipliés. Nous produisons des lampes à poser, des suspensions, des appliques murales,…Nous travaillons les petits mais aussi les grands formats. La marque propose désormais des compositions en grappes pour combler les très grands volumes. Notre panoplie de produits s’est étendue au niveau des matières et des couleurs. Il fallait travailler sur le produit pour qu’il reste beau même en étant éteint ! L’effet étincelant, avec la lumière, devait se poursuivre quand celle-ci est éteinte!
Combien Né à Tunis emploie t-il de personnes? Votre gamme se compose de combien de modèles?
Nous sommes à plus d’une cinquantaine de références. Les grands classiques de la marque sont souvent renforcés par des petites créations et du “sur mesure”. Nous produisons nos collections dans trois ateliers en plus du nôtre. Cela nous permet de répondre plus facilement aux grandes commandes. Nous employons 8 à 10 personnes par atelier.
Est-ce que la marque exporte?
Absolument. J’ai participé avec l’Office National de l’Artisanat Tunisiens à plusieurs salons dont “Ambiente”, “Maisons et Objets”,… La demande est là ! Mais tous ceux qui travaillent le ‘lighting’ en Tunisie sont bloqués par les composantes électriques locales qui ne sont pas aux normes internationales. Nous sommes obligés d’importer les composantes et cela a un impact immense sur les coûts et l’accès aux divers marchés. Le second problème est celui du “packaging”. Fragiles, mes produits ont des soucis de sécurité à l’export avec le transport. C’est un obstacle que nous tentons de résorber.
Aujourd’hui Né à Tunis devient NE et s’attaque à un autre univers. De quoi s’agit -il?
Je suis passionnée de mode intelligente. Ce que nous proposons à NÉ c’est une mode éthique, solidaire et écologique. Une nouvelle façon de s’habiller et raconter. Pour cette nouvelle marque, je pense chaque modèle à partir de chutes de matières des usines, de stocks d’invendus ou des d’ateliers d’artisans qui transforment manuellement des matières locales ou simplement de produits ou de matières chinés à la fripe. Chaque modèle de NE est unique. Nous le produisons et faisons à la main. Il est vraiment le résultat d’un processus de réflexion qui lui est propre.
Comment chaque modèle est-il unique? Tailles-tu dans la matière disponible ou penses-tu dans le cadre d’une collection?
Au début, j’ai commencé à m’adapter aux matières. Maintenant, j’adapte les matières que je collecte et les assemble aux diverses lignes que j’ai en tête et aux modèles que je dessine. Mes collections sont pensées et produites dans nos ateliers et en fonction de certains choix artistiques et de vie auxquels j’ai largement pensé. Je me suis libéré de la pression du disponible pour mieux le gérer et l’utiliser. Je dessine mes collections en toute liberté puis les réalise à travers la matière disponible.
NE propose une expérience loin de la mode consumériste. Au lieu de “shopper” des vêtements de manière conventionnelle, nous invitons nos clientes à essayer des tenues improbables qui pourraient changer leur vision de la mode
Qui sont les clients de la “slow fashion” en Tunisie? Le marché est-il prêt?
Il y a un frétillement qu’il faut soutenir. Nos clientes peuvent découvrir notre univers à notre boutique au 08, rue Al Maarri (entre le lycée Cailloux et le Gourmet, la Marsa). NE y propose une expérience inédite! La proposition s’inscrit loin de la mode consumériste.
Au lieu de “shopper” des vêtements de manière conventionnelle, nous invitons nos clientes à essayer des tenues et des associations improbables qui pourraient changer leur vision de la mode. Je pense que nous pouvons aider celles qui sont tentées par une autre façon de s’habiller à apprécier et dompter leur idée de ce qui leur va !
NE est donc tout un programme! N’est ce-pas une ambition forte de partage d’une “Tunisie” très personnelle?
NE, c’est éna, éni, ényyy, néya, anaa,…C’est mille façons d’être tunisienne, d’être moi même, soi même! C’est une façon de m’exprimer et de revendiquer mon identité, ma particularité.. C’est m’affirmer.