En plus d’être éditeur, poète, photographe, plasticien et galeriste, Mahmoud Chalbi est l’un des piliers du Printemps des Arts de la Marsa qui fête cette année sa huitième bougie. Véritable fête, ce rendez vous est en passe de devenir une des valeurs sûres de l’univers de l’Art Moderne dans le bassin méditerranéen. Décalé et dérangeant, innovant et novateur, curieux et original, ce festival est le miroir du foisonnement de la créativité tunisienne et de sa liberté. Entretien avec Mahmoud Chalbi, l’agitateur de ce festival qui monte en puissance. Par Amel Djait
Mille et une Tunisie : Le printemps des Arts de la Marsa mûrit. Au fil des ans, de nombreux talents continuent de s’y affirmer. Des talents que ce festival a largement contribué à révéler. Quel est donc le rôle de ce festival pas comme les autres ?
Mahmoud Chalbi : L’idée première du Printemps des Arts est le concours “Art à venir”. C’est un concours ouvert aux amateurs, aux étudiants et aux jeunes artistes qui n’ont encore pas à leur actif une exposition personnelle. Avec du recul, quand je vois la liste des primés, je me rends compte que beaucoup de ces jeunes talentueux « d’antan » ont bel et bien confirmé leurs talents. Pour ne citer que Lilia Ben Zid, Najet Gherissi, en passant par Ali Tnani, Rachida Amara ou Mehdi Bouanani. Cependant, Sadok Hendaoui, le commissaire du Printemps des Arts, et moi-même, veillons à ce que cette exposition demeure un espace de découvertes et de révélations. Un lieu où éclosent et embellissent les bourgeons avec l’arrivée du printemps.
Depuis que nous disposons du Palais Abdelliya, le Printemps des Arts est aussi devenu le reflet des Arts Plastiques, avec ses maitres et ses jeunes créatifs. Il est aussi désormais le miroir de l’Art Contemporain avec toute la convivialité et la synergie possible. Il est une fête des arts et des artistes.
Si on vous donnait carte blanche, quel serait votre rêve le plus fou pour cette manifestation ?
Vous savez, je suis un vrai “pragmachiste”. Ne serait-ce pas déjà fou de se mettre en disponibilité totale toute l’année avec un comité d’organisation indépendant pour faire du Printemps des Arts le plus important rassemblement international d’art contemporain ? Cela semble simple. Mais, il faut rappeler que ni les JCC ou JTC, ni le Festival International de Carthage ou de Hammamet, et encore moins Maharés, n’ont un Comité permanent et indépendant !
Que prépare la cuvée 2010 du Printemps des Arts ?
Je préfère laisser aux internautes la joie de la découverte. Par contre, je peux déjà annoncer que la cuvée 2010 sera exceptionnelle. La qualité et la diversité des œuvres proposées seront au rendez-vous. Le nombre des manifestations parallèles comme les concerts, les performances, les projections vidéo seront une vraie surprise. L’exploitation de l’espace Sadika avec ses salles d’exposition, ses jardins et la scène nouvellement construite donneront assurément un plus à cette édition.
Mais encore ?
Je veux aussi insister sur les invités d’honneur. Ce sont des amis qui osent et innovent. Lamine Sassi n’est-il pas l’enfant poète de la peinture sacerdoce ? Dali Belkadhi n’est-il pas « l’imagineur » éclectique qui transgresse les idées reçues ? L’autre moment fort sera aussi assuré par l’atelier de technique mixte qu’animera Amor Ghedamsi, plasticien, critique d’art et l’un des fondateurs du SMAP, nouveau syndicat des artistes !
Certains vous considèrent agitateur. D’autres vous qualifient d’esthète. Comment vous définissez vous ?
Je suis Mach (les 2 premières lettres de MAhmoud CHalbi).Je suis poète, photographe, plasticien, esthète, critique, agitateur… Je suis celui qui anime ses amis artistes dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Je suis contre « l’establishment » lent et sclérosé. J’ai envie et besoin de toujours garder l’espoir en un lendemain meilleur, plus humain et ouvert.
Les Arts Plastiques tunisiens se sont-ils libérés des archaïsmes d’antan ? Sont-ils dans l’air du temps ?
Beaucoup d’artistes tunisiens sont libres, libérés et dans l’air du temps. C’est la machine qui ne suit pas. Elle reste empêtrée dans des archaïsmes imaginés il y a 50 ans ! Comment voulez vous faire avancer les Arts Plastiques avec des archéologues ou des historiens qui en sont encore au romantisme ou au mieux, au postimpressionnisme ?
Qu’en est-il de la peinture tunisienne et ses nouvelles icônes ?
Je préfère parler d’Art Contemporain plutôt que de peinture tunisienne. Il est évident qu’avec une base très élargie d’étudiants, de diplômés, d’enseignants, d’amateurs, d’autodidactes et de passionnés, les Arts Plastiques dégagent une élite. Même s’il faut tenir compte du marché, qui n’est ni régulé ni transparent, l’élite est bel et bien là. Je ne parlerais pas non plus d’icônes, parce qu’ils sont méconnus en dehors du monde des Arts. Par contre, certains artistes contemporains sont aujourd’hui estimés sur le marché international surtout après l’ouverture des Émirats. Je citerais volontiers Fatma Charfi, Khaled Ben Slimane, Nja Mahdaoui, Asma Mnaouar, Emna Masmoudi, Lamine Sassi, Meriem Bouderbala, Tahar Mguedmini, Hamadi Ben Saad, Jalel Gastli,… Je nommerais aussi les plus jeunes comme Nadia Kaabi, Mohamed Ben Slama, Halim Karabibene, Nabil Saouabi, Mohamed Ben Soltane, Omar Bey,Selima Karoui,Mouna Jmal (qui vient d’être primée à Dak’art),… Il y en a tellement d’autres, tels que Mourad Harbaoui, Ammar Ben Belgacem, Amel Ben Attia, Ymen,Hela Ammar, Abdelaziz Mohsni,,Besma Haddaoui, Najet Gherissi
qui commencent à exposer à l’étranger.
Je crois fort que la nouvelle génération, plus éclectique, conceptuelle et engagée « citoyennement », va davantage percer. Les photographes promettent également !Il faut seulement donner à ces potentialités plus de moyens d’épanouissement.
Même si les comparaisons n’ont aucun sens dans cet univers. En tant qu’enseignant, pourriez-vous nous situer les Arts Plastiques tunisiens par rapport aux expériences des pays voisins et au reste du monde ?
D’abord, je ne suis pas enseignant. Je suis biologiste de formation. L’art est ma passion et il n’a ni frontières, ni nationalité ! Je peux vous assurer que nous n’avons rien à envier à nos voisins au niveau de la créativité, sauf une vision concrète du statut de l’art et de l’artiste dans la cité, des musées d’art intra et surtout extra-muros pour que l’art soit synonyme de vie !
Si vous deviez lui souhaiter un avenir meilleur, que souhaiteriez-vous pour les Arts plastiques tunisiens?
Trop de rêve tue le rêve ! Je souhaite simplement que le bouillonnement actuel de la scène plastique soit porteur de libertés, d’expressions et de progrès humains. Et que le Printemps des Arts soit un des ses moteurs !
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