“Le dragon du cœur” est un conte écrit et illustré par et pour les enfants. C’est dans le cadre du Coin Tipi, un centre de pédagogie alternative, qu’il a été conçu. Dans un souci de qualité et d’originalité, 1001Tunisie aime le concept et part à la rencontre d’Amira Hamami pour en savoir plus. Interview  

1001Tunisie: Comment le dragon du cœur a-t-il été écrit et dessiné?

Amira Hamami: Pendant une année,nous avons fait un travail de fond avec les enfants. L’écriture est l’aboutissement de différentes expériences : contact avec le monde littéraire (livres et écrivains), avec la nature pour nourrir le sens de l’observation chez les enfants et prendre conscience des détails de chaque élément visuel. Dans la démarche, il est question de sensibilité, de liens avec l’univers artistique, à travers des rencontres avec des artistes plasticiens dans les galeries et ateliers. Il est question de liens avec le monde du cinéma et les arts visuels et graphiques notamment avec le designer graphique Skander Beldi (Flask). En fait, c’est à travers le jeu que ce conte est né.

Expliquez nous.

C’est à partir du jeu de cartes DIXIT, que j’aime beaucoup pour ses qualités plastiques et très imagées, que nous sommes partis. Nous avons choisi trois cartes différentes et puis nous avons cherché à structurer un récit collaboratif avec ces données. Les trois cartes sont une carte qui porte l’image d’un chat avec un bocal, une seconde qui illustre un dragon avec un petit bonhomme en face et la dernière qui montre un chat qui peint des poissons.

Vous devez savoir que les enfants n’écrivent pas encore. Ils ont entre 5 et 7 ans et le travail a commencé par le recueillement de leurs idées pour un « scénario » possible et surtout de pousser toutes les voies du possible. Comment pousser les limites de l’imaginaire face aux interrogations des plus jeunes: « Est-ce logique ? », « Ah non, c’est absurde, ça ne peut pas se dérouler comme ça en réalité ! », « Je le vois comme ça dans ma tête. Puis-je vraiment le dire ? », etc.

 

L’illustration se fait en parallèle avec le développement des idées et parfois même peut aussi inspirer le récit. Une fois que le texte mis en place, nous sommes passés à la conception graphique du livre avec Skander Beldi qui a pris en considération les souhaits et visions des enfants par rapport à la couverture, au format…Une rencontre avec Leila Toubel a donné naissance au texte en dialecte tunisien. Je suis une admiratrice de l’écriture de Leila, et de son engagement artistique et patriotique et c’est dans ce sens que j’ai voulu que nous collaborions ensemble. Je la remercie d’ailleurs pour cette belle empreinte. C’est un honneur pour moi.D’où vous vient cette passion pour les contes ?

J’ai commencé à écrire à l’âge de 12 ans des proses et toujours eu une grande passion pour la littérature. Le conte est une manière d’inventer les possibles et de croire au rêve. Au cours de mon projet de thèse de doctorat en arts plastiques, j’ai travaillé sur l’altérité à travers l’image de la fragilité humaine chez les personnes en fin de vie. Un projet de photographie humaniste au travers duquel j’ai entendu des contes de grand-mères et tant d’histoires affectueusement contées. Une expérience qui a chamboulé ma vision de la vie. En fait, c’est un travail d’art-thérapie pour lequel j’ai passé 8 ans dans un mouroir à observer, écouter, photographier ce qu’un homme souhaiterait  avoir en fin de vie : l’Amour , le mots agréables, croire encore aux miracles… créer.

Et c’est ainsi, que j’ai pensé à monter un projet dans lequel on n’attend pas la fin d’une vie pour regretter son essentiel. J’ai décidé de ramener ça à l’enfance. Vivre des plaisirs des rencontres, des mots, de la nature, de l’art,…Il est vital pour moi de se donner les moyens d’écrire son rêve et de le partager.

Comment arrivez vous à faire aimer les livres aux enfants à l’ère du numérique ?

Le moment de lecture se fait sous forme de pique-nique. Je suis contre la table et la chaise et mon tipi est bohémien. Il voyage et rassemble. Lire devient alors une rencontre autour du livre. Avec les enfants, nous préparons ensemble le moment de lecture.

les enfants aiment les livres encore plus quand ils sont dans un projet d’écriture. Ça leur donne des idées sur la manière de décrire les choses ou d’inventer des tournures dans les événements. Quand ils sont dans un projet de rencontre ou de création, ils aiment le livre .

On ne peut se passer du numérique, mais nous avons le choix de composer avec et de manière constructive. Notre conte “Le Dragon au cœur de poisson” est aussi disponible en version numérique avec une maison d’édition française Scéal Productions.

Vous vous présentez comme une fervente défendeur de la pédagogie alternative. Quels en sont les principes ?

Je défends fermement la pédagogie alternative et je l’appuie surtout face à la crise d’éducation actuelle.Celle-ci n’est pas contradictoire à l’éducation classique, elle a d’autres priorités!

Ma priorité c’est le bonheur de l’enfant et son respect. C’est ce qui permet aux différents messages de passer. Le plus important est de leur fournir les moyens d’aimer leur vie au quotidien. Il est important de rendre l’enfant le propre entrepreneur de ses divers projets et action. Les leçons éducatives doivent se faire sous forme de projets qui privilégient l’immersion dans le monde du travail. L’enfant doit être acteur de son apprentissage. S’il ne l’est pas, il s’ennuie … Cela devient frustrant et s’inscrit contre sa nature physique et psychologique.

La priorité de la pédagogie alternative est le vecteur d’apprentissage et non la leçon en elle-même. Quand un enfant est heureux, il surprend par son niveau de concentration, de créativité et surtout de sa prise en charge du message en tant que projet personnel. D’où une reconsidération totale de la notion de « punition », de notes, de compétition.

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