Mille et une Tunisie: Nebras Charfi, vous exposez cette année pour la 1ère fois au Printemps des Arts. Pouvez-vous nous en dire plus sur vous, votre parcours artistique?
Je suis diplômée de l’Institut des Beaux-arts de Tunis et exerce depuis une dizaine d’année en tant que designer graphique dans une société éditoriale. En parallèle, je n’ai jamais cessé de pratiquer mon art. Je m’intéresse beaucoup au modelage. Déjà petite, j’étais passionnée par la pâte à modeler. Je construisais des maisons entières intérieur et extérieur avec tous les meubles, accessoires et personnages. Créer une vie au sein de ces univers était pour moi une émotion unique. Je pratique également beaucoup la photographie et pratique le théâtre dans une troupe semi-professionnelle.
Au fil du temps, j’ai découvert plein de matières (pâte à papier, fil de fer, galet, etc.) que j’intègre à mes créations. Ma sensibilité murissait et mes orientations devenaient de plus en plus pointues. Pour moi, une œuvre d’art doit absolument porter une histoire, une idée, un concept convainquant, tout ça lié par un équilibre visuel. Tous ses critères font que je suis très exigeante vis-à-vis de mon propre travail. Dernièrement, je me suis enfin décidée à montrer mon approche plastique. Tout d’abord en octobre 2010 à El Teatro dans le cadre du workshop «Femmes respectueuses» organisé par Zeyneb Farhat. J’ai alors exposé un travail photographique mais qui s’inspire beaucoup de ma démarche plastique. Ma participation au Printemps des Arts est donc ma 2ème exposition officielle.

Mille et une Tunisie : Qu’est ce que représente le Printemps des Arts pour vous et pourquoi avoir eu envie précisément cette année d’y exposer?
C’est une bonne question que je ne me suis pas vraiment posée pour être honnête.
Sans prétention, pendant toutes ses années où je pratiquais sans exposer j’ai eu la chance de suivre les événements artistiques des jeunes créateurs du pays (expositions, pièces théâtrales, danse, etc.). Dans le domaine des arts plastiques, je suis rarement surprise. J’ai alors pris conscience que mon travail se défendait, qu’il avait une force intrinsèque et qu’il était à présent nécessaire de le montrer.
Il est vrai également que la Révolution a fait l’effet d’un déclic en moi. Quelque-chose est né en nous. Nous nous sommes libérés de toutes les frustrations et de l’accablement inconscient, je me suis dit maintenant qu’il fallait que je m’active. C’était le moment ou jamais de me manifester en tant qu’artiste et l’appel à participation du Printemps des Arts s’est alors présenté.

Mille et une Tunisie : Parlez-moi de votre travail plastique et de l’oeuvre que vous exposez?
L’oeuvre que j’expose au Printemps des Arts est une partie d’un travail en cours de réalisation que j’ai commencé bien avant la révolution. Il raconte cette histoire de la frustration, de l’accablement, de la peur, de la douleur et de la souffrance des peuples.
Juste après le 14 janvier, je me suis plastiquement intéressée à ces fils de fer barbelés qui “décoraient” la ville et qui créaient une limite infranchissable entre des lieux “sacralisés” et le peuple.

Bien évidemment la révolution a eu lieu mais le sentiment de liberté n’est pas encore tout à fait consommé car ces barbelés me font sentir qu’on est encore accablé, tenaillé et déchiré. C’est ce que l’on voit sur l’une de mes œuvres ou le bonhomme de fer est accablé par ce barbelé. Il est piégé et subit encore les douleurs de la torture passée.
J’ai réalisé les oeuvres exposées avec du fil d’étain. Un matériau malléable qui donne envie de dessiner des formes avec. C’est un matériau qui remplace presque le tracé du crayon et qui m’a émerveillé. Mes personnages bandés et scarifiés représentent toute la souffrance des peuples arabes au XXIème siècle.


Propos recueillis par Aurélie Machghoul

Pour en savoir plus :

site : www.neb.ultra-book.com

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