Le lieu est en passe de devenir un “must” à Tozeur. Entretien avec son directeur pour en savoir plus. Par Amel Djait
Mille et une Tunisie : Si l’on passe par Tozeur, pourquoi serait –il chaudement recommandé de passer par l’ « Eden Palm » ?
Karem Chokmani : Le palmier dattier a été, et il est toujours, le pivot de la vie sociale et économique de la région de Tozeur. D’ailleurs, le Djérid, Pays des Palmes, tire son nom du palmier , puisque celui-ci est sa raison d’être. J’ai toujours trouvé inconcevable que malgré la notoriété touristique de la région et que le palmier dattier en soit l’arbre emblématique , personne n’ait pensé à mettre en valeur ce patrimoine naturel, culturel et social, omniprésent dans le paysage de la région. Désormais « Eden Palm vient combler ce manque. Il est désormais un attrait touristique qui permet de découvrir de façon intelligente et authentique cet univers fascinant du palmier dattier et des oasis en général.
« Eden palm » : on serait tenté de croire que c’est le nom d’un hôtel. Ce nom n’est-il pas finalement un peu bateau ?
Pas du tout ! La palmeraie a toujours incarné, dans l’imaginaire collectif de l’humanité, l’image même du paradis qui contraste avec l’enfer du désert qui l’entoure. Par ailleurs, dans la mythologie mésopotamienne, le palmier représente l’arbre de la sagesse relié aux origines de l’humanité. D’ailleurs, l’histoire d’Adam et Ève serait liée au palmier dattier : un bas-relief mésopotamien (dont une copie est présentée dans l’exposition permanente « d’Eden Palm » ), montre que dans la scène du « péché originel » l’arbre serait un palmier dattier et non pas un pommier, comme il est communément admis. Y-a-t-il donc un autre nom plus évocateur pour symboliser ce lien puissant entre Palmier et Paradis qu’ » Eden Palm « ?
Mais au delà du nom, quelle est l’histoire qui se cache derrière ce projet ? Quel est le lien que vous avez avec cette terre ?
Étant originaire de la ville de Tozeur, j’ai toujours baigné dans l’univers du palmier. Après des études en agronomie à Tunis et des stages de terrain dans les oasis du Djérid, je suis parti au Canada afin de poursuivre mes études supérieures. C’est là-bas que j’ai eu l’inspiration pour ce projet, en y découvrant le concept d’économusée.
Un économusée, à la différence d’un musée traditionnel, est une entreprise privée à but lucratif et économiquement viable qui met en valeur un patrimoine (naturel et/ou culturel) et un savoir-faire authentique comme les métiers d’art ou l’agroalimentaire, en s’ouvrant au public. Ce type d’entreprise s’autofinance par les droits d’entrée et par la vente de ses produits. Pour l’anecdote, c’était lors de ma première visite à « l’Économusée de l’Abeille », non loin de la ville de Québec, que j’ai eu l’idée de créer un musée du palmier dattier. Le nom de l’abeille en arabe est «Nahla» et celui du palmier est «Nakhla». Entre les deux, il y a une seule lettre qui fait la différence, il n y avait qu’un pas à franchir. Ceci se passait à la fin des années 90.
Près de dix ans ont été nécessaires pour concrétiser ce rêve. Cependant, sans l’aide financière et morale de ma famille et sans son implication directe, ce projet n’aurait pu voir le jour. Il a fallu valider l’idée, faire des études de marché, détailler le concept, trouver du financement. L’étape la plus dure étant de convaincre les bailleurs de fonds, car en Tunisie , ce n’était pas gagné d’avance, vue la complexité et la nouveauté du concept. Pour mettre toutes les chances de mon côté, j’ai même fait des études en création et gestion d’entreprise touristique durant 2 ans.
L’ « Eden Palm » est un musée, une unité de production, un centre de production d’artisanat inspiré du palmier et tellement plus encore… Présentez nous davantage les autres concepts développés et défendus par toute l’équipe ?
« Eden Palm » est un complexe polyvalent. Il est à la fois un lieu touristique, un centre de valorisation des produits de la datte et du palmier et un site de transformation industrielle. La cohésion du complexe vient de sa façon originale de jouer les complémentarités des différentes «perspectives» sur le palmier et la datte. « Eden Palm « constitue un attrait distinct par rapport à l’offre touristique existante. Il propose des produits qui répondront le mieux aux besoins de découverte, de loisirs et de détente des visiteurs. Il contribue ainsi à l’enrichissement et à la diversification de l’offre culturelle et touristique dans la région. « L’expérience Eden Palm « (car l’immersion dans l’univers de la palmeraie constitue une vraie expérience) est composée de nombreux éléments qui peuvent être combinés de différentes façons selon les besoins et les attentes du public. L’élément central du projet est constitué d’une exposition permanente sur le palmier dattier où sont savamment présentées les dimensions historiques, géographiques, culturelles et techniques de la culture de cet arbre emblématique de la Tunisie.
En plus des salles d’exposition, un parcours a été spécialement aménagé dans la palmeraie pour se transformer en Jardin Conservatoire, afin de permettre aux visiteurs de découvrir d’une façon interactive les associations végétales ainsi que les activités agricoles reliées à la culture du palmier dattier. Dans ce parcours, il est également question de la découverte de l’artisanat du palmier à travers le contact direct avec les artisans à l’œuvre dans des ateliers le long du parcours. Et là, notre équipe de guides accompagnateurs, de jardiniers et d’artisans, par la chaleur de l’accueil, l’authenticité du propos et leur passion communicante, contribue à faire de la visite une vraie expérience humaine.
« Eden Palm « est aussi un centre de valorisation des produits de la datte et du palmier. Grâce au travail incessant de recherche et de développement mené par notre équipe de création composée de notre chef de production, nos chefs pâtissier-confiseurs , mon frère et moi-même, une gamme complète de produits exclusifs est offerte aux visiteurs à la boutique du centre : diverses variétés de dattes fraîches de qualité supérieure, des produits dérivés à base de dattes (confiseries et pâtisseries fines, sirops, confitures, gelées, cœurs de palmier, jus, vinaigres , etc.) et de l’artisanat du palmier (vanneries , objets décoratifs, bijoux, etc.). « Eden Palm » comprend également un café-terrasse, où il est possible de déguster les multiples pâtisseries et confiseries à base de dattes.
La partie musée serait-elle évolutive ? Y verra-t-on des expositions thématiques ?
Tout à fait ! Toute exposition se doit d’être revue et mise à jour régulièrement et ceci tant au niveau du contenu qu’au niveau du mode de diffusion. À moyen terme, nous comptons introduire une nouvelle exposition consacrée au réseau d’irrigation ingénieux réalisé par l’éminent savant « tozeurois » du XIVe siècle , Ibn Chabbat, sous forme d’un parcours de l’Eau. D’autres idées d’expositions thématiques sont en préparation et seront dévoilées le moment venu. Quant au moyens, nous réfléchissons déjà à introduire plus d’interactivité dans les salles d’expositions permanentes et sur le parcours du Jardin Conservatoire, grâce aux technologies multimédias.
Par ailleurs, il est prévu de lancer prochainement un programme de spectacles intimistes pour animer l’amphithéâtre à ciel ouvert d’ »Eden Palm ». Également, nous comptons nous associer avec la communauté artistique de la région et d’ailleurs, pour tenir différentes manifestations culturelles et artistiques ( peintures , sculptures, ateliers, etc.) puisque les espaces et le cadre d’ »Eden Palm » s’y prêtent.
Outre la dimension culturelle avec des expositions et des spectacles, il semble que « l’Eden Palm « mise sur l’évènementiel .
Effectivement ! « Eden Palm » est aussi un espace événementiel haut de gamme installé dans un environnement bucolique absolument unique. Avec sa terrasse supérieure d’une superficie de 600 m2 surplombant la palmeraie et son amphithéâtre pouvant accueillir 200 personnes, « Eden Palm » constitue le cadre idéal pour accueillir les réunions d’affaires et les événements privatifs. Ainsi, depuis son démarrage en octobre dernier, « Eden Palm » a activement pris part dans la réussite de plusieurs évènements d’envergure internationale tenus à Tozeur (congrès du SNAV et de la FSAV, journée nationale du tourisme saharien et lancement des vols Tozeur-Milan et Tozeur-Madrid).
Certains s’engagent dans les voies du tourisme durable et du commerce équitable. Est-ce que ce sont des concepts qui engagent « l’Eden Palm » ?
Sans en revendiquer explicitement le label, la démarche derrière la création d’ »Eden Palm » est entièrement guidée par les principes du développement durable. Depuis les 20 dernières années, on dirait que le développement touristique de Tozeur s’est fait au détriment de l’agriculture oasienne mais il n’en est rien. L’agriculture était déjà en crise structurelle bien avant l’avènement du boom touristique : le morcellement des parcelles dû à l’héritage, a rendu la plupart des exploitations agricoles non viables économiquement et incapables d’entretenir et de moderniser les moyens de production et de commercialisation.
À ceci, s’ajoute l’érosion de la main d’œuvre au profit du secteur tertiaire, en particulier le tourisme , où les salaires et les conditions de travail sont plus attractives et moins pénibles que le travail agricole dans la palmeraie. De plus, les structures de commercialisation des dattes (principal produit de la palmeraie) sont très favorables aux intermédiaires et grossistes exportateurs au détriment de la masse des agriculteurs. La création d’ »Eden Palm » veut démonter qu’il est possible de bien gagner sa vie avec la culture du palmier dattier en brisant ce cercle vicieux et ce, sans compromettre l’environnement oasien. Par ailleurs, « Eden Palm » s’inscrit complètement dans le commerce équitable en faisant affaires directement avec les agriculteurs pour son approvisionnement en dattes et autres produits de l’oasis et ce, en les rémunérant très bien pour la qualité de leurs produits.
Avec les grosses chaleurs du Djérid tunisien, le musée sera t-il ouvert la nuit en été ?
« Eden Palm « est ouvert de 8h00 du matin à minuit, hiver comme été. Grâce au microclimat particulier de la palmeraie créé par l’agencement des cultures et l’abondance de l’eau, la température y est, l’été, 10 à 15 degrés plus froide qu’en ville. Ainsi, l’oasis a toujours été le refuge des « djéridis » durant les nuits caniculaires. « Eden Palm » vise à devenir l’endroit par excellence pour fuir , seul, avec ses amis ou en famille , la chaleur et le vacarme de la ville , pour y goûter la fraicheur de l’oasis tout en dégustant un « smoothie » ou une glace à la datte.
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