Mille et une Tunisie : Le parti Ennahdha, à travers son chef Rached Ghannouchi, a vendu le modèle touristique islamique à la turque. Or, il s’avère que celui-ci n’existe pas. L’AKP à son arrivée, a trouvé un secteur florissant aux mains d’une profession forte et les ambitions du parti gouvernant se sont limitées à exploiter quelques niches comme l’hôtellerie «hallal» qui explose maintenant en Turquie…
Imed Rezgani : Le tourisme doit rester loin de toute idéologie et de tout débat et polémique politique. Le business n’a pas d’idéologie. Il faut séparer les choses. Dans le monde des affaires, il y a une loi et elle s’appelle rentabilité. Nous avons besoin de ressources pour notre pays. Nous avons un potentiel, alors profitons-en et créons de la valeur ajoutée.
Le tourisme «hallal» est une opportunité. Hamadi Jebali a déclaré qu’il n’y a pas de tourisme «hallal» alors que toutes les destinations du monde louchent sur ce marché. Cette déclaration ne sème t-elle pas le doute ?
Le tourisme « hallal » n’est pas un tourisme qui va remplacer le tourisme qui existe depuis plusieurs dizaines d’années. Bien loin de là!
Entendons-nous bien, l’objectif est clair. Il s’agit de booster en changeant et améliorant le tourisme tunisien. La question est : faut-il ou non répondre à la demande? La demande du tourisme hallal est mondiale. La demande porte sur d’autres segments comme le tourisme médical ou culturel tout en restant sur le balnéaire dont il faut améliorer la rentabilité. Ce qui compte pour nous, c’est de créer de la valeur ajoutée et de répondre à toutes les attentes. Nous nous attelons à répondre à ces demandes sans distinctions.
La demande pour le hallal existe autant que pour le médical par exemple. Elle concerne la clientèle et les investisseurs. On ne va se priver d’apporter de la croissance à la Tunisie qui en a grandement besoin pour faire de la complaisance! Pourquoi ne pas tirer profit de cette demande? Nous voulons miser sur le tourisme d’affaires, le médical, le culturel, le résidentiel et pourquoi pas le hallal! Tant qu’une demande à forte valeur ajoutée se manifeste.
Certains vous accusent de vouloir islamiser le tourisme en le moralisant et le capitalisant autrement via notamment des projets principalement venant du Moyen-Orient…
Notre logique n’est ni de moraliser le secteur ni d’islamiser le capital touristique. Les investisseurs affluent des quatre coins du monde. A ce jour, nous avons des projets en gestation de Chine, d’Allemagne, de Belgique, de Turquie, autant que de différents pays du Moyen-Orient. La logique des affaires suppose d’être prêt à satisfaire ses demandes et tirer profit des opportunités qui se présentent.
Le dossier du Fonds de gestion de l’endettement du secteur hôtelier suscite beaucoup de craintes. Quelles en sont les grandes lignes? Quelles sont les options?
Il y a trois options possibles: la société de gestions des actifs, le Fonds de retournement et l’Unité de gestion par objectifs. L’alternative la plus mûre en ce moment est celle de la société de gestion des actifs.
Il s’agit de trouver une solution au secteur. Je tiens de suite à préciser qu’il ne s’agit pas de l’ensemble du secteur mais bel et bien de 154 hôtels surendettés parmi les 850 hôtels qui composent le tissu de l’hôtellerie tunisienne.
Ces 154 unités vont-elles être traitées au cas par cas ou en bloc?
Au cas par cas. Ils ne peuvent être traités en bloc. En termes de classifications ou classements, il y a deux approches.
La classification en quatre catégories de A à D. Pour les A, un simple arrangement avec la banque est possible. Pour les B et C, il faut envisager des locations, des aides à la gestion… Les D sont dans un état très critique avec des difficultés énormes de rentabilité, de mode de gestion.
Le deuxième classement se fait selon l’endettement bancaire, de 1 à 5. Il y a des hôtels qui sont aux niveaux 4 et 5. Les hôtels endettés hors agios réservés sont de 654 jusqu’à 861 millions de dinars selon les deux types de classification. Comment trouver une solution à ces hôtels? Vous n’êtes pas sans savoir que la part la plus importante de la dette revient à la Société Tunisienne de Banque (STB).
C’est précisément ce qui fait dire que la gouvernance actuelle veut sauver le secteur bancaire au détriment du secteur hôtelier.
Ce n’est pas vrai du tout, et le classement des hôtels en autant de catégories le prouve. Notre objectif en cette matière est de trouver une solution au secteur hôtelier et non au secteur bancaire qui se porte bien jusque-là.
Si nous voulions sauver le secteur bancaire exclusivement, nous aurions pu épargner tout effort d’amélioration de la gestion et mettre directement cette hôtellerie défaillante et endettée -je parle biens des unités en question- à la vente.
La société de gestion doit chercher à régénérer cette hôtellerie et lui redonner de l’essor. Ces hôtels ont bénéficié dans le passé du rééchelonnement de la dette sans succès. Ce rééchelonnent réclamé par la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH) peut résoudre les problèmes des hôtels A et B, mais aucunement ceux des hôtels qui sont dans la catégorie C et D. Il s’agit pour nous de relancer l’activité dans son ensemble.
Justement réduire le tourisme aux hôtels en général et à ceux qui vont mal en particulier plombe le tourisme…
Malheureusement ! Quand on parle de tourisme, on ne parle que des hôtels en Tunisie alors que le secteur n’est pas exempt d’autres acteurs. Les choix qui ont été faits sont, pour le moins que l’on puisse en dire, mauvais! Je dirais même que les hôteliers qui ont investi dans le secteur ont souffert de ces choix.
Le «All inclusive» peut-il dynamiser le secteur? La qualité actuelle peut-elle changer l’image du tourisme tunisien? Les produits actuels existants font-ils une destination?
Il est, je pense, largement temps de se poser les questions de fond. Il s’agit aujourd’hui de diversifier les produits, les marchés, les communications, les circuits de vente… Il faut mettre en place la stratégie et s’atteler au travail. Il faut aussi accélérer «l’Open Sky» et cesser d’avoir peur. Faut-il hypothéquer le tourisme face aux peurs? Il faut une vision globale dans laquelle l’Open Sky s’inscrit en élargissant les champs.
Entretien. Par Amel Djait
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