Atelier Driba

L’homme se plait à transposer les caractères d’un art sur un autre. Il crée ainsi de nouveaux objets, de belles émotions et un style reconnaissable entre tous. Un savoir faire toujours puisé dans les savoir-faire de Tunisie qu’il réunit presque en totalité dans ses ateliers de la Soukra, dans la banlieue nord de Tunis.

Mohamed Messaoudi a reçu à trois reprises le Prix de la création artisanale lors du Salon de l’artisanat tunisien. Il prend également de temps à autre l’initiative de montrer au grand public une partie de ses collections de ferronnerie d’art, de poteries de Guellala  (Djerba) et de pièces en bois sculpté et peint avec un raffinement à nul autre pareil.

La grande porte de l’atelier Driba refermée, le visiteur se trouve plongé dans une caverne d’Ali Baba. Ici coexistent pratiquement tous les métiers de l’artisanat tunisien : sculpteurs, mosaïstes, menuisiers, ébénistes, ferronniers, peintres, maquettistes, tisseurs, stylistes modélistes, couturières, brodeuses, bijoutières…Des amphores rappelant celles de Guellala s’entassent dans un coin de la cour ; à côté des sacs à main plutôt tendance sont tressés en fibres de palmiers, clin d’œil au couffin traditionnel. A l’intérieur, du mobilier, des poufs, des miroirs, des coffres, des soieries, des paravents, des carreaux en simili céramique, une technique crée par l’atelier Driba, des sculptures en pierre, de la ferronnerie…Plus loin, un vrai bric à brac, des objets anciens, des marfaâ (étagères), des coffres, des panneaux en fer forgé de Sfax côtoient des articles en voie de fabrication.

« C’est là notre banque de données », confie-t-il. Des collections qu’il continue à enrichir en chinant ici et là…Et qu’il partage de temps à autre avec le grand public comme lorsqu’en 2007 lors du Mois du patrimoine, il organisait au palais la Abdelliya à la Marsa l’exposition Haddada, sur la ferronnerie d’art de Tunisie. Il y racontait par ordre chronologique le savoir faire du fer à travers des pièces datant de l’époque hafside à la période coloniale. En 2008 dans l’espace musée du Salon de l’Artisanat, il montrait des pièces magnifiques de poteries de Guellala (Djerba) recueillies au gré de longues années de recherches. Intelligemment mise en scène, l’exposition présentait d’une manière exhaustive, tout le génie de ces « potiers poètes », selon la belle expression de G. Duhamel, qui depuis le temps des Phéniciens ont fondé probablement l’une des premières capitales de poterie tournée au monde. Des manifestations à travers lesquelles Mohamed Messaoudi a voulu rendre un vibrant hommage au talent et à la dextérité d’artisans créateurs anonymes…

Une obsession : restituer les objets du passé

L’homme à la silhouette gracile d’éternel adolescent a suivi une solide formation de céramiste à Paris. Il possède la collection de jelliz (carreaux) de Kallaline la plus complète de Tunisie. La créativité de Mohamed Messaoudi qui pratique tant de métiers d’art depuis presque trente ans n’a pas de limites.

« Regardez ces vieux marfaâ, aucun ne ressemble à l’autre. Ils racontent toute la dextérité des artisans d’antan et les diversités régionales en matière d’artisanat. Malheureusement, 80% de ce qui se faisait ne se fabrique plus », souligne-t-il.
Un souci majeur, telle une obsession agite le chef d’orchestre de l’espace Driba. Celui de la mémoire. Il veut restituer des motifs et des objets du passé. Cette ancienne chaise de mariée du Sahel, il la reproduit en miniature, pour le bonheur des petites filles. Le poisson que Chemla, grand céramiste tunisien du début du vingtième siècle, dessinait sur l’une de ses grandes bassines est reconverti, exactement pareil, avec ses petits défauts, en objet décoratif.

Cette démarche de sauvegarde et de conservation d’un patrimoine en voie de disparition n’exclut pas qu’il y ait un label Driba. Un style reconnaissable entre tous et qui a fait depuis le temps des petits. Driba transpose les caractères d’un métier d’art sur un autre. Des motifs de céramique sont par exemple déplacés pour décorer des miroirs, les teintes utilisées d’habitude pour le tapis (le verre et le rouille) se retrouvent sur le bois, des chutes de tapis sont récupérées pour fabriquer un étonnant panneau mural rappelant une mosaïque romaine, une passementerie de jebba se retrouve sur une belgha remise au goût du jour.

Plusieurs couches de passions
Mohamed Messaoudi ressent un malin plaisir à jongler avec les formes anciennes mêlant les techniques du bois, du verre, du métal, de la céramique, à la pierre, au tissage et à la poterie. Inventant un univers d’objets nouveaux s’insérant parfaitement dans les espaces de vie d’aujourd’hui : maisons, hotels, cafés, salons de thé…

Le parcours de Mohamed Messaoudi rassemble, comme celui de tout artiste, une série de coups de cœur. L’histoire de l’art d’abord et l’architecture. Ensuite, il s’improvise antiquaire à Paris. Puis il s’intéresse à la céramique et s’y forme. Et enfin il redécouvre les métiers de l’artisanat tunisien et collectionne des objets-repères. Mais lorsqu’on gratte à travers ces diverses couches de passions remontant à l’origine des choses, on trouve la mer et les bateaux.
Son père, propriétaire du « Comptoir maritime de pêche » était avant tout marin. Lui-même se baignait douze mois sur douze, s’essayait à la voile et touchait avec délice à tous ces matériaux liés au bateau : le lin, le coton, la toile, le letton, le bronze, le zinc… L’apprentissage de la matière et l’amour de la liberté, il les a probablement puisés dans cette toute première école, celle de la mer, du soleil et du vent…

Olfa Belhassine

Atelier Driba
Nom : Atelier Driba 93
Adresse : 72 bis, rue Ennouairi-Sidi Fraj, 2036 La Soukra-Tunisie
Tel : 71 759 363
Fax : 71 759 179
E-mail : atelierdriba.ad93@gnet.tn
Site : atelierdriba93.iespana.es

Le plus: A Driba 93, tous les métiers d’art tunisiens se croisent, se retrouvent et s’enchevêtrent…

Plan de situation:

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