Ces images sont-elles fausses? Sont-elles vraiment le reflet de notre réalité ou d’une appréhension? Est-il vrai que la société tunisienne, profondément affectée par un appauvrissement brutal et par une remise en cause de son modèle sociétal est en train de devenir un pays d’extrêmisme?

Autant, il est indiscutable que le pays affronte une transition démocratique difficile mais de là à affirmer que le pays n’est plus que ruines et qu’il n’offre  plus que des signes de «dévastation», cela est grandement exagéré voir complètement fantasmé… Bien au contraire, la Tunisie existe et résiste.

Mais que perçoivent les touristes à leur arrivée en Tunisie? Les touristes européens se rendant pour la première fois en Tunisie sont toujours agréablement surpris. Hormis les poubelles qui débordent, ils sont reçus dans une aérogare ultramoderne comme celle d’Enfidha où des bus et des 4×4 d’agences de voyages les attendent pour les mener en voitures climatisées vers leurs hôtels. Ils n’en sortiront peu ou presque pas.

Le service dans la majorité des hôtels sera toujours le même, c’est-à-dire assez médiocre, à de rares exceptions prêt. Mais une bonne partie de ceux qui ont choisi la Tunisie comme destination de vacances cet été, l’ont fait pour le prix et non par choix. Elodie F., confirme bien : « C’était Hammamet ou pas de vacances du tout ! Le choix a été vite fait. Le soleil et la mer sont les principaux atouts de la destination et je n’avais besoin de rien d’autre que d’un hôtel all inclusive. »

Dans un récent sondage, le journal « Le Monde » a reçu des centaines de témoignages pour mesurer l’impact des révolutions sur le tourisme en Egypte ou en Tunisie. Un des témoignages les plus significatifs mentionnera des « femmes voilées dans la même piscine… » et « la cohabitation avec des libyens qui n’ont pas forcément les mêmes comportements que les européens… ». Voilà tout !

Hormis cela, les réclamations sont toujours les mêmes : environnement délabré, « beznessas » envahissants, humeur désagréable d’un personnel peu professionnel, … Finalement, la routine d’une destination qui ne cesse de chuter en termes de qualité de services, qui reste à la traine en termes d’innovations et qui cultive une image « cheap » sans parvenir à sortir du carcan dans lequel elle s’est enfermée. Et même la révolution n’a débouché sur aucune remise en cause ni débat national global au sujet de la question touristique. Il faut le faire !

Du côté des habitués de la destination et des Tunisiens résidents à l’étranger, c’est une toute autre affaire ! Bien qu’ils ne soient plus stupéfaits par l’augmentation du nombre de femmes voilées ou par la récente religiosité affichée des Tunisiens, il est fréquent qu’ils expérimentent de nouvelles formes de violence qui s’installent notamment dans les villes comme les violences verbales, les agressions, les vols à l’arrachée, les crachats, les disputes gratuites, les insubordinations vis-à-vis des forces de l’ordre…

Une nouvelle routine face à des forces de l’ordre qui font les beaux en quad sur les plages mais qui ne mettent aucun cœur à l’ouvrage pour arrêter les malfaiteurs. L’agression dernière de la belle-fille de Bettino Craxi a défrayé la chronique et l’agression d’un député français PS à Bizerte lui a valu de plates excuses présidentielles et gouvernementales.

Pour en revenir à l’impact des images de fanatiques religieux à l’assaut de la place du 14 janvier et les informations relayées par les médias et relatives aux atteintes devenues trop nombreuses aux droits de l’Homme et aux libertés des artistes ou des journalistes ont-elles un impact direct sur la destination Tunisie ?

Pas forcément. La cible des clients de la destination peut regarder les JT français mais pas forcément tous les soirs. Il faut dire aussi que face aux efforts qu’on fait les hôteliers tunisiens pour parer au marasme qui s’annonçait, il est difficile de résister. La Tunisie affichait des prix sans précédent ! Elle a sauvé la saison des principaux tours opérateurs français selon le récent communiqué du CETO qui s’en réjouit. Le tourisme tunisien a bien entendu dépensé beaucoup d’argent pour sauver la saison mais pour quelle rentabilité ?

En gros, la destination continue à dépenser de l’argent et en arriverait presque à payer pour une partie de ceux qui viennent ! La chute des prix de vente coûte donc de plus en plus chère et il faudra des sommes d’argent colossales et un temps précieux pour revenir aux prix pratiqués avant notre révolution.

Les dernières statistiques du tourisme tunisien sont présentées comme un trophée. Il est bien évident qu’il faut se réjouir du retour des touristes mais que cela n’empêche surtout pas de se poser les bonnes questions : quel est le retour sur investissements par marché ? Quelle est la rentabilité du secteur ?

Les recettes touristiques réalisées, du 1er janvier au 20 août 2012, se sont améliorées, progressant de 35,3% par rapport à la même période de 2011, mais restent en chute de 14,9%, en comparaison avec les huit premiers mois de 2010, indiquent les chiffres publiés récemment par le ministère du Tourisme. Depuis le début de l’année, jusqu’au 20 Août 2012, la Tunisie a accueilli près de 3,7 millions de touristes  alors qu’elle en recevait 4,6 millions en 2010.

La destination semble donc relativement tirer son épingle du jeu alors que la crise sévit en Europe et que l’Algérie voisine reste méfiante. Les chiffres sont effectivement bien supérieurs aux meilleures des prévisions dans une conjoncture très difficile. Cela veut-il dire pour autant que le tourisme tunisien s’en sort et tire son épingle du jeu ? Rien n’est aussi sur ! La Tunisie a carrément bradé la destination, histoire de drainer particulièrement la clientèle française aux lendemains de la révolution. Les deux gouvernances qui se sont succédé au lendemain de la révolution ont fortement misé sur ce marché bien que d’autres marchés aient été plus réactifs.

L’actuel gouvernement ne parvient pas à occulter la situation précaire que traverse le secteur et n’enclenche toujours pas les réformes tant attendues. Des déclarations sur la stratégie touristique à appliquer pour un avenir plus prospère ont été faites sans pour autant convaincre les professionnels du secteur. Ces réformes verront-elles le jour ? Seul le temps nous le dira. Pour le moment, la Tunisie déclare vouloir continuer à miser sur le tourisme pour développer le pays. Cela aussi le temps nous le démontrera.

Amel Djait

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