Salle lumineuse, 3 dégustateurs par table numérotée et portant les noms d’un spécialiste, un technicien et un consommateur, des fiches d’évaluations simples pour chaque produit et une fiche finale pour chaque catégorie, voici le décor de la salle dédiée à la dégustation du 1er Concours Tunisien des Produits du Terroir qui se tient à la Cité des sciences de Tunis. Orchestrée comme un papier à musique, par l’Agence de Promotion des Investissements Agricoles( APIA), soutenu par le projet PAMPAT et le soutien de la coopération Suisse (Seco), cette première journée promet de bons résultats mais surtout augure d’un Concours qui risque de rapidement de prendre de l’ampleur s’il continue à avancer avec cette célérité et rigueur. Reportage par Amel DJAIT
« On entend les mouches, pas une sonnerie de téléphone, de vraies conversations entre les dégustateurs qui se sentent chargés d’une vraie mission, celle d’être le plus juste et équitable possible. Celle de ne léser aucun producteur ni produit car derrière, c’est beaucoup d’engagements, des emplois, des familles à nourrir et une marque qui a accepté de jouer le jeu pour ce Concours dont la démarche est volontaire ». A travers ce témoignage, Pierre qui suit le déroulé du Concours, résume parfaitement l’ambiance qui marque cette première journée.
La démarche est volontaire et « chaque producteur se verra recevoir une lettre de remerciements avec un feedback précis des commentaires émanant des dégustateurs et une invitation à s’inscrire pour la prochaine édition « précise Marouane Chikhaoui, véritable moteur et cheville de ce Concours. Le jeune homme a eu à dénicher, choisir, motiver et expliquer aux dégustateurs et aux producteurs l’intérêt d’un pareil concours. Seul 30% des produits qui participent seront primés. C’est un ratio sévère mais il garantit un certains niveau de qualité.
Ce concours se préparer dans les coulisses depuis longtemps. L’aventure a mobilisé des centaines de personnes sur 2 à 3 ans de travail, remarque Nuria Ackerman, coordinatrice du projet PAMPAT (http://www.onu-tn.org/Projets/3_Projet_dacces_aux_marches_des_produits_Agroalimentaires_et_de_Terroir_e_PAMPAT_u.html)
S’inscrire dans le concours est une signification de maturité et d’une sensibilisation qui a fait son chemin. c’est aussi le début d’une nouvelle culture du « ranking « qui ne fait pas partie de notre culture. Pourtant, pour cette première session plus de 127 producteurs ont d’emblée joué le jeu.
Dans la moyenne des autres concours organisés par les Suisses, notamment au Maroc, l’aura d’un concours augmente en fonction de sa notoriété. Mais d’ores et déjà, Walid Turki, producteur de vinaire de cidre et participant en tant que dégustateur dans la catégorie des techniciens, regrette de ne pas avoir postulé et proposé ces produits : « Je ne le savais pas ! On m’a convié à être dégustateur. Je le regrette mais me rattraperais la prochaine fois «
Un peu plus loin, au niveau de la table des dégustations, on discute autour d’un produit phare du pays, la datte. Chaque dégustateur y va de son argument, couleur, aspect, gout, impression…Chacun a ses propres mots pour interpréter une grille technique soumise par le Comité du Concours et qui porte sur l’apparence, l’odeur, l’arôme, le gout, la texture et l’impression finale.
A la table de dégustation du « robb » (mélasse) de grenades, caroub et dattes, c’est le Foued Frini https://www.facebook.com/chef.foued.frini qui préside la table. Ici, on se rend compte que le concours se joue à quelques détails près ! Ici, on juge plusieurs mélasses et on doit prendre en compte des appréciations complémentaires : produit innovant, typé, exceptionnel, élaboré avec soin, assaisonnement à améliorer, défaut au niveau des matières premières, problème dans le processus de fabrication, problème de conservation, goût ou odeur parasite…Autour de la table, on évoque « un produit trop sucré ou caramélisé » ou encore « un gout trop fort » ou encore “une couleur étrange“…Mais finalement, un produit se démarque. Il s’impose et fait l’unanimité parmi les 3 dégustateurs.
En faisant le tour des tables, ce cas est presque le même pour tous les produits en lice. Le consensus est vite atteint. En fin de compte, l’excellence se démarque rapidement et c’est tout l’enjeu du Concours. Même si à la table des dégustateurs, il n’y a que 3 personnes qui légifèrent sur le nombre de points à donner, on se rend vite compte qu’ils sont 3+1, le quatrième étant le produit qui s’impose, celui qui se démarque de suite par sa qualité, caractère, saveur….
Pour le chef Mounir Arem, Chef de cuisine du Baroque http://www.le-baroque.tn/ et Président de l’Académie Nationale de Cuisine( ANC), qui participe an tant que dégustateur, ce concours est à saluer et à encourager. Dans sa vision de l’après -concours, il explique qu’il s’agit désormais de » cuisiner avec des produits primés est très important et salutaire. Nous signalerons les produits primés de ce concours sur nos cartes et menus. Nos chefs de salle seront sensibilisés à cela. Nous même, les chefs de cuisine, quand nous sortons en salle, nous le mentionnerons à nos clients ! Une bonne cuisine repose essentiellement et surtout sur de bons produits !”
Un peu plus loin, autour de la table de validation des résultats, on s’affaire. Ici, on ne rigole pas. La concentration est à son comble. Les fiches des produits en concours sont traitées in situ par un logiciel qui a été développé pour cela. L’équipe organisatrice, joliment habillée en chéchia, travaille comme dans une ruche. Tous en silence, et en vraie « team », ils se distribuent les tâches et rôles d’un scenario déjà vérifié. Pas un mot plus haut que l’autre, le concours roule comme sur des roulettes.
Les premiers résultats commencent à tomber. Toujours à l’aveugle, seul les codes des produits restent visibles.
Il s’agit maintenant de regrouper les produits qui ont gagné des médailles d’or pour sortir un Prix d’Excellence par catégorie. 50 jury sont invités à voter. L’excitation monte ! Difficile de décider entre un miel et un fromage et encore plus difficile de décider entre une eau florale, une confiture, une datte et une tomate séchée ! Pourtant c’est la règle du jeu…Les dégustateurs goûtent, réfléchissent, hésitent et votent….
Les résultats sont prévus pour le 8 décembre 2017. Une affaire à suivre !