Un temple qui a résisté aux aléas du temps. D’ailleurs, beaucoup s’en souviennent comme d’un lieu de pèlerinage. On s’y rendait le dimanche matin en allant au marché central. On allait chez Madame Garza comme d’autres allaient à la messe. Le fils Garza a repris l’activité. Il a toujours la même politique d’antan. La pâtisserie ferme ses portes, une fois le dernier gâteau vendu. Alors on s’y précipite très tôt pour avoir son content de salés et de génoises.
D’abord, le lieu. Sans enseigne, on reconnaît sa devanture à son côté désuet au fond de la place de la monnaie. Au passage, on peut admirer les splendides ficus centenaires qui ombragent la place, et nous font regretter le peu d’entretien de ce lieu historique, livré, aujourd’hui, aux étals boiteux des marchands à la sauvette.
En allant chez Garza aux premières heures de la matinée, le dimanche, on retourne dans le Tunis des années 50. Nous sommes là en mission gourmandise. Garza, depuis 75 ans, est immuable. Sur les étagères de cette boutique couleur crème, des bocaux en verre à l’ancienne sont alignés. Autrefois, on y proposait des dragées et autres confiseries. L’espace est étroit et les riverains se bousculent pour avoir leurs gâteaux. Tous savent que les petits sablés fondent en bouche.
Les gâteaux aussi sont uniques. Uniques, parce qu’on ne les trouve que là ! Garza n’a pas développé des gammes à la mode telles les mousses et les verrines. Elle fait ce qu’elle réussit depuis toujours, avec le même soin.
Uniques aussi parce qu’ils sont délicieux. Des déclinaisons autour de l’amande et des variations sur le thème de la génoise dans tous ses états, moelleuse accompagnée de crèmes au beurre incroyablement légères…Si, si, il faut goûter pour savoir. Uniques également à cause des prix, aussi légers que ses pâtisseries, qui prouvent combien la gourmandise en Tunisie peut être sujette aux spéculations dans les quartiers « chics ».
Aujourd’hui encore, les anciens du Lycée Carnot ou de la Banque Centrale (son premier siège est sur cette place) pourraient évoquer pendant des heures, avec des trémolos dans la voix, les délices de chez Garza. Beaucoup ne savent pas que ce petit commerce est toujours là. Comme un bastion de résistance entre les vendeurs de contrefaçon et d’électronique.
Frida Dahmani