La mode, et surtout la mode féminine, sont un sujet de prédilection pour la réinterprétation patrimoniale d’un pays. Cela permet notamment à des vêtements, traditionnels ou passés de mode, de ne pas tomber dans l’oubli et de se retrouver sous les projecteurs de l’actualité. Par Edia Lesage
Le merioul Fadhila en est un exemple parfait. Avec ses rayures inégales colorées rouge sombre ou vert et son col rond, il est et reste une pièce de l’habit traditionnel tunisien le plus connu du monde. Intemporel, le maillot de corps qui se portait sous le gilet « farmla » ou la « melya » se porte aujourd’hui avec aisance sur un jean, avec un short ou sur une jupe.
Le Fadhila, on peut le voir dans plusieurs tableaux de Abdelwaheb Amich, ce peintre des scènes traditionnelles de la Médina, notamment la « toilette nuptiale », où la « hannana » porte un merioul à rayures vertes.
Ce merioul, né sans doute sous une bonne étoile, est un vrai phénix, qui a connu jusqu’ici trois renaissances.
Au début du 20° siècle, il était fabriqué, en coton, et vendu sans nom dans le souk des femmes de la Médina de Tunis par la société Cohen.
Dans les années 20/30, Fadhila Khetmi, comédienne, musicienne et chanteuse, qui joua Cléopâtre en 1928 avec la troupe qu’elle avait créée, portait le merioul avec tant de grâce que toutes les élégantes de l’époque l’avaient adopté, au point de le dénommer « merioul Fadhila ».
Puis il tomba en désuétude.
Le tunisien, John Lennon et Woodstock…
En 1957, la société Cohen s’installa en France et vendit le merioul dans les boutiques des stations balnéaires de la Côte d’Azur. Le succès fût immédiat chez les stars. C’est de cette époque que date l’appellation de « col tunisien » pour le col rond. On voyait à la ville Claudia Cardinale, Brigitte Bardot, Catherine Deneuve, Françoise Dorléac, Jane Fonda et même des hommes, Yannick Noah, Joe Cocker par exemple, le porter dans diverses déclinaisons de rayures de couleur vives et dans des versions plus ajustées.
En 1967 le groupe textile tunisien Bacosport racheta la marque « merioul Fadhila » mais le merioul ne suscitait plus autant d’engouement. C’est à la fin de l’année 2016, cinquante années plus tard que se situent deux événements décisifs.
D’une part le patron du groupe Bacosport désirait saisir l’occasion de cet anniversaire pour replacer le merioul Fadhila au top et d’autre part le collectif «Be Tounsi» qui militait pour la renaissance de l’artisanat et la reconnaissance de ses produits affichait régulièrement sur son site facebook des photos de jeunes femmes radieuses en merioul Fadhila.
Cette campagne de « Be Tounsi » entraîna une légère progression des ventes, ce qui amènera Bacosport à décliner peu à peu, en associant des stylistes tunisiens, le merioul dans de multiples variantes : ajustés, larges, à manches courtes, sans manches, à manches longues, en tunique, pour homme. Finalement le fameux tissu à rayures sera utilisé pour une gamme complète d’accessoires : maillots de bain, sacs à main, robes et chaussures de plage.
Donc une vraie success story, une vraie renaissance, 50 ans après la précédente et 100 ans après la première. Serait-ce une voie à suivre pour revisiter et rajeunir le patrimoine tunisien ?
La mode n’est-elle pas le lieu de la redécouverte et de la réinterprétation ?
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