Aussi bien la tortueuse médina qui s’enroule autour de la Mosquée Zitouna, que la ville moderne, érigée autour d’un plan qui n’est pas sans rappeler le quadrillage des villes romaines, répondent à une spatialité précise. Les métiers et les corporations les plus nobles rassemblés autour d’un épicentre tandis que les nuisances sont cantonnées à l’extérieur. Dans cette vision de la ville, la cohérence est telle que tous les espaces sont en harmonie. Un équilibre naturel qui fait le charme ineffable de ces lieux.

Tunis, bipolaire meurt dans la gabegie. Il semble qu’il ait suffit d’une révolution pour que la laideur s’empare de la ville et franchisse le seuil du tolérable. Certes, souvent révolution flirte avec anarchie mais, l’une comme l’autre, répondent à une pensée construite, ce qui est loin d’être le cas du centre de Tunis livré aux marchands ambulants. Il est vrai que, depuis Mohamed Bouazizi, les marchands ambulants sont des intouchables échappés des ruelles qui leurs étaient réservées. Le propos n’est pas  d’empêcher des jeunes de gagner leur pain même de manière illicite puisque les marchandises qui envahissent les trottoirs de Tunis ne sont pas contrôlées ni au niveau sanitaire ni au niveau de la mise à la consommation. Mais une ligne rouge a été franchie ; Tunis est devenue chaotique et affreuse. A ce souk bas de gamme s’ajoutent les chaussées envahies de bric et de broc, les appropriations d’asphalte pour empêcher les voitures de se garer et toute une dévalorisation du centre ville. On ne peut plus circuler ni à pieds ni en voiture ; on ne peut plus vivre la ville alors que c’est le propre d’une ville que de gérer et générer un mouvement permanent.

Nos édiles ayant disparus, les questions sont quand même là, cruciales, vitales face à un irréparable qui s’en prend à notre patrimoine urbain. Est-ce de cette incohérence erratique que nous voulons pour notre ville ? Est-ce là l’image que nous voulons donner pour attirer les touristes? Est-ce là un projet urbain sain ?  En n’agissant pas, nous engageons une responsabilité vis-à-vis des générations actuelles et à venir, nous vouons notre ville à une décrépitude rapide, à une insulte esthétique et à un oubli de ce qui faisait de Tunis une ville  bien agréable à vivre. Tunis est en grave dépression, celle là même qui fait des habitants de Tunis des personnes sous stress permanent.

Frida Dahmani

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