Combien de sites historiques et naturels sont saccagés, pillés, incendiés ? Entre laisser-aller, manque de conscience et de moyens, les temps qui courent signent l’arrêt de mort de notre patrimoine. C’est tous les jours que s’écrivent les pages d’une histoire que l’on gomme sournoisement.

Des centaines de sites sont quotidiennement transformées en poubelle à ciel ouvert, en cachette pour tous types de trafic ou en pissotière. Chacun laisse libre cours à son esprit “innovant” et ils y en a même qui plantent des condiments sur un terrain archéologique. Dans la médina de Tunis, de Sousse ou de Kélibia, les sites deviennent des dépotoirs, les zones côtières sont prises d’assaut, les terrains archéologiques sont bâtis… La ville de Tunis qui compte des centaines de sites historiques subit une accélération de  la détérioration de son capital historique ; capital qui lui avait pourtant valu d’être consacrée patrimoine mondial de l’UNESCO.

Dans quels états des trouvent les municipalités pour les appeler  à intervenir rapidement ? Que font réellement les forces de l’ordre quand elles sont appelées à réagir ?  A part signer des pétitions et faire des sit in (ce qui est déjà une étape), comme ce fut le cas pour stopper la dégradation du domaine maritime de Tabarka que peut-on faire? Vers qui se tourner ? Quels sont nos recours en tant que citoyen témoin du massacre ?

Pourquoi s’offusquer pour un “tas de pierres” alors que l’urgence est ailleurs prétendent certains. Il est incontestable que les urgences sont nombreuses et que s’offusquer ou s’indigner d’un mur qui se fissure, d’un bâtiment que se détruit, d’un arbre que l’on abat peut paraitre secondaire, si ce n’est que c’est ce qui fait le capital de la Tunisie, son identité, son histoire et son avenir.

Et puis rappelons tout de même que le patrimoine archéologique et le tourisme culturel, s’ils sont mis en valeur, constitue une source d’entrée financière non négligeable pour l’économie d’un pays. N’est-ce pas ce capital qui est aussi la valeur historique et commerciale de la Tunisie ?  Préservé, exploité et  valorisé, ce patrimoine pourrait constituer un formidable levier pour l’économie.  Dans le monde entier de  nombreuses villes l’ont compris et misent sur ce lien avec l’Histoire pour attirer les voyageurs amateurs de vestiges et de civilisations anciennes. Un investissement qui nécessite une prise de conscience  et une coordination entre les différents acteurs.

Devant le rythme des destructions de notre patrimoine et autres actes de pillage et de vandalisme, on peut se demander s’il restera vraiment quelque chose à valoriser Tunisie d’ici quelques années. Comment développer le tourisme culturel s’il n’y a plus les biens qui s’y rapportent ? Qui se chargera d’expliquer à nos enfants qu’on les prive d’une partie de leur histoire alors que nous regardons le patrimoine national disparaître?
Au vu de la situation politique du pays, ces questions ne seront à l’ordre du jour que dans un an ou deux ans. A ce rythme là que restera-t-il de notre patrimoine?

Amel Djait

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