Si Ettakatol à Sidi Bou Saïd a fait son meeting avec Mustapha Ben Jaafar dans la salle des sports de la Saadiya, c’est bon signe. Ils se sentent à l’aise et pensent avoir du monde. La salle sera remplie avec 500 personnes alors qu’elle pouvait en accueillir plus. Dans la salle principale du centre culturel d’El Menzah, Ben Jaafar remplissait une salle déjà au lendemain du 14 janvier et ironisait : « Et dire qu’ils disaient que nous n’étions pas capables de remplir un bus. Il n’y a pas une chaise de libre ! » A la Marsa, les réunions de la section se tiennent dans le café mythique du Saf Saf devenu aussi le centre névralgique de la communication 2.0 du parti.

Dans le Cap Bon, le Pdp choisit des hôtels. Une première réunion s’est tenue dans la salle de l’hôtel 4 étoiles du « Khéops ». Elle sera suivie par un autre meeting dans celle du « Sol Azur » sous la présidence d’Ahmed Nejib Chebbi. Deux réunions populaires dans des salles à peine remplies. Reste que le choix des hôtels souvent excentrés est un frein pour la population. Pas forcément motorisée, celle-ci reste intimidée par les structures touristiques luxueuses.

Pour le parti Enahdha faire des meetings sert à aller à la rencontre d’un maximum de gens. Son choix se pose naturellement sur les salles des fêtes, des lieux proches de la population et dont la symbolique est importante. Des lieux synonymes de mariages et de réjouissances. Reste que même lorsqu’Enahdha fait ses conférences de presse dans la capitale, elle le fait dans le centre ville, pas loin des sièges des journaux afin de faciliter la mobilité des participants et garantir leur présence. Le choix du palais des congrès pour la présentation du programme économique du parti la semaine dernière est-il fortuit ? Afficher une mise en place pour plus de 1500 invités est-il un pari risqué ou juste une démonstration de puissance ? Un lieu si proche du siège du parti déchu est-il aussi allusif ?

Est-ce que l’endroit où se produit un meeting peut influencer notre évaluation ? Pas forcément mais cela en dit long sur la cible du parti et sur l’appréciation qu’elle se fait de sa propre notoriété. Au fil des meetings, il est rare qu’il y est plus de monde que de chaises. Seul Enahdha remplit pleinement ses salles. Manipulations, machinations, public payé ou transporté, véritables adhérents mobilisés… Les questions ont été maintes fois posées.

«Les relations entre l´espace, le pouvoir et l´identité sont nécessairement médiatisées par des symboles. Un symbole étant une réalité matérielle (un bâtiment) qui communique quelque chose d´immatériel (une idée, une valeur, un sentiment…), le lieu du pouvoir serait ainsi par définition un lieu symbolique, à la fois porteur de pouvoir et de son ordre.» Reste à savoir qu’un lieu ne peut être considéré comme « symbolique » que dans la mesure où il signifie quelque chose pour un ensemble d´individus. Il contribue alors à donner son identité à ce groupe.

En principe tous les lieux ont une dimension symbolique, mais la force d’un lieu de culte comme une mosquée pour une conférence strictement réservée aux femmes après la prière est fortement orientée et chargée. L’invitation n’émanait pas d’un parti politique, mais c’est tout comme ! L’invitation ne précise pas la tenue exigée. A ce point, cela n’est plus que détail.

Entre temps, empêché de tenir ses « mettings » populaires dans certaines villes des régions défavorisées, un parti comme Afek s’est vite rattrapé. Il vient de réussir un meeting à Paris dans l’auditorium de l’Institut de Monde Arabe (IMA) : « Grande salle très fonctionnelle, fauteuils en cuir avec accoudoirs, super confortables ! » précisera un des participants. Humour ou humeur ?

Depuis la révolution, la politique s’invite partout et investit le temps et l’espace. S’il est regrettable que les lieux de culte soient transformés en lieux politiques, il est agréable de constater que les cafés sont quasiment tous devenus des Cercles de réflexion. Et des cafés il y en a autant que les mosquées !

Amel Djait

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