Plus de 150 entrepreneurs turcs et une quarantaine d’entrepreneurs et investisseurs libyens ont fini par attiser la curiosité et l’intérêt de nombreux entrepreneurs tunisiens qui se sont inscrits à la dernière minute.

Les révolutions arabes changent la donne et certains économistes partent du principe que la croissance passe à l’Est et que ce sont désormais l’Indonésie et la Turquie qui pourraient servir de modèles à suivre. Un avis qui n’a fait pas l’unanimité durant ces journées. En fait, il s’agit en se regroupant de se faire plus fort. Abderrahmane Yetkin résumera l’état d’esprit de ce Forum en disant :”Nous sommes de petits poissons qui doivent devenir de grands poissons pour ne pas nous faire avaler”.

Un avis que partage le libyen Mohamed Achour Derviche, Directeur général de la Société d’investissement national. Il ne compte plus les besoins de son pays : « En Lybie, nous avons besoin de partenariat pour l’Administration, le savoir et la stratégie. Cela va nous aider à trouver une forme d’équilibre régional. Par ce partenariat, nous développerons nos pays et résoudrons le chômage. Nos entreprises seront alors compétitives et il s’agira d’aller provoquer les marchés asiatiques et africains qui, eux, sont l’avenir ».

Y a-t-il des conditions de réussite à cet ambitieux projet? En réponse à cette question, il affirme : «La religion. C’est l’une des bases de ce partenariat. Notre histoire commune et nos grandes causes comme la Palestine constituent un socle commun».
Se félicitant de la présence turque à ces journées, le panéliste expose les besoins de son pays et de la région en termes de besoin de tourisme islamique : “La Lybie doit mettre en avant son potentiel touristique. La région a urgemment besoin de développer le tourisme conservateur, un tourisme respectueux de nos traditions et valeurs est à développer. Nous sommes absolument en manque de produits de ce genre”.

C’est ensuite au tour de Noureddine Zekri, Directeur général de la FIPA de parler des occasions d’investissement en Tunisie. Seulement 22 entreprises turques et 57 libyennes créant 6000 postes d’emploi opèrent à ce jour en Tunisie. Le volume des échanges commerciaux tuniso-turcs s’élèvent à 1,5 milliard de dollars et les investissements libyens en Tunisie ne dépassent pas les 359 millions de dinars. « Tout ceci est bien dérisoire ! Il est indéniable qu’avec la Turquie nous sommes concurrents sur plusieurs secteurs mais nous pouvons développer un schéma collaboratif comme nous avons réussi à le faire sur le textile », argumente Noureddine Zekri.

Il s’agit donc de profiter du nouveau code d’investissements et des incitations mises en place. La nouvelle gouvernance en Tunisie encourage l’investissement. La situation politique passée, elle l’empêchait. Et toujours selon le Directeur général du FIPA, les domaines à investir sont ceux des services, des composantes d’aviation, du tourisme de santé et culturel, des énergies renouvelables, du secteur financier…

La finance islamique, c’est exactement ce dont a parlé Mahfoud Barouni dans son intervention. La Tunisie selon l’expert est une des fondatrices de la Banque Islamique. Un organisme financier ayant pour objectif d’être une Banque mondiale pour les pays musulmans. Elle a été créée en 1975 et reste basée en Arabie saoudite.

L’expert a tenu à lever les doutes qui entourent la finance islamique tunisienne ou celle-ci fonctionne depuis 1983. « La Tunisie travaille à développer la législation et nous allons lancer « Zitouna Takafful » en Avril prochain. Sachez aussi que la Tunisie est un des plus grands exportateurs de compétences en la matière ».

En  ces temps de crises financières et économique et de révolutions arabes, tout porte à croire que certains ont fait le choix de parier sur l’économie islamique. Une approche qui a été conçue au début du 20ème siècle pour faire face aux idéologies communistes et capitalistes et tenter de libérer les économies des pays musulmans du poids de l’exploitation et de l’oppression des colonisateurs.

Selon certaines définitions : « Le système islamique se distingue principalement par ses dimensions morale et religieuse dans la définition des problèmes économiques, ce qui implique que les agents économiques ne doivent pas considérer la profitabilité comme l’unique ni le principal critère de prise de décisions. En conséquence, un système financier islamique, tout en intégrant des objectifs de rentabilité et d’efficacité, se doit de respecter l’ensemble des principes éthiques de la « charia ». Ainsi d’autre paramètres sont à prendre lors de toute évaluation économique, ceux-ci comprennent des objectifs tels que la fraternité humaine, la justice socio-économique, la paix mentale, le bonheur, la famille, ou encore l’harmonie sociale… »
Selon les spécialistes de la question, l’économie islamique prend de l’ampleur grâce à une profusion de portefeuilles d’exportateurs de pétrole et une multiplication d’instruments financiers islamiques conformes à la « charia » mais peuvent-ils concurrencer l’ordre financier international? Peuvent-ils vraiment se dresser en alternative ?
Sans prétendre répondre à cette question, la Tunisie au lendemain de la révolution et de l’arrivée du parti Ennahdha à la tête du gouvernement cherchait à gagner la confiance des investisseurs, en jouant dans la continuité mais visiblement aussi en mettant le cap sur l’argent là où il se trouve.

Alors que 80% des échanges sont réalisés avec l’Union européenne, Ennahdha assurait ne rien vouloir bouleverser selon les récentes déclarations de son ministre délégué chargé des questions économiques, Ridha Saidi. Une déclaration que de nombreux patrons tunisiens et investisseurs étrangers attendent de voir se confirmer.

Pour le moment, ce sont les tunisiens qui attendent désespérément le bonheur et la fraternité qui ne viennent pas. Si l’on dit souvent que l’argent n’a ni odeur, ni couleur, il est aussi un important et pernicieux danger politique.


Amel Djait

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