Alors que le tourisme mondial prévoit une baisse de rythme en 2012 dans un contexte économique marqué par les révolutions arabes, les élections en France, aux USA et en Algérie ainsi que la crise, la destination tunisienne affiche un optimisme à toutes épreuves sur un marché important où elle perd et risque de perdre encore plus gros.

Interviewé par la presse algérienne, le représentant du tourisme tunisien en Algérie affiche une curieuse forme de satisfaction en se félicitant du fait que le marché algérien n’a pas complètement plongé. Le marché à réalisé « un pic de 130 000 touristes rien que pour le mois de décembre et les fêtes de fin d’année ». Il argumente: « J’ai été confiant quand j’ai vu qu’on allait atteindre ce chiffre”. Étonnant ou détonnant ! Autrement dit, comment ne pas se réjouir d’une perte aussi peu significative?

Et si dans ce contexte révolutionnaire, nous commencions par nous dire les vérités qui ne sont pas agréables à entendre. Et si nous appelions un chat un chat ? Et si nous disions crument que ces pertes sur le marché algérien sont alarmantes car ceux qui récupèrent nos clients sont de redoutables concurrents comme la Turquie qui a développé un vrai savoir-faire et faire savoir. Sommes-nous capables de reprendre du poil de la bête face à une telle concurrence et avec la détérioration de nos produits depuis la révolution ?

D’ailleurs, n’est ce pas précisément avec ce genre de discours que l’on a perdu des parts sur d’autres marchés comme l’Allemagne ? N’est-ce pas avec ce genre d’auto satisfaction que nous avons plombé notre tourisme en refusant de voir des marchés reculer d’une année à l’autre ? N’est-ce pas en reprenant des communiqués et des chiffres sans interrogations ni analyses que l’on tue toute remise en cause nécessaire pour rectifier le tir et aller de l’avant ?

La destination Tunisie souffre depuis trop longtemps de pareils comportements pour continuer à faire semblant. Reconnaitre un problème en se posant les bonnes questions est  déjà un début de réponse.

Pour le marché algérien, comment ne pas prendre en considération que les relations sont tendues depuis l’impair Moncef Marzouki du début d’année? Comment ne pas voir dans le report de son voyage un signe de tension ? Comment ne pas reconnaitre que les vagues de contestations et de colère dans les villes frontalières risquent fort de plomber la saison à venir ? Comment gérer l’impact de l’islamisme rampant sur la destination ? etc.

S’il est vrai que la vague islamiste s’abat sur toute la région et sur le tourisme, tout le monde en Tunisie reste conscient du poids du tourisme dans l’économie. Cela n’a pas empêché les dérapages diplomatiques, les injures haineuses, les actes belliqueux… L’ambiance n’est certes pas au mieux mais reste contrôlable si l’on se donne les moyens d’agir avec efficacité et audace.

Depuis quelques années, les Algériens sont perçus comme “les sauveurs” du tourisme et les enjeux liés à leur présence sur le territoire tunisien sont importants. Le nombre de touristes algériens visitant la Tunisie atteint 1,2 million chaque année et ces derniers dépensent en moyenne 500 dollars par semaine.

Ce ne sont pas seulement les facilitées d’accès qui font que les Algériens se rabattent vers la Tunisie. Leur affluence s’explique par les similitudes culturelles entre les deux peuples, la non imposition de visa, les prix accessibles et la proximité des frontières. Au lieu d’attendre de quoi sera faite la saison estivale 2012 anticipons, réfléchissons et agissons.

Amel Djait

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