Ce ne sont pas les propos tenus par la Secrétaire d’état turque au Tourisme et à la Culture qui se réjouissait de l’engouement des Tunisiens  pour la Turquie (37% de hausse des Tunisiens qui s’y rendent par rapport à l’année 2010) qui va contredire l’évidence que cette destination est très la mode et que les Tunisiens l’apprécient. La déclaration a même fait grincer des dents durant le congrès annuel de la Fédération Tunisienne des Agences de voyages  (FTAV) qui s’est tenu à Istanbul du 27 au 29 septembre dernier. L’objectif était de décortiquer le modèle touristique turc qui s’est hissé en moins de dix ans dans le top 10 des destinations mondiales.

Si les Tunisiens sont férus des feuilletons télévisés et du shopping « made in Turkey », il semble que la troïka au pouvoir mette aussi le cap sur l’intensification des relations entre les deux pays. Elyes Fekhfekh, ministre tunisien du Tourisme, déclarait que les relations entre les deux pays vivent «une période de haute intensité».Un bureau de promotion turc va ouvrir bientôt à Tunis et une représentation du tourisme tunisien s’installe à Istanbul.

Lors de sa visite en Tunisie, avant l’arrivée d’Ennahdha au pouvoir, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan déclarait que «la Tunisie démontrera au monde entier, à l’instar de la Turquie, qu’Islam, démocratie et laïcité ne sont pas incompatibles et que la laïcité de l’Etat constitue un garant de la liberté du culte». Depuis de l’eau a coulé sous les ponts en Tunisie et le fait d’inscrire la laïcité dans la constitution n’est pas à l’ordre du jour en cette phase de finalisation de la Constitution par l’Assemblée Constituante.

Lors de son passage en Tunisie Erdogan avait également déclaré : « Nous entretiendrons avec la Tunisie des rapports renforcés et développerons notre coopération bilatérale dans tous les domaines, politique, militaire, économique, social, éducatif et culturel. Nous ne pouvons nous contenter du volume actuel de nos échanges économiques qui se limitent à 1 milliard de dollars et devons encourager nos investisseurs, chefs d’entreprises et touristes à se rendre en Tunisie… Nous sommes très proches, tout nous rapproche, rien qu’à voir nos deux drapeaux quasi-similaires et nous devons nous rapprocher encore davantage.»

Si dans les années 80, les Turcs sont venus en Tunisie s’inspirer du modèle tunisien pour le tourisme, aujourd’hui l’élève a dépassé, et de beaucoup, le maître. La réussite turque fait des jaloux. Mais comment les conservateurs n’ont pas égratigné le secteur alors qu’en Tunisie l’arrivée des islamistes coûte cher, très cher, au secteur ?

De l’avis des professionnels turcs, le secteur du tourisme était suffisamment fort et structuré avant l’arrivée de l’AKP au pouvoir. Le tournant décisif dont la destination recueille aujourd’hui les fruits s’est fait dans les années 1983/1985 et le parti conservateur arrivé bien plus tard au pouvoir a surfé sur la vague en créant de nouvelles opportunités avec notamment la création de structures hôtelières adaptées au marché islamique. Pour le reste, il a laissé faire.

En Tunisie, le secteur est fragile autant que fragilisé par un contexte politique difficile. Marqué par l’endettement, la qualité en chute, l’insécurité, la destination n’arrive pas à attirer l’investissement touristique et ce ne sont pas les nouvelles venant de Standard & Poors qui vont rassurer les investisseurs.

Que vaut-il donc de déclarer comme l’a fait Rached Ghannouchi que le tourisme avec Ennahdha équivaudrait au Tourisme sous l’AKP ? En cherchant à rassurer en « vendant » un modèle turc, la question est de savoir s’il existe vraiment ? Le modèle touristique turc est probablement exportable car il n’est en aucun cas marqué par le sceau du conservatisme. Seuls le profit et la croissance priment et si cela mérite un peu de cosmétique pourquoi s’en priver ?

En déclarant que le tourisme halal n’existait pas, Hamadi Jebali ne pensait pas si bien dire. Il y a du tourisme ou il n’y en pas !

Amel Djait

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