Vivant en France et née à Tunis voilà plus de 45 ans, son statut Facebook inquiète ses amis. Il alarme surtout et désole sur la perception que l’on se fait de la Tunisie au-delà de la mer Méditerranée. Juive tunisienne, la jeune femme observe depuis Paris ce qui se passe dans son pays où ses parents vivent toujours. Comment expliquer pareilles interrogations?

Dimanche dernier, pour la troisième fois depuis la révolution des propos anti juifs ont été scandés sur l’avenue Habib Bourguiba. La première fois, c’était à l’aéroport de Tunis Carthage lors de l’arrivée du leader du Hamas. La seconde fût le jour de la conférence du prédicateur Wajdi Ghoneim à la Coupole et la troisième ce fut dimanche suite à une manifestation de salafistes qui réclamaient un état islamique et scandait des slogans comme  “le peuple veut l’application de la charia”, “l’application de la charia est une obligation et non un simple slogan”, “les musulmans appartiennent à une seule nation et la charia les réunit”, “celui qui aime Dieu aime sa charia”…

Bien que minoritaire les salafistes sont bruyants et extrémistes. Leurs propos sont haineux envers les juifs certes mais aussi contre les Tunisiens, les musulmans, les femmes, les artistes…

Selon leur vision “Les Tunisiens qui s’opposent à l’application de la charia dans la future Constitution doivent savoir que seul l’islam garantit les libertés et les droits fondamentaux des êtres humains. La modernité que des Tunisiens défendent n’a produit qu’un nombre élevé d’enfants nés hors mariage, de crimes, de viols et de toutes les formes de la corruption”  explique à l’Afp un des adeptes de ce courant qui s’étend et qui s’infiltre surtout auprès des jeunes.

Des incitations à la haine, des appels à la mort des juifs et au djihad ont donc été proférés par un groupe d’extrémistes religieux lors d’une  manifestation autorisée par le ministère le l’Intérieur et qui s’est achevée par l’ascension de l’horloge de la place du 14 janvier. Une journée qui avait commencé magnifiquement par fêter le théâtre et qui au lieu de permettre aux jeunes artistes et créatifs d’exprimer leur créativité post révolutionnaire a fini en affrontements et agressions diverses. Rappelons que les  salafistes se sont hissés en haut de l’horloge après avoir attaqué des professionnels du spectacle. L’Avenue emblématique de la manifestation du 14 janvier est alors devenue un théâtre de violence à ciel ouvert. Un spectacle pitoyable qui est bien loin d’être idéale pour une destination touristique.  

Ce dimanche confirme t-il que la Tunisie se divise en deux parties? Tente-ton de dresser les Tunisiens les uns contre les autres?  A quoi joue le gouvernement dans cette équation? Comment autorise-t-on deux manifestations aussi opposées la même journée et aux mêmes heures?

Du côté du Ministère de l’Intérieur, on répond que la délimitation du terrain a été précisé aux deux groupes de manifestants mais cela reste bien léger comme explication. Gérer le dossier des salafistes pèse de plus en plus lourd pour ce ministère mais aussi pour tout le gouvernement car ces groupes menacent la cohésion nationale de la Tunisie. A moins que  ceux qui cherchent à diviser soient au pouvoir. N’est-il pas temps d’avoir une vraie réflexion à ce sujet et de penser Nation car on va inévitablement vers l’affrontement. A moins que cela ne soit aussi le but de la manœuvre!

Depuis hier, Enahdha a clarifié sa position par la référence à la chariaa dans la constitution. Les journaux internationaux  se sont emparés de l’information en le saluant. Cependant, il reste à Enahdha au pouvoir de se démarquer définitivement d’un certain Islam politique prôné par les différentes versions du salafisme. L’image de Ennahda est brouillée par ses accointances avec des courants qui rejettent la démocratie et la considère du “kofr” et qui prétendent être les seuls détenteurs de la vérité, celle de Dieu. Un choix peut-être culturellement difficile à faire mais autant politiquement qu’économiquement indispensables.

Pour le moment l’image de la Tunisie en prend un énorme coup. De Paris à Rome en passant par Alger, on se pose des questions: Peut-on aller en Tunisie cet été? Pourra t-on y boire, s’y promener, nager? La Tunisie fera t-elle la fête?

Les réponses sont positives et en témoignent la vie normale que vivement les tunisiens et tunisiennes. Reste à le faire savoir…Reste à être certain que la situation ne dérapera pas pour une raison ou une autre et cela c’est une toute autre affaire !

Amel Djait

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