Une occasion pour ressouder des liens et se parler. L’évènement a mobilisé prés de 7000 personnes venues de Tunis, Nabeul, Sousse, Mahdia, Djerba, Sfax… Ils étaient attendus par toute une région qui panse ses blessures et affirme avec dignité : « Levez vous, vous êtes à Sidi Bouzid». Récit.
Ce jour là était radieux. Certes, il y avait un superbe soleil mais il faisait par-dessus tout chaud dans le cœur de tous ceux qui se sont retrouvés à « SidiBou…ZID » dira, non sans malice Akram, un jeune lycéen de 17 ans. Parlant avec fierté de son quotidien durant la révolution, le jeune adolescent est seulement sur d’une chose, on ne la lui refera plus! « Nous n’avons plus peur de rien. C’est nous la Tunisie de demain et maintenant, nous avons le mode d’emploi. Nous somme restés seuls face à la violence la plus féroce pendant plus de 12 jours… ». Il ne peut s’empêcher de penser aux siens, à ceux qui sont morts, à ceux qui ont été humiliés, aux bébés qui ne pouvaient plus respirer… Mais sa nature optimiste reprend rapidement le dessus.
Pas plus désarçonné que d’autres, l’adolescent est heureux de recevoir cette caravane de la paix et des remerciements. Il avance le pas léger et se fend dans la foule qui marche de la place Bouazizi vers le théâtre de plein air de la ville. Il regarde avec confiance en l’avenir et répond en sourires à ceux qui s’adressent à lui. Ayant une opinion sur tout, Akram reste vigilant. Sa ville est à nouveau en état de choc après les événements de Vendredi et la mort de deux jeunes dans le poste de police.
Il pense quoi de la politique, de l’avenir, de la reconstruction de la Tunisie, de Ghanouchi ? « Lequel des deux ? », ironise t-il« Le premier, Mohamed, doit nous porter au meilleur port possible et nous avons l’œil sur lui. Le second, c’est bien celui qui veut empaqueter les femmes dans un bout de tissu et nous empêcher de vivre notre temps et nos vies avec des amies, des copines, des sœurs, …Aucune chance, ca ne passera pas ! » Asa manière, il dit tout et espère.
Même si les propositions d’Akram pour la reconstruction de sa ville sont touffues, il sait au moins ce qu’il veut. Sa liste commence par exiger d’avoir un plâtre correctement fait lorsqu’il se fracture la jambe en faisant du sport. Il souhaite que le siège du RCD devienne un dispensaire avec des urgences remplis de médecins jeunes et compétent, surtout quand sa sœur va accoucher. Il voudrait pouvoir se rendre au centre culturel de la ville et profiter de ses installations quand et autant qu’il le souhaite. Des installations qui en plus d’être élémentaires n’étaient là que pour les grandes occasions ou les « happy few » qui y avaient droit.
Akram veut du travail, des loisirs, de la dynamique et des visiteurs. Il veut par-dessus tout de la dignité, de la liberté et différents moyens pour l’exprimer et la vivre. La liste des revendications des milliers d’Akram qui participent à cette grande caravane des remerciements n’en finit pas. Ils rêvent tous d’une Tunisie plus juste et plus équitable. Ils aspirent et veulent construire une Tunisie qui ne les oublie pas.
Et justement, Yesmine B, 15 ans aspire à cette même Tunisie. Elle a fait la route depuis Nabeul où elle vit et être à Sidi Bouzid avec la caravane est trés important. Pas aussi important que pour sa grand-mère qui n’en finit plus de pleurer, car pour l’adolescente participer à l’évènement fait partie d’un processus. Elle l’explique à sa manière en précisant que ses amis et elle « ne chantent plus l’hymne national de la même manière depuis la révolution Nous avons envie d’adhérer à une association pour aider les nécessiteux. Aujourd’hui, on sait qu’on peut faire et surtout ce que l’on doit pour construire notre pays. Nous disons notre opinion et apprenons à nous connaitre et parler « Ce jour là, Akram et Yesmine se sont retrouvés. Ils ont chantées ensemble « Houmet el hima » Ils s’échangent mails, téléphone et serons surement bientôt amis sur FB.
Entre temps, La foule se réunit au théâtre de plein air de Sidi Bouzid. Ceux et celles qui sont aussi venus dire merci, pardon ou je pense à toi rencontrent ceux qui leur disent bonjour, bienvenue, vous êtes ici chez vous ! Certains sont venus tendre la main, s’excuser pour les évènements de la Kasbah ou des silences qui ont tués pendant des années. Dans la foule, il y’a avait des médecins qui vont ramener du matériel pour l’hôpital de la ville, des mères de familles qui se sont engagés à recevoir des enfants, des activistes qui se sont promis de tirer la sonnette d’alarme dès qu’ils remarqueraient un quelconques dérape, des citoyens qui veulent remettre des dossiers compromettants, des hôtes qui chérissaient un à un leurs invitées.
Une autre Tunisie s’est retrouvée au théâtre de plein air qui ne débordait que de chaleur humaine, de générosité et d’abondance. Lorsque le chanteur Mounir Troudi monte sur scène, la foule ne fait plus qu’un. L’ambiance est folle. Pour beaucoup, larmes aux yeux, ce dimanche post- révolution restera un des plus beaux de leur vie. En pleurs, l’ivresse de cette cohésion, même momentanée retrouvée, augure de jours meilleurs, des jours à construire avec patience et précaution.
Amel Djait
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