Ce projet va visiblement voir le jour après un accord d’investissement entre la Tunisie et le groupe émirati « Al Maâbar » », moyennant une première enveloppe de 700 millions de dinars, selon le document des grands projets publié par le ministère du développement régional et de planification au mois de février 2012.
L’objectif de ce projet est de mettre en place une ville touristique complète sur le lac de l’Ariana étalé sur 5000 ha, (après son aménagement). Reste à savoir ce que veut exactement dire une ville touristique ? Une autre zone touristique au sens des zones qui ont mené en partie à l’échec du modèle touristique tunisien ? Pourquoi confirmer le projet à l’Ariana, alors que la révolution est venu chambouler l’ordre établi et appeler à plus d’équilibre entre les régions ? Les régions du pays qui pourraient abriter pareil projets sont nombreuses et il est difficile de comprendre comment un gouvernement qui s’est fixé comme mission de rétablir la fracture sociale et relancer l’équilibre des régions valide un projet d’une période où hormis Tunis , le reste du pays n’existait pas ?
Selon la fiche du projet « Beld El ward », il s’agit de la construction d’un complexe immobilier de luxe, de résidences hôtelières, d’un terrain de golf, d’un centre d’affaires, d’espaces de loisirs et de commerces ainsi qu’un centre sanitaire et sportif. Ce projet “générera entre 8 mille à 10 mille postes d‘emploi et renforcera le développement économique dans la région, à travers l’impulsion du tourisme médical et écologique”.Qu’à cela ne tienne!
Cependant, on se demande à l’heure où le chômage se dirige vers au delà de la barre des 800 000 chômeurs, si la capitale avec près de 3 millions d’habitants va absorber ce projet qui va s’accompagner d’ un flux supplémentaire d’exode. Les études prendront forcément en compte qu’il faut intégrer ce projet dans la ville actuelle. Viabiliser les lieux, des espaces verts etc, c’est bienmais cela ne passera pas sans refaire des infrastructures qui vont incomber à l’Etat tunisien comme les réseaux des transports en communs, les routes principales, les services publics… Est-ce que les finances publiques en cette période peuvent se permettre un tel accompagnement sur Tunis capitale ? Quid du reste du pays et des financements? Où est l’urgence?
Le risque majeure de ce genre de projets est le risque spéculatif. Les capitaux astronomiques qui sont à placer dans ces projets n’ignorent pas que l’immobilier reste le placement le plus rentable à long terme, mais ca dépend pour qui !
Le risque de voir peu de bénéfices derrière pour l’économie sont réels. Dès le premier coup de marteau, il y’aura certes de la création d’emplois temporaires et peu qualifiées dans le bâtiment mais très vite il faudra avoir recours à l’importation de matériaux de construction, …
« Bled El Ward » est présenté comme un projet qui se démarque des projets spéculatifs. espérons qu’il ne sera pas un de ceux qui ne contribuent qu’à faire augmenter le prix du m2 et laisser à l’arrivée des zones fantômes comme il en existe dans le monde!
A l’origine, le projet allait être construit en plusieurs étapes, allait grignoter plusieurs dizaines de kilomètres dans la mer et se faire sur une quinzaine d’années. Pour le moment, hormis l’annonce de la reconduction du projet, aucune autre information ne filtre!
Comme du temps de Ben Ali, on ne voit de ses mégaprojets que des annonces, des images, « des maquettes et des chiffres à la pelle nous n’en savons fichtre rien ! » comme le disait à l’époque le caricaturiste Z !
Il est temps de remettre sur la table ces projets dans leur configuration actuelle et de se poser les vraies questions ? Quelles modèles voulons pour la Tunisie ? Les investisseurs sont les bienvenus et ils n’en seront que plus intéressés et respectueux le jour où l’on aura un vrai modèle à proposer. Un modèle respectueux de l’histoire, des traditions, du peuple tunisien ….
Un modèle qui doit aussi et surtout être respectueux des revendications de la révolution mais des vraies revendications que sont celles de l’emploi, de la dignité, de la demande d’équilibre entre les régions…
Amel Djait
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