L’étape a-t-elle été difficile ?
Tout s’est bien passé. Malheureusement, nous avons perdu une roue et nous avons perdu beaucoup de temps avec un cric qui s’est bloqué. C’était une très belle étape, rendue plus délicate avec la tempête d’hier qui a cassé les dunes. Je suis arrivée la dernière, mais je suis arrivée au bout, c’est le plus important.

D’où vous vient cette passion ?
De mes quinze ans. J’étais une folle de moto. J’ai d’ailleurs été la première femme du moto-club de La Marsa, la Fédération tunisienne de Moto n’existant pas encore. Je le faisais en cachette, une femme motarde, c’était tabou. Je me souviens de l’étonnement des hommes quand je conduisais dans les rues de Tunis avec ma queue de cheval qui dépassait de mon casque. Mais je suis quelqu’un d’entêtée et j’ai continué. J’ai même participé à quelques compétitions. Le Trophée des Gazelles m’a invitée en 1994, où je suis arrivée 3e. J’ai découvert le 4×4 en 1996 en tant que copilote. Ce fut un coup de foudre, et mon amour est toujours aussi fort.

Le monde de la compétition automobile n’est-il pas plus difficile pour une femme ?
Je suis habituée au monde des machos, et c’en est un. Mais les sportifs respectent les sportifs, même si c’est une sportive. Il n’y a pas de problème de ce côté-là. Évidemment, je n’affirme pas ma féminité pendant un rallye, mais je ne le vis pas comme une brimade, le rouge à lèvres et le vernis à ongles ne sont pas adaptés à ce sport ! Il existe une vraie solidarité entre les pilotes tunisiens, on s’échange les bons copilotes.

Vous avez été la première femme pilote tunisienne, avez-vous fait école ?

J’ai été la première femme pilote tunisienne, maghrébine et africaine. C’est mon 16e Rallye de Tunisie. J’ai aussi fait deux Paris-Dakar, dont un sans assistance, je peux dire qu’a ce titre, j’ai marqué l’histoire. Deux autres tunisiennes se lancées il y a environ six ans, mais elles ont arrêtées.
Dommage, je souhaiterais vraiment qu’il y ait une relève. C’est important pour les femmes tunisiennes et pour la Tunisie.

Vous sentez-vous  porte-parole ?
J’ai fait un vrai travail de matraquage pour que l’on parle de la femme tunisienne à travers ce sport. J’ai profité de mes capacités de communication pour parler de mon pays. Il y a peu de temps, par exemple, que l’on parle du Rallye de Tunisie en Tunisie. Il était célèbre à l’étranger, mais pas ici, faute de communication. Mon travail est d’allier sport et tourisme, d’utiliser le sport comme vecteur du tourisme. Cette année encore plus. Faire parler de la Tunisie et lutter contre l’intégrisme qui voudrait renvoyer les femmes dans leurs cuisines: voilà pourquoi je cours.

Comment imaginez-vous le futur ?

Il faut continuer à se battre pour une évolution des mentalités et des mœurs. Il n’y a pas de sport masculin ou féminin. Mon idole est Juta Kleinsmith, première femme a avoir gagné le Paris-Dakar. Toutes proportions gardées, c’était aussi fort qu’un Noir à La Maison Blanche ! Les femmes tunisiennes doivent oser l’aventure et se faire confiance. Voilà, le terrain est déblayé, les jeunes femmes doivent en profiter, c’est une torche que j’ai envie de passer.

Êtes-vous aidée dans votre logistique ?
J’ai reçu une connaissance morale de la Tunisie. Il existe toujours le handicap du financement, mais
j’ai réussi à décrocher de bons sponsors, dont l’ONTT.  Nous menons actuellement un travail pour créer une Fédération tunisienne Auto car pour l’instant, chacun est livré à lui-même. Il faut vulgariser ce sport et en même temps lui donner ses titres de noblesse. Je ne participe pas pour gagner, il est trop difficile de suivre au niveau des équipements. Ce qui fait que face à Jean-Louis Schlesser, par exemple, j’oscille entre l’immense fierté d’être dans le même rallye et un peu de honte, aussi. Mais je n’ai pas encore parlé de l’essentiel: mon amour profond pour le désert, à tel point qu’il m’est arrivé de tomber en admiration devant deux gazelles qui se sauvaient, effrayées, près d’El Gorma. J’en ai oublié que j’étais en compétition, et je les ai suivies !
Propos recueillis par Mireille Pena

Résultats 2e Spéciale : Boucle Sud de Ksar Ghilane

Moto
1er : le Polonais Jakub Przygonski
2e : le Chilien Chaleco Lopez
3e : le Portugais Helder Rodriguez
Auto
1er : le Français Jean-Louis Schlesser
2e : le Russe Leonid Novitskiy
3e : le Tchèque Miroslav Zapletal

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