Une nouvelle offre touristique pour faire vivre des films de renommée internationale, de Tunis à Tataouine, avec plus de 15 étapes est en train de voir le jour dans le cadre du programme “Tounes Wejhetouna” selon un communiqué de la GIZ. Par Amel DJAIT
Ce projet s’inscrit dans le cadre de la diversification de l’offre touristique par le développement de nouveaux produits touristiques et la création de routes thématiques présentant un fort potentiel touristique est sensé favoriser les synergies entre les différents acteurs des filières agroalimentaires, artisanales, du patrimoine culturel et de la promotion touristique en faveur de la création de nouvelles destinations touristiques régionales.
Qu’à cela ne tienne! Reste que cette option de route “thématique” est -elle la plus indiquée en période de crise post covid ? Est-elle la plus “durable” en termes d’impact et de capacité de monopolisation des acteurs ? Est-elle un axe qui va permettre de vulgariser et introduire les notions de durabilité au niveau de l’ensemble des secteurs et des régions ? Cette route cinématographique est-elle une des plus “légitimes” ou revendiquées par les acteurs, l’administration de tutelle et même l’héritage du pays comme pourrait l’être la route de l’olivier ou de l’eau?
Si l’OMT définit le tourisme durable comme “un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil”, il ne fait aucun doute que des millions de personnes aiment être inspirées par des films pour planifier leurs propres voyages. Mais cela ne passerait-il pas par la production de nouveaux films, séries et autres feuilletons en Tunisie? Ne serait-il pas plus urgent et prioritaire d’œuvrer à repositionner la Tunisie comme une terre de tournage et un plateau de cinéma comme à un moment avec les studios Ben Ammar, Cine téléfilms,…
Route cinématographique contemplative ou immersive?
L’autre crainte par rapport à cette route est qu’elle soit passéiste et nostalgique poussant à un tourisme contemplatif plutôt qu’immersif et de rente au lieu d’être productif. S’il ne fait aucun doute que la Tunisie a besoin de renouer avec ses clients “anciens” et aujourd’hui “senior”, il est important de mettre dans le viseur une nouvelle clientèle jeune, branché et consommatrice de séries Netflix, HBO et autres. Même si la série “Emily in Paris” n’est peut être pas le standard souhaité pour le pays, celle-ci la a fait le “buzz”, le mauvais et le bon! Voilà ce qui marche aujourd’hui !
Dans le communiqué de presse de “Tounes Wejehtouna” on lit aussi : ” Il est vrai que les paysages mondialement connus comprennent certains des plus beaux paysages et endroits de Tunisie. Que ce soit “Star Wars”, “The English Patient” ou “Indiana Jones” : avec eux, un fragment de la Tunisie est entré dans les salons des spectateurs. Une nouvelle route cinématographique, qui traversera tout le pays, conduira désormais ces spectateurs en tant que touristes afin qu’ils puissent parcourir le pays sur les traces de leurs héros de cinéma”.
Spectateurs passifs d’hier versus voyageurs actifs de demain !
Là aussi, reste à savoir qui sont les héros du cinéma aujourd’hui? Le touriste-voyageur a t-il encore envie de n’être que spectateur ou ambitionne t-il d’être davantage acter de son propre voyage? Que reste t-il des décors et autres lieux de tournages les plus représentatifs de cet âge d’or durant lequel la Tunisie a été une terre de tournage exceptionnelle de “la Vérité si je mens 2” , “le patient Anglais”, “Le Tigre et la Neige” ,”Le nombril du monde”, “Madame Butterfly”, “le Soleil Assassiné”, “The Officers” , “Les amants du Nil”, “Last days of Pompeï”, “The gospel of Judas”, “Pirates” de Roman Polanski
Les questions aujourd’hui tombent en cascade : Comment aujourd’hui faire voyager dans ces lieux? Si la route telle que dessinée par ce programme est en mesure de débloquer des autorisations de vols en petits avions ou en hélicoptères pour ressentir l’émotion du vol au dessus du Sahara Tunisien comme dans le “Patient Anglais” et de soutenir des entreprises opérant dans cette filière, alors vraiment bravo! Si cette route prévoit de réhabiliter une partie de la médina de Kairouan, scène d'”Indiana Jones”, et de la reconstituer à l’identique, cela serait parfait! Si cette route va réussir à pallier au délabrement de la majorité des points de tournage de “Star Wars”, d’obtenir les autorisations de Disney pour de la transmission, de la vente de goodies,…Alors deux fois oui!
Au jour d’aujourd’hui, le projet porté par le Ministère du Tourisme, l’Office National du Tourisme Tunisien (ONTT) et le Ministère des Affaires Culturelles (MAC), a défini les étapes d’un parcours qui va comprendre les sites suivants: Théâtre romain de Carthage, Empire Studio Latrach, Ribat de Monastir, Medina de Kairouan , OngJmal/ Canyon de Sidi Bouhlel, Chott El Jerid/ MoesEspa, Hotel Sidi Driss / Village Zraoua, KssarMedenine, KssarHadada/ Kssar Ouled Soltane et Mosquée Mghar/ Cantina / Le Phare / Marabout Sidi Jmour/ Sidi Yati. Reste à se demander quel est le lien ou le dénominateur commun il y aura entre un passionnée de “Star war” et celui d’Indiana Jones? Comment lier entre tous ces films, genres, publics, passions? Comment combler le vide en termes d’offre autour de ces sites?
Si les objectifs de la route cinématographique tels qu’expliqués sont de “capitaliser sur les atouts de la Tunisie en termes de décors de tournages en vue de créer un nouveau produit pour les touristes en groupe, individuels, tour-opérateurs et autres et faire la promotion de la Tunisie à travers une route cinématographique qui retrace les lieux de tournages de films / Saga de renommée mondiale tout en accompagnant le Ministère du tourisme à développer la première version de cette route“, il est judicieux de se poser les questions suivantes: l’output serait -il un circuit? Est-ce le rôle du ministère du tourisme de développer cette route? Est-il opportun de promouvoir la Tunisie à travers des films qui ont au moins 20 ans d’âge? ( Indiana Jones 1981), Patient Anglais, sortie en 1996) même si l’on dit que les films ne vieillissent pas !
Dans le cadre des actions de suivi, dans la collaboration, la GIZ aura pour mission de:
1. Accompagner les responsables des sites sélectionnés dans l’aboutissement de leur inclusion au sein de la route cinématographique afin de garantir la pérennité de ce nouveau produit. Plusieurs thématiques seront passées en revue telles que le modèle de gestion, la mise à niveau des sites, la gouvernance de la route et autres…
2. Développer en collaboration avec le Ministère du Tourisme et l’Office National du Tourisme Tunisien ainsi que le Ministère des Affaires Culturelles une stratégie de communication de la route cinématographique.
3. Se concerter avec les Tours opérateurs et agences de voyages ainsi que le Ministère du Tourisme sur les moyens et les méthodes de commercialisation d’un tel produit.
4. Soutenir les privés à investir autours des sites sélectionnés afin de créer une dynamique économique dans les régions, créer des opportunités de travail, et assurer une offre touristique aux voyageurs visitant la route cinématographique.
5. Encourager les jeunes et les PME à développer des produits /idées digitaux pour créer la dynamique entres les différents points de la route et faire sa promotion.
Qu’à cela ne tienne ! Quel est le coût de cette route? Quels acteurs y évoluent? Pourquoi cette route? En quoi le Ministère du tourisme a t-il porté une pierre à cet édifice? Même si tous les paramètres sont réunis aujourd’hui, ce projet reste t-il prioritaire en ces temps de crise? Ne serait-il pas plus ‘durable” d’investir et s’investir dans une route UNESCO avec tous les sites culturels, naturels et immatériels inscrits du pays? Ne serait-il pas plus adéquat de parier sur l’avenir en investissant dans une très grosse production cinématographique qui va apporter à la Tunisie la notoriété et l’exposition dont elle a besoin?