Les travaux du “Tunisian African Empowerment” ont permis de mettre les projecteurs sur la Tunisie en tant que destination pour l’enseignement supérieur pour les étudiants étrangers. Des opportunités à la pelle, des carences à la tonne et un cercle vicieux qui peine à être cassé. Par Amel DJAIT
Le propos n’est en aucun cas ici d’évoquer la qualité de l’enseignement et de la formation en Tunisie. Les opportunités de ce marché ont été discutés durant les travaux du 1er Tunisian African Empowerment, tenu les 22 et 23 août 2017, au Palais des Congrès, à Tunis. Organisé par le Tunisian-Africa Business Council (TABC), en partenariat avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et celui de la Formation et de l’Emploi, ainsi que l’Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie (AESAT), le forum a été surtout l’occasion de débattre des handicaps de la destination à recevoir les étudiants africains.
Lenteur des formalités administratives pour l’obtention du visa et de la carte de séjour, ségrégation raciale, informations indisponibles, hausse des couts, difficultés d’obtenir des stages, difficultés de transport, logement, d’intégration….A écouter les nombreux témoignages des étudiants durant le forum, on ne se demande plus pourquoi le nombre des étudiants Africains a chuté de 12.000 à peine 5 000 en quelques années.
Mieux encore, si la Tunisie compte sur ses étudiants subsahariens pour en faire des ambassadeurs, c’est raté ! D’abord, il n’ y’a aucune base de données sur eux. Ensuite ceux qui occupent des postes d’influence aujourd’hui sont juste à peine sollicités. Il faut dire que durant leur séjour en Tunisie, on leur rend la vie si difficile, que beaucoup décident de ne plus y remettre les pieds. A ce jour de nombreux étudiants africains, et quand ils le peuvent, changent de cursus ou de destination d’études. Le temps que la destination prenne conscience de ses dysfonctionnements, de nouvelles destinations ont su mettre en œuvre une stratégie plus offensive et s’arrachent les étudiants à coups de visa pour deux ans et d’offres plus alléchantes.
Durant le forum, les témoignages se sont succèdés et se ressemblaient Qu’ils émanent de ministres ou de jeunes étudiants encore en formation en Tunisie, tous évoquaient des difficultés. Sur les panels, les intervenants des différents départements gouvernementaux étaient aussi dans le constat. Ils peinaient à annoncer des mesures concrètes. Pire encore, on remarque déplore l’absence des bailleurs de fonds. Oubli des organisateurs ou désaveu de ces derniers qui ne voient encore aucun engagement notable? La question mérite d’être posée.
Pourtant, dans les couloirs et au siège du gouvernement, on affirme que la volonté politique est là et que le déploiement de la Tunisie en Afrique n’est plus une vue de l’esprit ! Sauf qu’à ce jour, c’est au contraire le manque de volonté qui fracasse les étudiants inscrits dans différents cursus privés ( 4000 étudiants) et public ( 1000 étudiants).
Cette soit disant volonté exaspère, entre autres, le Président des étudiants Togolais en Tunisie qui en plein plénière durant le forum s’indigne : » Elle est où cette volonté politique ? Que faites vous et proposez vous ? Qu’avez-vous à annoncer ? Quelle mesure concrète avez-vous prise ? Même son de cloche du côté de l’ l’Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie et dont le Président déclare « On s’attendait à ce que la dette des étudiants africains soit annulé par le Chef du gouvernement ! Même pas ! »
Du côté du TABC, le Président Bassem Loukil a beau dire et redire que l’avenir de la Tunisie est lié à l’Afrique, on l’écoute, acquiesce, soutient, assiste aux cocktails voyages et mange des petits fours….Mais après ? Comment lever tous les dysfonctionnements de notre administration ? Comment profiter de la manne Africaine estimée dont l’UNESCO estime une progression de 6% des dépenses en termes dépenses pour l’éducation. Les étudiants Africains inscrits à l’Enseignement supérieur est passé de 6 millions à 15 au cours des 15 dernières années.
Durant ce forum, le ministère des Affaires étrangères a annonce planché sur les octrois de visas, celui de enseignement supérieur inscrire ce volet dans ses Assises prévues au cours du mois de Novembre 2017. Tunis Air, elle par contre un déploiement important sur l’Afrique en plsu des 6 destinations qu’elle programme à ce jour.
Pour le moment, le plus important à retenir est ce qui suit:
- L’Afrique présente un des taux les plus élevé de mobilité des étudiants.
- 1 africain sur 16 quitte son pays d’origine pour aller poursuivre des études à l’étranger.
- Faute d’offre locale, le taux d’accès à l’université post bac plafonne à 18% en Afrique subsaharienne, alors que la moyenne mondiale est de 76%.
- Les dix pays qui consacrent la part la plus élevée du PIB à l’éducation dans le monde sont africains. Mais se pose la question de l’employabilité et de la capacité d’absorption des marchés de l’emploi en Afrique.
- Près de 20% des MOOC sont consommés par des Africains mais l’intégration technologique reste faible en Afrique.
- L’Afrique subsaharienne ne dispose pas d’assez d’ingénieurs et de scientifiques. Seulement 2,4% des chercheurs mondiaux viennent d’Afrique, alors qu’elle représente 16% de la population mondiale.
- L’innovation devra donc partie intégrante de la stratégie à développer pour s’intégrer dans l’économie du savoir tout en renouant l’Afrique avec sa vocation agricole et minière, dans une logique de développement durable et équitable.
Voici en résumé, les principales recommandions et champs d’actions retenus:
- Faire de la Tunisie un Hub du savoir, en mettant en place une plateforme institutionnelle de gouvernance de la filière Education-Formation-Enseignement Supérieur & Recherche.
- Développer la coopération bilatérale et multilatéral à travers des programmes précis comme l’échange d’étudiants et des enseignants / formateurs (dans les deux sens)
- Mettre la Technologie au cœur du dispositif d’Education et développer une stratégie de Transfert de Technologies Africain qui œuvre à atteindre l’autosuffisance technologique.
- L’adéquation entre l’offre et la demande en matière de compétences et l’employabilité des jeunes exige un partage d’information à large échelle, et nécessite l’implication des secteurs public et privé dans l’orientation des filières académiques et scientifiques.*
- Mieux servir les subsahariens en Tunisie, c’est mieux servir les étudiants Tunisiens.
- Les conditions d’accueil des étudiants étrangers en Tunisie devront faire l’objet d’une attention particulière.
La messe est dite !Si l’on dit souvent que la démarche et la prise de conscience sont importantes, il est vital de passer à l’action. La stratégie est semble t-il de plus en plus claire. Les opérateurs sont prêts et la gouvernance actuelle semble convertie. Seul un paramètre reste difficile à être préempté par les politiques et l’administration Tunisienne ; le temps !
Le temps joue contre nous.
La Tunisie a été pionnière dans le secteur bancaire en Afrique. Qu’en a-t-elle fait ? La Tunisie a été pionnière en termes d’enseignement supérieur destiné à l’export. Que pourra t-elle et voudra t-elle en faire ?