Pourtant ces tenues spécifiques sont interdites dans certains lieux et suscitent des interrogations quand elles ne provoquent pas l’exclusion. Toutes celles qui se baignent autrement sont-elles mécréantes pour autant ? Comment réagissent les structures hôtelières devant ce vêtement dans les piscines ? Comment les femmes « burquanéisées » ou pas se perçoivent-elles mutuellement ? Ce vêtement ne porte t-il pas un message qui pourrait indisposer la clientèle internationale des hôtels ? En fait, comment réagissent les touristes et comment se gèrent les conflits, s’il y’en a ?

Le burkini, est un mot -valise entre « burqua » et « bikini », une sorte de maillot « intégral », en deux pièces qui couvre tout le corps de la tête aux chevilles laissant visibles les pieds, les mains et le visage. Conçu en Australie par une styliste d’origine libanaise, cette version du « maillot » a été approuvé par certaines instances religieuses mais interdites par d’autres, le jugeant « trop prêt du corps, voire honteux ».

Elisabeth P., 58 ans et touriste française qui a ses habitudes en Tunisie, est complètement  d’accord avec cette dernière opinion : « C’est pire que tout ce soit disant maillot couvrant ! On voit tout et surtout on ne voit que celles qui le portent. C’est franchement idéal pour ne pas passer inaperçu. Il me semble qu’il y en a de plus en plus en Tunisie ou je me trompe ? ».C’est, bien entendu, une des questions qui taraude l’esprit de nombreux professionnels du tourisme et de l’hôtellerie tunisienne.

Si certains hôtels affichent directement l’interdiction de se baigner vêtue, comprenez « burquini », « jebbah » ou voile, dans leurs piscines d’autres sont plus tolérants. C’est nous dit-on une question de politique commerciale. « Nous avons perdus des clients car nous autorisons les bains en « niqab ». C’est le choix de notre hôtel. Les clients qui se plaignent finissent par quitter la piscine du Spa ou carrément l’hôtel. Ceux qui sont vraiment scandalisés demandent à partir et sont remboursés» aime répondre la réceptionniste d’un hôtel 5 étoiles d’Hammamet. »

Cette attitude est loin d’être systématique. Leila B. est rouge de colère. Elle a effectué sa réservation avec ses deux enfants et sa sœur venue de France. « Au moment du check-in, on m’a délivré une petite notice dans laquelle il est mentionné que les bains vêtues sont interdits dans les piscines. Je déteste cette forme de ségrégation. Au nom de quoi on se permet de m’interdire ? Comment me met-on devant un fait accompli alors que j’ai déjà tout payé ?» La scène se déroule dans un 4 étoiles. Elle a souvent eu lieu cet été, mais aussi l’année dernière et celle d’avant.

Pour de nombreuses directions hôtelières, il n’est pas question de se laisse intimider. Les clients étrangers ou pas, musulmans ou pas, sont gênés par de tels accoutrements. « C’est notre règlement intérieure. Il faut le respecter et il n’est pas à discuter. » L’hôtel bien entendu cédera sur les remboursements et sera même agréable en facilitant une réservation dans une autre structure.

Il arrive cependant que des conflits de ce genre dégradent rapidement l’ambiance. « C’est pourquoi il faut rester ferme sur sa position. Il peut y avoir une forme de solidarité et d’hostilités qui s’installe et qui peut vite dégénérer. Pour l’anecdote, j’ai eu un client qui était tellement agacé qu’il a menacé de faire du nudisme sous prétexte que chacun est libre de faire ce qu’il veut. C’était il y a un an ou deux. Depuis, j’ai tranché et veille personnellement à la gestion de ces cas », résume un jeune propriétaire d’hôtel.

Pour le moment donc, chaque structure gère la situation comme elle l’entend. Les commissariats régionaux de tourisme (CRT) du pays ont bel et bien été appelés à intervenir sur certains incidents mais ils n’ont aucune autorité. Dans des cas plus extrêmes, il y a même eu recours aux forces de l’ordre. Celles-ci sont restées évasives. Il n’est pas non plus de leurs ressorts d’intervenir sauf en cas de violences. Pour résumer chaque hôtel a son propre règlement auquel il faut se plier.

Ce qui n’empêche pas que la « tendance » soit aux clients qui se sentent « insupportés » par cela. Certains Tours opérateurs essayent même de définir la position de leurs hôtels partenaires sur le sujet.

Pour le moment, la Tunisie est loin de ce débat. Si certains pensent que la question est négligeable, elle risquerait de devenir au lendemain du 23 Octobre un vrai sujet de débats et de désaccords. Elle viendrait se rajouter aux nombreuses raisons de désaffection de la destination Tunisie.

Dans certains pays nager avec ces vêtements est strictement interdit par la loi pour des raisons d’hygiène et de santé. D’autres destinations touristiques œuvrent à la création d’hôtels « hallal » avec des piscines séparant les sexes, ne servant pas d’alcool et se voulant promoteurs de tourisme islamique.

« Que dieu nous en préserve » crie avec effroi Nadia B J. « Ces burquinis et autres sacs ne font pas partie de nos habitudes vestimentaires en Tunisie. Nous ne sommes pas au Tunistan et ces comportements sont des excès qui nous agressent. C’est un « Iqab » et pas un « niqab ». Même ma grand-mère ne se baignait pas dans ces accoutrements. »

Amel Djait

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