Même après la chute de l’ancien régime, il reste vigilant au sujet de la censure, du droit des femmes, de la liberté, tel une sentinelle. Résistance et tolérance  sont les ressorts qui l’animent.

Sa prestation renverse tout sur son passage, comme un torrent en crue dévalant la montagne. La musique elle-même est à cette image, puissante, dévastatrice. Et, bénédiction, elle est typiquement arabe, avec  la voix omniprésente du violon qui dialogue constamment avec le chant. Elle est en outre multiculturelle, Bendir Man ne lance- t-il pas  « je vais interpréter une chanson juive… la culture juive fait partie de la Tunisie ».             Tel un tribun, il harangue son public qui le suit « comme un seul homme », expression à laquelle il conviendrait d’ajouter les femmes. Ses diatribes, pour ne pas employer le mot «vannes », provoquent une hilarité et une adhésion collectives  qui frisent  l’hystérie.

Si l’on ajoute sa casquette vissée sur le crâne, il me fit penser à une espèce de Bruce Springsteen !

Quel choc. Aïe-ya-aïe, aïe-ya-aïe

MICHAEL BURKS, Iron Man

Il avait investi  samedi soir le superbe Jazz Club Papa Joe. Club qui trône au bout d’une esplanade majestueuse  dans le cadre très chic de l’Espace Virgile de l’Hôtel Golden Tulip. Nous ne sommes pas loin de La Marsa. Et comme dans tout club huppé, contrairement aux clubs où le public trépigne sur ses deux pieds, les spectateurs avaient  droit ici à leur table personnelle. Ce qui ne les empêcha pas pour la plupart de se lever et de danser sur le blues de « l’homme de fer ». Il y eut une telle osmose entre l’artiste et son public qu’il a presque fallu faire venir un bazooka pour qu’il arrête de casser sa voix et de faire pleurer sa guitare! Mais trêve de références musicales, passons au répertoire. Et à son administration à nous, pauvre petit public anémié, par le colosse américain qui l’exécuta en version sur-vitaminée.

Répertoire qui me laissa pantois. Première chanson : « Miss you » des Rolling Stones ! Deuxième chanson : «Light at the edge of the world», une des plus belles ballades qui ait jamais été écrites. Allez chez Mme Internet, rue Daily Motion à l’angle de l’avenue You Tube, et écoutez  les versions du saxophoniste hyper-lyrique Pharoah Sanders ou du guitariste flamboyant Carlos Santana. You’ll see what I mean ! Et ce bougre de Michael doit adorer Carlos Santana car il enchaîna par « Oye como va », version muette (c’est-à-dire que l’on ne chanta pas ici les paroles, on appelle ça un instrumental, et ce fut le cas des trois premiers titres).

Suivirent des blues et encore des blues, des blues rapides et des blues lents, des heavy blues et des low down blues. Dont certains avaient pour créateur des légendes comme Jimi Hendrix, « Hey Joe » par exemple. Et pour prouver l’amour de Michael pour TOUTES les musiques, il cita une composition de Charlie Parker dans le flot d’un blues rapide. Petite précision, si le blues est un GENRE musical il est aussi une STRUCTURE musicale qui répond à des critères bien précis. Et ce titre de Parker en apparence tarabiscoté était bien un blues.

Mais Michael Burks ne fait pas que chanter, il est aussi un guitariste hors pair dans la lignée du boss en la matière, Monsieur B B King.

Si l’impact sur le public est aussi dévastateur, c’est parce que la section rythmique de Michael Burks est une rythmique « rock ». Quand on sait que le rock vient du blues, la boucle est bouclée. Oui, ça vient de là… ça vient du blues !

Michael Burks nous électrifia pendant près de deux heures. Merci à lui.

« Burks works » !

JAM SESSION À L’AFRICAN BAR

Comme chaque soir, de jeunes musiciens tunisiens  confrontent leur talent naissant. Encore une belle occasion de prolonger le plaisir de la musique et de la nuit. Dès qu’ils m’auront communiqué leur « pedigree » respectif, je vous en dirai plus. Et devinez qui vint « faire le bœuf » avec eux. je vous le donne en mille : personne d’autre que l’infatigable Michael Burks !

Michel Delorme – Photos © Samy Soussi

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