La Turquie se hisse au 6ème rang des destinations mondiales et affiche 31 millions de touristes cette année contre 10 millions en 2002. La Turquie affiche depuis une dizaine d’années une croissance à faire pâlir de jalousie. Celle-ci enregistre + 8,9% en 2010, + 6,5 % en 2011 et probablement encore +2 % en 2012. Istanbul est d’une propreté étonnante et le million de Turcs qui voyageaient en 2002 est devenu 10 millions en 2012. L’objectif du tourisme turc pour 202 est d’atteindre les 50 millions de touristes.

Lorsqu’on lui demande pourquoi la Turquie a réussi là où la Tunisie a échoué, il réplique sans détour : «L’investissement. Nous avons investi et perdu de l’argent pendant 15 ans. Aujourd’hui nous commençons à recueillir le fruit d’une vraie révolution!».

Dans son allocuation au cours de la conférence de presse présentant le congrès de la Fédération Tunisienne des Agences de Voyages (FTAV) qui s’est tenu en fin de semaine dernière à Istanbul, le Président de la TURSAB a évoqué la clef de voûte de cette réussite: «Promotion, promotion et promotion». Il rajoutera plus tard : «Solidarité !»

Un mot qui tombe comme un couperet dans l’assistance, car si le tourisme tunisien est aujourd’hui dans le marasme, c’est aussi et surtout à cause du manque de solidarité des professionnels entre eux et des relations souvent conflictuelles avec l’administration. Le secteur paye aujourd’hui les frais de notre incapacité à travailler ensemble. Au lendemain de la révolution la solidarité n’est toujours pas retrouvée. Sans concertation, dialogue et solidarité, le tourisme tunisien n’arrivera ni à évoluer ni à se sauver.

Si l’exemple turque inspire de l’admiration, il est impossible de ne pas se demander comment le tourisme prospère-t-il dans un pays marqué par une gouvernance conservatrice menée par le parti au pouvoir l’AKP?

La réponse est dans le succès. Le tourisme turc est en pleine forme et amène de la croissance : «Le succès est là et le secteur est tellement fort et structuré que personne ne peut courir le risque d’y toucher. Personne ne peut toucher au tourisme tellement il est un des piliers de notre économie!».

Est-il trop tard pour le tourisme Tunisien? Nullement. Pour Basaran Ulusoy, la réponse est tranchante et claire : «La seule survie de la Tunisie est son ouverture et sa modernité. C’est de cela qu’il faut prendre soin. Le reste viendra dès que l’on s’en donne les moyens.». Et pour preuve, la Turquie ouvre un bureau de promotion à Tunis au début de l’année 2013 dans un contexte de transition démocratique encore chahutée.

L’argent ca se trouve!

Pour en revenir à l’exemple turque, c’est Cetin Gurcun, membre de la TURSAB, opérateur touristique sur la Tunisie et autre homme clef dans les relations tuniso-turcs qui explique : «Les structures vieillissent, le parc des transports touristique ne se renouvelle pas…».Pour lui, il ne fait aucun doute qu’à un moment donné il fallait que le tourisme tunisien tente de reprendre son destin en main pour se sortir de l’emprise des tours opérateurs européens. «C’est là où le modèle tunisien s’est fracturé. La Turquie a évité le piège en créant ses compagnies aériennes et nous avons 9 compagnies en plus de nombreux Tours opérateurs qui ont investi le tourisme mondial. Nous avons attaqué des marchés nouveaux et allons chercher des clients partout en Europe, en Asie et en Amérique.»

En effet, c’est dans les années 80 que le gouvernement turc a pris des mesures encourageantes pour le tourisme avec notamment une loi énumérant des mesures destinées à inciter à l’investissement touristique: possibilité offerte aux investisseurs dans les zones et les centres touristiques, de baux de location des terres appartenant à l’état sur de longues durées (jusqu’à 49 ans!), octroi de prêts à bas intérêt et à long terme de la part de la Banque Turque  (jusqu’à 60% du coût total de l’investissement) ou du Fonds pour le Développement touristique  (15% du montant total de l’investissement pour des capacités d’hébergement supérieures à 300 lits ), des tarifs préférentiels octroyés aux investisseurs pour l’eau, le gaz et l’électricité, des possibilités pour les installations touristiques d’employer un personnel étranger (jusqu’à 20 % de l’effectif total), l’obtention facilitée de licences pour la vente de boissons alcoolisées, pour l’établissement de casinos, etc.Ceci explique donc cela !

Reste que le tourisme turc comme les destinations balnéaires méditerranéennes souffre de saisonnalité. Il travaille donc désormais à allonger la durée de fréquentation pour sortir du «diktat» estival qui prévaut actuellement. La Turquie est en passe de devenir une vraie destination hivernale avec un focus sur le tourisme de santé et de bien-être (médical, thermal, spa), le golf, le nautisme, le tourisme d’affaires et de congrès.

D’autre part, une nouvelle carte a été abattue avec la création d’Anadolu Jet, une filiale “low cost” de Türkish Airlines qui utilise Ankara comme Hub et dessert 20 destinations anatoliennes ainsi que Washington, Sao Paulo, Alep, Birmingham, Lahore, Oran, Alexandrie… Il s’agit bien entendu d’attirer des migrants turcs et les touristes étrangers. Dans quelques années le principal aéroport d’Istanbul sera dédié à la seule Turkish Airlines pour faire un autre hub dans la région. Que de chantiers et de perspectives qui laissent rêveuse!

Amel Djait

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