Feija

Implantée sur la rive droite de la Méjerda, Ghardimaou (Ghâr ed-Dimâ’, de son appellation officielle en arabe) est située sur un plateau à 205 m d’altitude. Elle est adossée aux premiers contreforts du massif de Khroumérie, qui se déploient en rideau de parois abruptes s’élançant à plus de 1.000 m d’altitude, et dessinant une muraille naturelle entaillée de profondes gorges. D’où l’appellation arabe « Grotte Ensanglantée » pour désigner un endroit qui dut servir de… coupe-gorges à des bandes d’insoumis.

Aujourd’hui, la paisible bourgade, située à seulement 8 km du poste-frontière, vit essentiellement de l’agriculture, et, plus spécialement de la culture du tabac qui trouve dans ces terres fertiles et abondamment arrosées, des conditions favorables à son épanouissement.

Aux alentours, la population est disséminée dans des douars éparpillés sur les hauteurs du jebel Feija, vivant des ressources forestières axées ces dernières années non plus sur l’élevage de chèvres, dévastateur pour le patrimoine végétal, ou la fabrication de charbon, tout aussi préjudiciable à ce milieu fragile, mais sur la cueillette et la distillation d’herbes aromatiques et médicinales, ou le développement d’activités artisanales du produit de la forêt : bois, fibres, feuilles, etc. On estime la population de Ghardimaou à environ 20.000 âmes, et celle vivant en milieu forestier à 12.000 personnes.

A trois kilomètres de la ville en direction de la frontière, on aborde le vaste domaine du Parc Naturel National d’El Feija, érigé en tant que tel en 1990 autour d’une réserve naturelle initiale de 417 hectares. Celle-ci fut aménagée en 1961, pour abriter une quinzaine de cerfs de Berbérie, capturés parmi les derniers représentants d’une espèce dont ne survivaient plus que quelques dizaines de têtes transhumant des deux côtés de la frontière. Aujourd’hui, ils sont plus de cinq cents, et le territoire protégé, où ils évoluent, a été, entre temps, porté à 2.637 hectares.

La forêt d’El Feija est le reliquat d’un manteau forestier beaucoup plus étendu, venu du fond des âges, avec deux essences dominantes : le chêne liège et le chêne zéen, la zénaie étant considérée comme l’une des meilleures d’Afrique. Outre ces deux espèces, la forêt offre des arbres, arbrisseaux et buissons de toutes sortes, ainsi que des plantes aromatiques et médicinales cueillies par la population du périmètre forestier à des fins commerciales. Elle abrite également une faune nombreuse et variée dont la vedette est le cerf de Berbérie – unique cervidé d’Afrique -. A ses côtés vivent 23 autres espèces de mammifères dont le sanglier, le renard, le chacal, la loutre, la mangouste, la genette, le porc-épic, etc… Toutes sortes d’autres pensionnaires ailés, rampants ou sautillants, peuplent ce vaste domaine.

L’accès à cet Eden peut se faire par un bout ou l’autre de la route qui le traverse dans sa plus grande largeur, reliant Ghardimaou à Aïn Soltane et qui ramène à Jendouba via Chemtou. Il est toutefois recommandé d’emprunter l’accès principal du parc, situé du côté de Ghardimaou. Il y a là l’accueil des visiteurs, le centre administratif qui peut leur rendre bien des services, une salle d’exposition-vente des produits de la forêt, une aire de repos, ainsi qu’un enclos où sont retenus une trentaine de cerfs, biches et faons pour des soins et pour le plaisir des visiteurs qui peuvent approcher et caresser les bêtes apprivoisées.

Dans cette même partie du parc, on peut profiter d’un autre pôle d’attraction : le Kef Nakcha. C’est un piton rocheux qui émerge de la forêt à un point culminant du site, et qui s’élance à la verticale sur une hauteur de 64 m. On accède à son sommet par des degrés taillés dans la roche. De là, la vue embrasse tout le parc, et, l’on découvre, à l’Ouest, les hauteurs du relief algérien voisin et, à l’Est, le commencement de la superbe vallée de la Méjerda.

Le point central du parc demeure toutefois l’écomusée qui a été aménagé sur une esplanade dominant le par cet surplombant la ville de Ghardimaou et la plaine de Jendouba. Spectacle unique que celui de la nature sauvage juxtaposée à celle domestiquée dans une somptueuse déclinaison de tonalités vertes. D’une conception très moderne, le musée constitue une attraction forte de par l’intelligence de l’exposé et l’agrément de la présentation qui met en œuvre toutes sortes de procédés visuels et sonores pour capter l’intérêt du visiteur, exciter sa curiosité et maintenir son attention en éveil.

Une révision en cours de la réglementation des visites des Parcs Nationaux permettra sous peu de se passer de l’autorisation préalable délivrée par la Direction générale des Forêts ou sa représentation régionale au profit d’une autorisation émise sur place, à l’entrée. Dans cette attente, les agents font preuve de beaucoup de souplesse à l’égard des défaillants.
Tahar Ayachi

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