Les habitants du village de Takrouna sont réputés pour être farouches et hostiles aux changements.  Aida Gmach qui y tient le café culturel Le « Rocher Bleu » en a fait les frais pendant quelques années s’en souvient : « Ils étaient réfractaires  à tout. Aujourd’hui, nous avons appris à vivre ensemble. Cet événement est un succès total. Les gens étaient heureux. Un excellent 24 heures. Que demander de plus, une réussite totale et un monde fou, …sauf que cela se répète !

Takrouna fait partie du trio des villages fortifies de la région. La légende rapporte que trois frères, venus du Maroc, ont fait leur trois pitons rocheux et y fondèrent chacun un village. En effet, « Zriba », « Takrouna » et « Jeradou » ont un singulier air de famille architecture et traditions communes lient ces trois villages. Dominant la plaine, ils veillent au triangle entre « Zaghouan », « Bouficha » et « Enfidha ».

Leur rôle défensif est indubitable d’autant que cette zone est une porte d’accès au territoire facile à franchir pour qui vient de la mer et cherche à aller à l’intérieur des terres. Beaucoup prêtent à ces origines communes l’entente qui a lié « Zriba », « Takrouna » et « Jeradou » dans leur tactique défensive mais aussi dans leur production traditionnelle de savon vert et d’objets en alfa.

Au sommet d’un piton rocheux, au dessus d’Enfidha, Takrouna scrute l’horizon comme un aigle. Pour atteindre le sommet du village, à 200 mètres d’altitude, on entame un parcours initiatique qui franchit les 4 paliers naturels occupés par maisons. Village berbère à l’origine, il a été le refuge de familles de mauresques fuyant l’Espagne tels que les Gmach (Gomez), originaire d’Andalousie de la région Benaladid « Ta kurunna ».

Aida Gmach, l’une des descendantes de cette lignée veille sur la mémoire de Takrouna. Cette plasticienne a créé le « Rocher bleu », une  halte au sommet du village qui allie détente et culture. Si on est subjugué par le paysage à perte de vue que domine le village, on est ému par l’éco musée qu’a créé Aida, avec le soutien du grand peintre Aly Bellagha , dans une partie de la maison familiale.

L’éco musée présente des objets de la vie quotidienne et brosse une image de ces hommes et femmes qui n’ont eu de cesse de faire fructifier un bien essentiel, la terre. La lecture de leurs us et coutumes, à travers l’objet, reflète l’humilité de ces villageois aux origines tourmentées. Préserver ce patrimoine, c’est aussi cultiver la mémoire des lieux mais c’est aussi un hommage rendu aux hommes qui ont fait Takrouna, dont Tahar Guiga. La dénomination du « Rocher Bleu » est extraite de l’œuvre de ce  grand écrivain, natif du village.

Aujourd’hui ce village a revécu par la manifestation de « Colline en colline ». Bravo aux organisateurs.  Vivement que cet événement se multiplie. Il fait poser le regard juste et positif qu’il faut sur un patrimoine en dormance. Il fait chanter la terre, danser les cœurs et frétiller les rêves de lendemains meilleurs.

Amel Djait

Crédit photo: Goethe-Institut et le photographe Mejdi Bekri/ www.goethe.de.

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