En fait , ma participation était mue par une triple motivation :

-encourager une Association toute nouvelle qui se donne pour objectif ambitieux de cultiver une vision plus intelligente et plus dynamique du patrimoine et qui se propose de le promouvoir autrement .

-redécouvrir Thuburbo Majus , un site excentré par rapport aux routes touristiques classiques , peu programmé par les opérateurs locaux et peu médiatisé aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale.

-profiter d’un guidage à deux voix : celle de Sami Hriz qui laisse deviner de grandes potentialités personnelles et professionnelles et de John Whitehouse , un avocat australien qui impressionne par son immense érudition et sa connaissance de l’antiquité tunisienne .Pour moi qui hésite à reconnaitre laquelle de Sydney ou de Canberra est la capitale de l’Australie , il m’a littéralement ébloui par sa connaissance de chaque pierre du site et par chaque page l’histoire antique de la Tunisie.

Pour vous dire la vérité , je n’ai pas été déçu d’avoir participé à cette excursion pour plusieurs raisons 

La météo complice

Le temps était splendide , ni trop chaud , ni trop froid avec juste quelques nuages effilochés qui projetaient leurs ombres caressantes sur les monuments aux pierres et aux colonnes patinés .
Au fur et à mesure que le jour avançait , la lumière changeante ne cessait d’éclabousser le site de poussières d’or et d’argent avec une apothéose de magnifique amorce de coucher de soleil qui raccourcissait le temps de visite et allongeait les ombres des colonnes majestueusement dressées vers le ciel.

La compagnie
Les participants composaient un groupe équilibré de jeunes étudiantes et d’amateurs adultes ; un doux cocktail de cheveux de jais et de cheveux poivre et sel ; un improbable mixe de fraîche spontanéité sautillante et de démarche hésitante mais résolue .

Le site
Le site de Thuburbo Majus est magnifique car riche de toutes les pages historiques qui s’y sont inscrites.Un incroyable télescopage d’influences de toutes sortes et un écheveau de périodes historiques savamment démonté pierre par pierre et dénoués fil par fil par un John aussi méticuleux qu’érudit et un Sami aussi sévère qu’inspiré .
Thuburbo Majus : un véritables sandwich de civilisations avec des strates libyques , libyco puniques ,puniques , romaines , vandales , byzantines , chrétiennes et arabo musulmanes.
Thuburbo Majus :des pierres et des marbres de toutes les couleurs , des temples pour toutes les divinités puniques et romaines occupant souvent des espaces dédiés aux cultes les plus anciens , des squats d’espaces sacrés ou nobles pour des usages plus terre à terre lors de périodes décadentes , des thermes d’été et d’hiver traduisant des soucis immatériels qui vont au delà de la simple hygiène corporelle , une salle omnisports ‘”palestre des Petronii” unique en son genre, un amphithéâtre fatigué mais pouvant accueillir 7000 spectateurs pour une population estimée entre 10.000 et 12.000 habitants , des citernes qui témoignent d’une excellente maîtrise des eaux souterraines et de surface , un urbanisme romain moderne pour l’époque respectant toutefois la topographie du site ainsi que les édifices structurants de la cité libyco punique, des hectares et des hectares qui attendent d’être fouillés ….

Devant une telle densités de temples et de lieux de loisirs , je me suis surpris à faire un parallèle entre Thuburbo Majus et le bourg du Fahs d’aujourd’hui : c’est comme si le Fahs d’aujourd’hui disposait d’un règlement d’urbanisme, d’un cahier des charges architectural, d’un théâtre, d’un amphithéâtre, d’une salle omnisports , de deux grands complexes thermaux , de réseaux d’eaux usées , de citernes gigantesques , d’un forum immense et d’une myriade de temples , de basiliques et d’églises…un rêve impossibles à réaliser ni aujourd’hui , ni à très long terme .

Quelques regrets

Ce qui est regrettable c’est que le ministère de la culture et ses organismes responsables de la sauvegarde et de la mise en valeur des sites semblent délaisser complètement Thuburbo Majus pour le livrer aux intempéries, aux herbes sauvages , aux ronces, aux reptiles et aux troupeaux de mouton .Pas de circuits tracés et balisés , absence totale de signalétique extra et intra muros, pas de musée de site , pas de guide de sites, pas de buvette ou de cafétéria . Une bonne mention toutefois relative à un centre d’accueil tout neuf , tout blanc avec des toilettes d’une propreté impeccable. Propre mais vide et sans âme .

En bref
J’ai aimé cette incursion dans un site qui mérite de la part des pouvoirs publics plus de promotion et plus d’attention .J’en suis rentré avec des images plein les yeux , des connaissances plein la tête , et des amitiés nouvelles portant des prénoms tels que Samia, Salsabil ,Yosra , Azza ou Rania et tant d’autres qui m’excuseraient de ne pas avoir retenu leurs prénoms .
Je n’oublierai pas leur questions pertinentes , leur apartés malicieux et leurs fous rires complices qui sonnent comme des grelots .J’ai admiré le courage et le trac intelligent de celles qui ont pris la parole pour présenter certains monuments .

Un grand bravo à L’ACDT qui , je le pense , a réussi son baptême du feu en soignant l’ organisation de cette journée .Elle doit continuer dans cette voie sans perdre de vue la composante marketing et communication et en enrichissant constamment le contenu des programmes par des composantes ludiques .
Un grand merci à John et à Sami qui ont su réveiller les esprits qui hantent le site de Thuburbo Majus .

Wahid Ibrahim

4 novembre 2012

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