Mille et une Tunisie fait le point avec ces jeunes virtuoses qui montent en puissance et qui deviennent une des valeurs sûres de la musique d’aujourd’hui et de demain. Entretien avec les frères Mraihi. Conduit par  Amel Djait

Mille et une Tunisie : Amine et Hamza. Deux talents, une passion, deux instruments. Vous n’avez jamais rien fait comme personne…Surtout pas comme les jeunes de votre génération...

A & H : Nous avons eu la chance de baigner dans la musique très tôt. Nous avons beaucoup de curiosité, une volonté de défier le classicisme et de nous fixer des challenges artistiques. Notre démarche a toujours été purement artistique. C’est en fait la ligne conductrice qui définit notre projet musical.

La chanson d’Abdel Hay vous a beaucoup marqué dans votre jeunesse. Vous semble- t- elle désormais loin de vos goûts d’aujourd’hui ou continue- t -elle à vous inspirer ?

Bien que l’appréciation de l’esthétique musicale soit en mouvement perpétuel, certaines valeurs sûres de la musique arabe incarnées notamment par Salah Abdel Hay ne nous ont jamais quittés. Nous avons eu le bonheur d’avoir été initiés dès notre petite enfance à l’école classique arabe par notre père, très grand amateur de Abdel Hay en particulier. D’ ailleurs, petits, il nous plaisait de reprendre ces « Adwar » en chansonnettes sans trop comprendre de quoi il s agissait.

Et aujourd’hui ?

Même si nous avons plutôt choisi la voie de l’innovation, ces classiques n’ont jamais quitté nos cœurs.

Au delà de la passion qui vous lie, chacun a son instrument et forcément ses préférences. Comment se sont portés vos choix respectifs ? Comment arrivez-vous à ajuster vos rêves et ambitions ?

Le fait de partager le même quotidien, de nous nourrir des mêmes émotions et d’avoir été inséparables toute notre vie nous rapproche énormément artistiquement. Cela n’empêche que nous sommes très différents de caractères et nos dix années de collaboration artistique nous ont appris à user de nos divergences pour enrichir notre travail. Ceci dit, notre objectif est le même : fonder une musique tunisienne contemporaine alternative loin des stéréotypes, ancrée dans ses racines tout en exprimant les tunisiens que nous sommes.

Vous prenez beaucoup de libertés avec les genres. Votre travail est d’une extrême constance et détermination. Vos sources d’inspiration sont de plus en plus sans limites ni frontières. Si vous deviez qualifier votre musique, comment le feriez-vous ?

Nous partons du fait que la musique est une expression de sentiments purs, intenses et propres à tous les êtres humains. Nous avons l’immense plaisir de pouvoir communiquer à travers nos « oud » et » kanoun » avec des gens qui ne partagent ni notre culture ni notre langue…Les frontières deviennent alors tellement futiles. Elles laissent place à une unité beaucoup plus spirituelle.

Quelles sont les voies qui vous intriguent ou taquinent en ce moment ?

Depuis nos débuts, nous avons dirigé plusieurs projets incluant des musiciens des quatre coins du monde. Notre projet musical est une recherche continue de nouvelles sonorités et une quête tant bien artistique spirituelle qu’humaine. Notre dernier projet « Perpetual Motion » qui sortira cet été avec le fameux label allemand « Nertwork Medien» est une première mondiale en son genre. C’est la première fois que le « Oud » et le « Kanoun » rencontrent un Quatuor à cordes occidental classique.

Mais encore ?

A partir de nos compositions nous avons développé une expression harmonique poussée et renforcée par la symbiose qui règne entre les membres du groupe. Pour cela, nous serons accompagnés d’un Quatuor à cordes, d’un pianiste arrangeur polonais, d’un percussionniste serbe et de la délicieuse voix de Maroua Kriaa.

« Perpetual Motion » est bien le nom de votre 7ème album. Aujourd’hui vous défendez un spectacle qui sera une alternance entre le chant et l’instrumental dans une ambiance arabo-classico-jazz. Comment percevez-vous l’accueil que l’on vous fait en Tunisie ? Votre public  tunisien a-t-il changé ? Suit-il vos évolutions ?

A travers les années et nos différents concerts, un public sensible à notre discours musical s’est formé autour de nous. Ce public est en constante évolution. Il est assoiffé de nouveauté. A travers « Perpetual Motion », nous lui proposons effectivement une expérience singulière.

Quel accueil va faire votre public à cet album ?

Nous sommes confiants. Notre public est amateur de challenges autant que nous. Il saura déchiffrer ce nouveau spectacle qui s’inscrit dans la continuité de notre démarche artistique.

Que dites -vous à ceux qui viendront vous applaudir durant le festival « Jazz à Carthage » ?

Serrez vos ceintures. Redressez vos sièges. Fermez les yeux. Décollage immédiat.

{mainvote}