Le Tourisme Tunisien décide donc de rouvrir des bureaux qu’il a fermé il y’a quelques années à Riyad et de déloger ses bureaux d’Athènes vers Istanbul. L’urgence de cette décision s’explique-t-elle par la vitalité du marché du tourisme saoudien et la forte demande envers la Tunisie

L’opportunité serait telle aussi importante que la rater dans un moment de transition démocratique et d’espoirs de révolution touristique serait faire preuve de gâchis? Une large partie des professionnels du secteur bien que soucieux de la diversification des marchés sont hébétés. Ils ne s’expliquent pas pareille décision!

 

Se concentrer sur l’endettement du secteur touristique qui avoisine les 1 200 millions de dinars n’est-il pas plus urgent? Travailler à diversifier le produit et à restructurer l’existant en vue de sculpter un nouvel habit pour la destination qui lui permette justement d’attirer des marchés qui traditionnellement ne sont pas ceux de la Tunisie ne semble-il pas plus urgent? A moins que les  6 633 Saoudiens qui se sont rendus en Tunisie en 2010 ne soient multipliés par 10, par 100 par 1000 en 2011 et tellement plus au cours de 2012, au vu des résultats satisfaisants qu’affiche la destination!

La Tunisie s’était mis un objectif, celui d’atteindre environ 100 000 touristes saoudiens. Mais quand? Ce vœu pouvait-il devenir prioritaire dans un autre contexte politique diversement marqué que par le souci quasi permanent de rapprochement des nouveaux gouvernants aux pays Moyen-Orient? Au lendemain des élections du 23 octobre, Tunis a annulé le visa pour les Saoudiens qui sont plus de 4,5 millions à partir annuellement pour des vacances.

Trêve de plaisanteries! Pour quels desseins cette représentation y est-elle ouverte? S’agit-il d’une fleur de la part d’Ettakatol au parti Enahdha dominant cette troïka qui gouverne? Quelle est la pertinence de cette décision qui selon toute vraisemblance ne peut qu’être d’ordre politique? Pourquoi le ministre Elyes Fekhkeh qui fait partie des ministres les moins controversés du Gouvernement et qui reconnait lors d’une toute récente émission télévisée que «la destination n’a dans le contexte actuel rien à offrir au marché du Moyen Orient» joue t-il ce jeu?

Il est clair que pour conquérir des marchés il faut s’en donner les moyens  mais on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi ceux là et maintenant? Ces marchés sont ils prioritaires? En pareille conjoncture, le Tourisme Tunisien ne devrait-il pas miser davantage sur les marchés qui ont réagit le mieux durant cette crise, à savoir ceux des pays de l’Est qui en termes de retour sur investissements sont nettement plus probants.

D’autre part, l’ONTT qui doit avant tout se restructurer ne fait-elle pas preuve là d’un manque de discernement surtout après les déceptions venues du marché turque. Des opérateurs turcs avaient au lendemain de la panne du tourisme post 14 janvier promis un business de plusieurs centaines de milliers de touristes turcs en guise de soutien à la révolution. Un projet resté vœux pieux.

Pour le moment, c’est même le contraire qui arrive. La Turquie est l’une des destinations préférées des tunisiens qui s’y rendent en masse pour du shopping et des vacances. Cette destination est aussi en train de se dresser comme un redoutable concurrent à la Tunisie sur le marché Algérien.

Ceci dit et pour en revenir aux nominations, on ne peut se demander quels sont les critères qu’applique l’Office dans les nominations de ses représentants? Quelles sont leurs misions? Le temps est à une vraie concertation à ce sujet afin d’innover les méthodes, d’optimiser les moyens et de choisir les bonnes personnes aux bonnes places en fonction des marchés.

Pour en revenir au marché Saoudien, il convient d’identifier les besoins de ces touristes qui ne sont pas particulièrement «fans» de la Tunisie. Il va falloir les surprendre et titiller leurs curiosités tout en répondant à leurs besoins de luxe et de détente, en adaptant leurs demandes en matière d’hébergements autant que de plaisirs interdits dans leurs pays. S’ils aiment autant flâner à Paris ou à Londres, ce n’est pas uniquement pour la culture et la qualité de services qu’ils choisissent les destinations de leurs vacances. Voyageant en été, lorsqu’il fait plus de 40° dans leur pays, leur période de voyages est celle des Européens et autres Algériens chez nous. Un marché s’étendant sur une autre saisonnalité aurait été largement prioritaire.

Si la Tunisie n’est pas  intéressante en matière de shopping, de casinos ou d’hôtels luxueux pour les Saoudiens, elle est encore moins intéressante pour une catégorie bien précise, car pas assez permissive, pour que des clients qui fréquentent des destinations comme Dubaï, l’Egypte ou la Thaïlande. Et pour cause! Des clients voyageant en famille et ne se privant d’extras souvent liées aux soirées dans les cabarets, à la prostitution, à la pédophilie… Des clichés? Assurément! Il n’en reste pas moins vrai que le Saoudiens sont férus de «viande fraiche» et grands amateurs de mariage «orfi»…

Toujours est-il qu’avec quelque vingt millions de voyages de plus de trois nuits par an, les pays du Moyen-Orient constituent un véritable réservoir de touristes où la destination Tunisie peut puiser pour compenser la régression de plus en plus accentuée des flux touristiques émanant notamment de l’Europe.

Restent les mentalités des tunisiens opérants dans le secteur à changer. Les rapports entre les tunisiens et les saoudiens sont souvent tendus pour des causes historiques. Les clients du Moyen-Orient ont toujours été une denrée rare en Tunisie et ce pendant plus de 50 ans de tourisme. Un changement devrait alors s’opérer. Les mentalités vont-elles s’adapter? Rien n’est aussi sure.

Dans l’état actuel des choses, le marché touristique du Moyen-Orient et saoudien sur la destination sont à créer. Reconnue pour ses touristes dépensiers, il va falloir pour toucher le marché mettre un gros paquet d’argent pour créer une image de marque de la notoriété de la Tunisie  en tant que destination touristique offrant des produits diversifiés et adaptés. Des produits dont la destination ne dispose pas, du moins pas encore et avant quelques temps!

Les temps justement changent et les business avec. Qui aurait dit qu’au lendemain de la révolution du 14 janvier que le président déchu s’enfuirait en Arabie Saoudite et qui aurait dit que la destination tunisienne se retrouverait à mettre les petites plats dans les grands pour lui faire du charme.

A défaut d’être liées à jamais, les destins de la Tunisie sont, en fonction de la gouvernance actuelle, liée à l’Arabie Saoudite. En attendant de voir les pancartes vantant les mérites de nos déserts et mers aux salons de l’Arab World Travel à Beyrouth, au Mediterranean Travel Fair au Caire, au Kuweit Inter Travel au Koweït et à l’Arabian Travel Market à Dubaï… Réjouissons, nous de recevoir nos ressortissants qui sont allés faire un tourisme d’un tout autre genre en Arabie Saoudite : Le pèlerinage!

Amel DJAIT

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