Mais l’absence de basse et de batterie ne fut heureusement pas un handicap, tant l’empathie entre le saxophoniste et son complice, le pianiste Joey Calderazzo, fut  de tous les instants.

Et si l’on doit utiliser un seul terme pour qualifier leur prestation, ce sera : densité. Densité du jeu de Branford, au saxophone ténor surtout. Et particulièrement  sur le premier morceau lent du concert, où sa sonorité pleine de tendresse faisait penser à quelque chose entre John Coltrane et Wayne Shorter.

Densité du jeu de Joey, plus spécialement sur le morceau rapide du rappel où son phrasé compact me fit un instant penser à Lennie Tristano, ce pianiste de légende bien trop sous-estimé.Et si l’on parle de sous -estimation, laissez-moi vous dire que Branford Marsalis est à Joshua Redman ce que Charlie Haden est à Esperanza spalding. Car disons-le tout net, Branford Marsalis est très probablement le meilleur saxophoniste ténor actuel, si l’on excepte Sonny Rollins le Roc et Wayne Shorter l’Extraterrestre. Tout comme Kenny Garrett me semble être le meilleur saxophoniste alto.

Un concert, donc, qui se méritait. Et les réactions spontanément enthousiastes du public attentif en furent la preuve. Grande idée que d’avoir programmé ce duo d’exception.Le jazz est un langage universel et seuls les hommes mettent des frontières entre  les peuples et leurs cultures. Le saxophoniste Albert Ayler disait « Music is the healing force of the Universe » (la musique est la force qui peut guérir le monde), Dieu l’entende.

À toutes fins inutiles (sic) rappelons que Branford  Marsalis fit ses classes au sein des mythiques Jazz Messengers d’Art Blakey, comme tant d’autres. Et qu’il joua avec Dizzy Gillespie et Miles Davis, excusez du peu, avant de se frotter à l’univers de Monsieur Sting et au rap de Gangstarr. De formation classique comme son frère Wynton, il interprète aussi bien la musique symphonique d’un Claude Debussy par exemple, que le jazz moderne le plus inventif. Le duo qui nous fut présenté hier soir tient du miracle pur et simple entre deux humanités. De Marsalis, Joey dit u’il est brillantissime et de Calderazzo, Branford dit qu’il ne jouerait pas avec un autre pianiste que lui.

FRANK SALIS H30
En première partie, il nous fut donné de rencontrer un quartet venu du Tessin, Suisse. Contraste saisissant avec notre duo, il s’agissait ici de « viande saignante », de pur « rentre-dedans » ! Du vrai Rhythm and Blues sous la protection bienveillante des Ray Charles, Horace Silver et Jimmy Smith par exemple. Ce groupe formé de Frank (claviers ), Marco Nevano (sax), Sandro Scheebeli (guitare) et Rocco Lombardi (batterie), nous administra une leçon de bonne humeur communicative. Je me suis même pris à rêver des quartets qui réjouissaient mon adolescence, comme ceux où jouaient ceux que l’on appelait les « ténors velus », les Red Prysock, Red Holloway. « Red », chauffés au rouge, ils l’étaient aussi  nos vaillants transalpins ! 
Une très bonne entrée e matière à une soirée  réussie.

Michel Delorme – Photos © Samy Soussi

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