Alors que certaines initiatives éclosent ici et là pour classer le patrimoine immatériel de la Tunisie au patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco, alors qu’une initiative tente d’inscrire l’oasis de Gabès sur cette même liste, le ministre de la Culture a tiré le signal d’alarme.

En effet, le site de Carthage et les médinas de Tunis, Sousse et Kairouan risquent d’être déclassés par l’Unesco qui exige non seulement que les sites soient beaux mais surtout qu’ils soient uniques. En plus de leur «valeur universelle exceptionnelle», il faut que la sauvegarde des sites soient programmées précise-t-on du côté du siège de l’Unesco. Et ceci est loin d’être le cas pour les sites tunisiens! «Les médinas de Kairouan, Sousse ou Tunis sont détruites un peu plus chaque jour. Elles sont défigurées et saignées. Ceci est la responsabilité de l’Etat certes mais aussi de tous et toutes et pas seulement du ministère de la Culture…», précise le ministre, reconnaissant par la même l’incapacité de ses services d’arrêter ce vandalisme.

Qui se soucie de la Culture en Tunisie? Qui veille sur le patrimoine tunisien? Quel impact aurait le déclassement de Carthage ou des médinas de Tunis, de Kairouan ou de Sousse sur le tourisme s’il venait à se confirmer?

Sans en revenir au contexte politique générale dans cette phase de transition démocratique, sans avoir à revenir sur les défis qu’affronte la Tunisie, n’est ce pas à l’exécutif de prendre les mesures nécessaires pour arrêter cette agonie?
Tous les jours, des sites du patrimoine archéologique, architectural et naturel sont pillés et ravagés. Des lieux historiques sont détruits et la construction anarchique a fait le reste pour défigurer ce qui était beau dans ce pays (Takrouna, Bizerte…). Quand et qui arrêtera ce gâchis?

Pour en revenir aux sites classés patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco, la perte de ce statut causerait un dommage inestimable. Obtenir le label Unesco est un vrai parcours du combattant qui se règle à coup d’actions de lobbying difficilement compatible avec certains axes de développement du territoire ainsi que la réalité du terrain. Imaginez donc la difficulté pour reclasser ces monuments s’ils perdaient leurs labels!

Pourtant la Tunisie a préparé une nouvelle liste comportant 46 sites et monuments en vue de leur inscription officielle au patrimoine mondial de l’Humanité par l’Unesco. Cette liste comprend des sites archéologiques et naturels répartis sur tout le pays dont le Ribat de Monastir, Borj Khédija à Lamta, Mahres, Djerba, la Médina de Sfax (les remparts et la mosquée), Thyna et Jbeniana, Kerkennah, la réserve de Djebal Chaambi, Thala, Hidra, Tabarka, Bulla Régia et Chemtou.

La Tunisie devrait peut-être commencer par protéger ses 7 sites inscrits… Au vu des dégradations que subissent de nombreux sites et en l’état actuel des choses, il convient vite d’agir afin de ne pas subir l’humiliation de la dégradation des sites déjà inscrits.

L’inscription des sites et des monuments au patrimoine mondial n’est pas seulement une question de prestige, c’est une responsabilité à assumer. Le label Unesco met en exergue la valeur historique et naturelle d’un site et soutient son exploitation pour le tourisme culturel, ce tourisme dont on parle tant actuellement en Tunisie et qui semble être notre avenir… Il est tout tant de “rentabiliser”  ces labels.

A ce jour, 936 biens figurent sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco dans 153 pays, dont 725 au titre des sites culturels, 183 au titre des sites naturels et 28 mixtes.

La liste des nouveaux sites à inscrire est longue, très longue… Au vu de sa gestion actuelle des sites déjà inscrits, la Tunisie a objectivement peu de chances d’y voir de d’autres s’y ajouter.

Amel Djait

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