Les visuels mettent en avant le grand canyon ou encore le spa de l’hôtel Tamerza Palace. Au-delà du fait que le sud n’est nullement une destination spa ou thalassothérapie, il aurait peut-être fallu réfléchir à la pertinence de pareille campagne sachant que le ministère des Affaires étrangères français classe la zone Sud tunisienne en zone déconseillée! Bien curieux ou courageux de promouvoir une région pointée du doigt par les autorités du marché auquel la campagne s’adresse. Si la stratégie de l’ONTT pour 2012 est de valoriser le patrimoine tunisien et de montrer la diversité des régions, c’est tant mieux ! Reste à savoir si le timing et, le cas échéant, les contenus sont bons!

Mais au-delà de cette campagne, la question à poser est aussi celle de la pertinence de la reconduction d’un fort engagement sur le marché français. Les chiffres et tendances donnent ces quelques éléments de réponse et poussent à une vraie réflexion. 

Selon une récente enquête réalisée par TNS Sofres, le 3 janvier, les deux tiers des Français envisagent de se serrer la ceinture en ce début 2012. Le moral des ménages est à son plus bas niveau depuis 2008 et ces derniers sacrifieront en premier lieu leurs loisirs. Du côté des professionnels du tourisme, la nouvelle ne fait pas plaisir. Car chez ceux qui souhaitent économiser, le premier budget que l’on comprime est visiblement celui des vacances.

Et du côté des professionnels du secteur français, quelle est la situation? Citons par exemple la réponse du patron de Tui dans un entretien accordé au magazine “La Tribune” en date du vendredi 13 janvier 2012. Pascal de Izaguirre expose ses pronostics 2012 pour le secteur en disant: « Je suis très pessimiste. L’année 2012 sera très difficile, en particulier pour le voyage. Outre un environnement défavorable, il faudra également tenir compte des élections présidentielles et législatives dont on sait par expérience qu’elles ne sont jamais propices à des déplacements à l’étranger. Tous les acteurs du tourisme vont souffrir… »

Une année qui s’annonce difficile dans un contexte marqué par les élections aux Usa et en France, par les révolutions arabes qui sont encore en cours dans différents pays, par les élections en Algérie…

Le contexte est aussi marqué par une situation préoccupante du côté des l’industrie touristique française puisque bon nombre d’opérateurs sortent de 2011 dans un état critique. Si l’on retient que des poids-lourds comme Nouvelles Frontières/Marmara (groupe TUI Travel) et Thomas Cook France, ont des comptes dans le rouge en 2011, ils ont autant de raisons de s’inquiéter pour 2012.

Selon l’AFP « Après des résultats annuels historiquement bas, Nouvelles Frontières fusionnera en janvier avec Marmara, Tourinter et Aventuria pour assurer sa survie, avec pour conséquence environ 400 suppressions de postes. Le britannique Thomas Cook a lui perdu plus de 600 millions d’euros cette année et sa branche française est l’une des plus touchées par la crise. Quant à Fram, par exemple, spécialiste du Maghreb (50% de son activité) et de la moyenne gamme, il a perdu 5,6 millions d’euros en 2010 et le bilan 2011 s’annonce mauvais ».

Au dernier forum du CETO mi-décembre, les réservations de février semblent aussi en demi-teinte, alors que 800.000 Français renoncent à partir cette année (-7%), selon le cabinet Protourisme, pour des raisons essentiellement financières.

En tentant de garder le moral et en partant du fait qu’il est « trop tôt pour jauger la réussite des vacances du printemps, les ventes pour l’été 2012 ne démarrent en ce moment qu’à coup de promotions de “première minute”, soit des réductions pour ceux qui réservent très tôt.

Le PDG de Transat France se dit inquiet l’avenir de la France sur le  balnéaire. Il précise “en ce moment, des pays nous prennent des parts de marché, les Russes occupent en Egypte les belles places au soleil dont les Français ne veulent pas et il va être très difficile de les reconquérir”. D’autant que “les tours-opérateurs russes paient plus cher les séjours”. Les Russes sont en effet devenus le premier marché de l’Egypte.

Même constat pour la Tunisie, qui selon le CETO a perdu en 2011 sa place de destination numéro 1 des Français au profit du Maroc. Les hôteliers tunisiens commenceraient à regarder ailleurs que vers la France.

Toujours selon l’AFP, « la tendance des Français à privilégier massivement la France pour leurs vacances ces dernières années, portefeuille oblige, n’arrangera pas la situation des tour-opérateurs français, dont le coeur d’activité est le moyen-courrier (près de 60% du trafic en 2011).» Cela arrangera t-il la Tunisie ? Ne convient-il pas d’y réfléchir? Ne faut-il plus mettre tous ses oeufs dans le même panier ? Ne suffit-il plus de mobiliser autant de ressources sur un même marché? Ne conviendrait-il pas d’investir le web pour promouvoir autrement?

Amel Djait

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