Patricia Triki achève en France une année 2011 artistiquement dense pour elle. Aux côtés de Malek Sebaï et Khira Oubeidallah, elle fait partie des invités de la Nuit curieuse organisée samedi 26 novembre 2011 à la Ferme du Buisson et consacrée à la scène artistique tunisienne. Pour la programmation, carte blanche a été donnée au chorégraphe tunisien Radhouane El Meddeb. La plasticienne et photographe a fait le voyage depuis Tunis. Entretien avec elle à la veille de la manifestation.

Mille et une Tunisie : Comment vous êtes-vous retrouvée dans la programmation de cette Nuit curieuse ?
Patricia Triki : J’ai eu l’occasion de rencontrer Radhouane El Meddeb à Tunis. A l’époque nous travaillions sur notre pièce chorégraphique Manel wù Saoussen avec Malek Sebaï et Sondos Belhassen. Il nous a permis de présenter notre création au Centre National de la Danse à Pantin au début de l’année. Radhouane connaissait mon travail dans le cadre de ce “spectacle”. Puis, en venant chez moi, il a découvert plus largement mon univers artistique qui lui a beacoup plu. Ceci l’a incité à m’inviter pour la Nuit curieuse avec des oeuvres personnelles.

Mille et une Tunisie :  Comment s’annonce cette Nuit curieuse pour vous ?
P.T. : Tout d’abord, c’est un vrai plaisir de travailler à la Ferme du Buisson. Le lieu est magnifique. On sent qu’ici on fait  très attention à la qualité artistique. Ce n’est pas vraiment un lieu d’exposition, comme une galerie, mais il y a un vrai sens professionnel notamment avec les équipes techniques. Pour l’installation j’ai été assistée par un jeune technicien très rigoureux, très à l’écoute. C’est à la fois agréable et reposant. Ceci me permet de me concentrer sur mon travail sans courir dans tous les sens pour régler mille détails.
Ce professionalisme, c’est peut-être ce qui nous manque le plus en Tunisie. Nous artistes indépendants souffrons d’un manque de moyens. En même temps, je dois reconnaître que ces difficultés nous obligent aussi à être plus créatifs. Et malgré le confort que l’on trouve ici, je ne me verrais pas revenir à Paris et y travailler en permanence.

Mille et une Tunisie : Quelles oeuvres présentez-vous ?
P.T. : Je suis présente sur deux volets : d’un côté pour la création scénique Khira wù roshdi réalisée avec Malek Sebaï et Khira Oubeidallah. C’est un prolongement de Manel wù Saoussen avec une nouvelle chorégraphie, un percussionniste. De l’autre je présente mon travail personnel photographique à la fois sur tirages papier et sous forme de diaporamas. En 2010, j’avais entamé des séries sur Tunis, images réalistes / images sublimées ; elles ont d’ailleurs été exposées en Allemagne cet automne. J’avais pris le parti de prendre des vues de la ville sans aucun personnage. Pour cette Nuit curieuse, je montre une sorte de synthèse de tout ce travail ainsi  qu’une nouvelle série. Cette fois je me suis concentrée sur les gens, le mouvement en marche dans la rue. Ils mangent, ils courent, ils téléphonent. On est dans une grande énergie.

Mille et une Tunisie :  Quels sont vos projets après la Ferme du Buisson ?
P.T. : J’ai eu la chance d’avoir une année très remplie et j’ai notamment été invitée plusieurs fois à l’étranger.  La Docks Art Fair en septembre à Lyon, où je représentais la Galerie El Marsa. En octobre, j’ai donc participé au Festival Urban Mutations à Dresde en Allemagne. Mes photos ont eu beaucoup de succès mais ont donné lieu à quelques incidents. Certaines étaient exposées dans l’espace public et ont été vandalisées par des gens de l’extrême-droite. Apparemment ils n’ont pas apprécié de voir des mosquées exhibées dans les rues de leur ville….
A présent je dois boucler une création pour l’Institut du Monde Arabe qui prépare une exposition pour janvier prochain autour de la révolution tunisienne. Au moment où la Tunisie était en pleine effusion en janvier et février, je suis allée le matin très tôt faire des images dans Tunis. Je me suis rendue sur les check-points installés par les comités de quartiers qui protégeaient les habitations. J’ai pris en photo ces barricades, au petit jour, sans présence humaine, juste la trace. Voilà sur quoi va reposer cette prochaine création.
Je dispose de beaucoup de matière car j’ai énormément produit cette année. A présent je vais prendre le temps de rassembler toute cette matière. Il faut que je fasse aboutir tous mes chantiers de création.

CéCiL Thuillier

Pour en savoir plus sur la Nuit curieuse : www.lafermedubuisson.com/NUIT-CURIEUSE-LEYLA-TOUNSIA.html

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