Mille et une Tunisie : Anas Ghrab, parlez-nous de votre parcours ?
Je suis musicologue de formation. Après avoir fait le Conservatoire de Tunis, j’ai poursuivi mes études de musicologie en France où j’ai obtenu un doctorat en « Evolution de la théorie musicale d’après les écrits et textes arabes ». J’ai ensuite exercé en tant que professeur à l’ISAM à la Manouba puis à Sousse à l’Institut Supérieur de Musique avant de prendre la direction du Centre.

Mille et une Tunisie : Quelles sont les activités du Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes ?
Le Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes est situé dans le palais Ennejma Ezzahra, un palais édifié au début du XXème siècle par le Baron d’Erlanger et qui est considéré comme un joyau de l’architecture arabo-islamique en Tunisie. Le Centre s’articule autour de 4 départements : un musée abrité dans le palais  où est exposée la collection la plus complète des instruments de musique en usage en Tunisie, la Phonothèque Nationale,  dont les services jouent une fonction importante puisqu’ils collectent, traitent, restaurent et sauvegardent le patrimoine phonographique tunisien ,  un centre de recherche en musicologie avec une lutherie et des activités musicales visant à sauvegarder et à mettre en valeur le patrimoine musical tunisien, arabe et méditerranéen. Enfin, le Centre accueille des concerts et des festivals de musique (Musiquât, Musiciens de Tunisie, Couleurs Jazz).

Actuellement, nous menons,  entre autres,  une réflexion sur l’élargissement des publics du centre. Notre volonté est de fidéliser ceux-ci en les amenant à fréquenter régulièrement le Centre mais aussi d’amener de nouveaux publics. Nous avons un vrai problème de communication et pas de stratégie marketing. Nous allons faire en sorte de changer cela en développant par exemple des concerts dans les jardins, des soirées musique et littérature, des rencontres, des performances, des colloques… Dans cet esprit, nous avons déjà commencé à développer des activités extra-muros notamment à l’occasion du dernier festival Musiqât (30 septembre-8 octobre 2011) avec un concert au Théâtre municipal et un autre à l’Acropolium. L’objectif est en 2012 d’étendre cela sur l’ensemble du territoire tunisien.

Côté recherche, en décembre,  le Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes organise un colloque national sur les traditions musicales régionales en Tunisie. Il s’agit de faire un état des lieux de nos connaissances dans ce domaine pour conserver et valoriser ce patrimoine immatériel. J’en profite ici d’ailleurs pour lancer un appel à tous les chercheurs, musiciens, musicologues ou amateurs qui ont travaillé sur cette question des traditions musicales régionales tunisiennes. Enfin, le Centre met également en place cette année un système de bourses pour soutenir et encourager des étudiants en musicologie qui souhaiteraient entreprendre des recherches sur des thématiques qui intéressent le centre.

Mille et une Tunisie : Quelles sont les reformes à mettre en place pour donner plus de visibilité à ce lieu ?

La 1ère priorité est de continuer de faire vivre ce lieu, de le rendre plus fonctionnel mais aussi rentable. Quand j’ai pris mes fonctions à la direction du Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes en avril dernier, j’ai tout de suite mis en place des réunions de travail avec tous les anciens directeurs afin de faire un état précis des lieux et  de la situation et de voir comment nous pourrions l’améliorer. Comme vous le constatez,  les activités sont multiples, et, à terme, nous souhaitons que chaque département puisse être dirigé par un expert du domaine entouré d’une solide équipe. Le Centre dispose actuellement d’un staff d’une cinquantaine de personnes qui sont très polyvalentes et occupent souvent des fonctions bien différentes. L’objectif est de rationaliser le fonctionnement. Nous sommes déjà parvenus, en l’espace de 5 mois,  à faire évoluer le statut du Centre en administration public à caractère non administratif, ce qui va grandement faciliter sa gestion financière.

Notre problème est le manque de stratégie de communication et de marketing afin de nous faire mieux connaître à l’échelle nationale et internationale. Dans ce sens, un comité d’experts est en train de voir le jour afin de redonner au lieu tout son rayonnement international. Il faut savoir que, depuis sa création en 1991, le Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes a acquis une solide réputation internationale et a même reçu des prix prestigieux,  comme en 1997,  le Prix Honoris Causa,  décerné par le Conseil International de Musique (UNESCO), en 2008, le Prix Lois-el Faruqi décerné par la Société d’Ethnomusicologie  de l’Université de l’Indiana (Etats-Unis) et en 2009 le Prix de l’Académie Arabe de Musique relevant de la Ligue des Etats Arabes.

Mille et une Tunisie : Alors qu’on parle du développement du tourisme culturel en Tunisie et que Sidi Bou Saïd est une destination touristique phare du pays, comment amener les touristes à visiter Ennejma Ezzahra ?
C’est la grande question ! Il est anormal qu’à Sidi Bou Saïd,  alors que le flux touristique est quasi continu, les touristes ne visitent que rarement le palais et que les Tunisiens ne le fréquentent pas du tout ! Il serait intelligent de développer avec l’ONTT et le ministère de la Culture un circuit touristique laissant une place de choix à ce monument. De notre côté et dans un 1er temps, nous allons déjà améliorer la signalétique à l’intérieur même du village.

Pour le public local, nous devons les amener à découvrir ou redécouvrir leur patrimoine. Pour cela, le Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes va développer au maximum des activités culturelles régulières et moins ponctuelles. En effet, le Centre est trop souvent uniquement associé au Festival Musiqât mais les gens ne savent que plus rarement que nous avons des activités musicales régulières, une phonothèque, un musée des instruments anciens, un centre de recherche en musicologie….

Propos recueillis par Aurélie Machghoul

Centre des musiques arabes et méditerranéennes – Ennejma Ezzahra
8, rue du 2 mars 1934
2026 Sidi Bou Saïd
Tél. : (+216) 71 746 051
Site : www.cmam.tn

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