Comme si les spoliations et l’inculture des Ben Ali, Trabelsi et autres familles proches de Zaba n’avaient pas suffi à saigner le pays de ses richesses archéologiques, c’est, depuis la révolution, certains citoyens qui continuent de violer impunément notre histoire et notre patrimoine.

Monsieur M., retraité et habitant du quartier avoisinant ledit terrain, est témoin du chantier. Il prévient immédiatement ses contacts à l’INP ainsi que le 197. Du côté de l’INP, on ne peut rien faire, l’administration est fermée le dimanche… Côté autorité, le 197 renvoie Mohamed M. aux différents secteurs dont dépend le terrain, celui des Berges du lac, de La Soukra puis de l’Ariana. On lui répond systématiquement qu’on va le rappeler. Personne ne rappelle et les bulldozers poursuivent le massacre…. Pendant ce temps les vestiges ou plutôt, les gravats, s’accumulent le long de la route aux pieds des immeubles. Aujourd’hui, le site n’est plus.

Quand les promoteurs immobiliers, ici un  Ben Hmida, citoyens à part entière, et autres spoliateurs vont-ils enfin prendre conscience du fait que s’est leur propre patrie qu’ils agressent, qu’ils préparent un avenir bien sombre pour leurs propres enfants, et que l’impunité n’est plus de rigueur dans ce pays ? Et quand les autorités vont-elles également agir de manière ferme et exemplaire à l’encontre de ces actes de vandalisme.

Petite leçon d’histoire : l’aqueduc de Zaghouan a été bâti par les Romains sous le règne d’Hadrien (IIème siècle ap. J-C.) pour acheminer l’eau du Djebel Zaghouan à Carthage. L’aqueduc court sur plus de 120 kms et de beaux vestiges de cet ouvrage sont encore (pour l’instant ?) visibles sur la route de Tunis à Zaghouan peu après Mohammedia. Ils l’étaient aussi à la Soukra jusqu’à cet été…
Une association des habitants du quartier de La Soukra El Montazeh Sud  était en train de voir le jour afin de protéger et de valoriser ces vestiges archéologiques. L’idée était de proposer l’aménagement des abords du viaduc en terrain de jeu, espace vert, piste cyclable… Des barres d’immeubles de 4-5 niveaux remplaceront ce beau projet.

Samedi 8 octobre : toujours dans le même quartier La Soukra El Montazeh Sud,  sur la parcelle attenante à celle où fut commise en juillet dernier la destruction de notre patrimoine se dresse encore un des piliers de l’aqueduc. Ce bout de terrain n’appartient pas au même propriétaire. Dans un scénario déjà vu, les bulldozers entrent à nouveau en scène afin d’aplanir ledit terrain sauvegardé et donc de raser tout ce qui s’y trouve, vestiges archéologiques y compris. Très rapidement, la police, alertée par les habitants du quartier, intervient. Tout le petit monde est embarqué au poste…

On peut se féliciter que les autorités aient su cette fois-ci réagir et espérer qu’à l’arrestation s’ensuivent de réelles poursuites. Cependant, devant le rythme des destructions de notre patrimoine et autres actes de pillage, on peut se demander s’il restera grand-chose en Tunisie d’ici quelques années. Comment développer le tourisme culturel s’il n’y a plus les biens qui s’y rapportent et surtout qu’ expliquer à nos enfants dont on vient de priver d’une partie de leur histoire?

Aurélie Machghoul

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